"Le péronisme dans toute sa splendeur" (en haut) "Débâcle" (en bas.Vous n'aviez pas besoin de traduction) Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
En arrivant au pouvoir il
y a presque quatre ans, Mauricio Macri, mettant en route ce qu'il
appelait la "révolution de la joie", avait demandé qu'on ne le juge
que sur ses performances économiques : il promettait la
pauvreté zéro, du travail digne pour tous les Argentins, la prospérité
du pays grâce à sa politique ultra-libérale et à la
déréglementation sociale, qui a démembré la majeure partie des protections dont pouvaient jouir les habitants de ce pays. Le
président a tout raté : le nombre de pauvres et d'indigents a
augmenté de telle manière qu'hier soir, même les économistes
orthodoxes et les politologues de droite avouaient à la télévision que les électeurs qui avaient voté pour Macri ne pouvaient l'avoir
fait que "malgré la situation économique" et pour d'autres motifs. Le nombre de chômeurs est
monté. Le nombre de salariés qui cumulent à nouveau plusieurs
emplois pour survivre a fait de même. La couverture sanitaire a
chuté. Il y a des explosions mortelles dans des écoles publiques.
Un nombre faramineux d'entreprises a mis la clé sous la porte.
Hier, le président a donc
été exaucé : il vient de prendre la raclée du siècle lors
des PASO, les primaires qui jouent le rôle d'un avant-premier tour
et dessinent le paysage politique qui sera celui du premier tour en
octobre. Une bonne quinzaine de points sépare le président de son
principal opposant, qui a recueilli hier un pourcentage de voix
suffisant pour être élu au premier tour au printemps. Les résultats
étaient si frappants et si inattendus que le gouvernement a retardé
de plus d'une heure l'annonce des premiers résultats officiels. La
justice, qui surveille le processus électoral de A à Z, avait exigé qu'on
n'annonce rien avant que 10% des bureaux de vote ne soient
dépouillés. Ce qui devait intervenir vers 21 h. Et à 21h, le pays,
les journalistes sur les plateaux télé, dans les rédactions, dans
les studios de radio ont retenu leur souffle. Et rien n'est arrivé. Aucune explication. Puis on a annoncé qu'on attendrait que 15% des
bureaux soient dépouillés. Et les gens de droite qui assuraient en début de soirée que les 4 à 6 points de différence connus à la sortie des bureaux
de vote allaient se réduire au fil de la nuit ont soudain perdu leur voix. Le temps a passé : 21h15. Rien. 21h30. Rien. A tel
point qu'à 22h, une chaîne a lâché le direct pour passer à un
programme de variété d'une vulgarité sans nom (de la télé
Berlusconi). Et enfin, vers 22h10, on a vu paraître la brochette des
caciques de la majorité, président en tête et voix blanche. Des têtes de 10
pieds de long. Mais cela faisait longtemps qu'on avait compris que Alberto
Fernandez était arrivé largement en tête.
A tel point qu'il est
considéré comme déjà élu ou peu s'en faut. Le gouvernement a même dû démentir des rumeurs de transition entre majorité sortante et
entrante !
Dans la province de Buenos
Aires qui rassemble environ un quart de la population totale du pays,
les résultats sont encore plus contrastés : le candidat
gouverneur frôle la majorité absolue et la gouverneure sortante a
déjà perdu tout espoir de rempiler. Très mauvaise joueuse, elle
refuse de comprendre le message qui a été envoyé par l'électorat,
elle promet de "continuer à travailler en en faisant plus" alors que
le peuple vient de dire qu'il voulait non pas plus de la même chose
mais tout autre chose. Elle aussi a multiplié les erreurs graves,
l'une qui lui revient le plus dans la figure ce matin est d'avoir dit
qu'il y avait trop d'universités dans sa province puisque les
pauvres ne faisaient jamais d'études supérieures. On dirait Macron
et ses gares où il voit des gens qui ont réussi et des gens qui ne
sont rien. Et bien en Argentine, il n'y a pas de gilets jaunes mais
il y a des électeurs et qui ne s'en laissent pas compter trop
longtemps.
"L'incontestable triomphe de Alberto F. le place à deux pas de la présidence" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
On s'attend d'ici à la
fin de la semaine (1) à un remaniement de gouvernement pour les
quelques mois qui restent à courir jusqu'au 10 décembre. Il semble
impossible que Macri remonte son retard. Il a déjà fait le plein de
ses électeurs. Il y avait 75% de participation, ce qui est très
élevé pour des élections primaires. Pourtant, KO debout hier, le
président tient dans sa conférence de presse de la fin d'après-midi
un discours de reconquête de l'électorat dont le ton semble avouer
qu'il n'y croit guère mais il faut bien continuer à
travailler et à faire semblant de maîtriser la situation qui lui
échappe : le dollar, hier à 47 pesos, a sauté à 60 en
quelques minutes ce matin. Un discours autiste comme c'est le cas de
la gouverneure de Buenos Aires et comme c'était aussi le cas de beaucoup de péronistes défaits en 2015. (2)
"Un triomphe qui écrase tout place Fernandez aux portes du pouvoir" |
Tous les journaux
consacrent une partie majoritaire de leur édition à gauche la
divine surprise de la victoire et à droite à la catastrophe de la
défaite qui met le kirchnerisme aux portes du pouvoir comme si l'on
parlait des chars soviétiques !
Pour en savoir plus :
lire l'article de Clarin
sur la fête au QG deAlberto Fernandez (en Argentine, on parle de
bunker)
lire l'article d'analyse politique de La Nacion où un journaliste macriste déplore
l'attitude arrogante et imbécile de plusieurs ministres de l'actuel
gouvernement (un article qui n'est pas sans rappeler bien des traits
de la situation française).
(1) Ce sera un long
week-end. Le 19 août est un jour férié en l'honneur de San Martin
dont l'anniversaire du décès, le 17 août, est devenu une fête
mobile pour créer un long week-end qui permette de développer le
tourisme intérieur.
(2) En revanche, en
conférence de presse, les journalistes, y compris de droite, se
montrent incisifs dans leurs questions tant aujourd'hui qu'hier. Ils semblent avoir fait des progrès dans l'exercice démocratique de leur métier tandis que les blablateurs de plateau de soirée électorale étaient
peu inspirés hier soir.