jeudi 19 juin 2025

La justice a raté son coup : on n’avait pas vu autant de monde dans les rues depuis longtemps [Actu]

"Le 18", dit le gros titre en allusion au 17 octobre 1945,
le jour où le peuple a montré sa loyauté à Perón
et l'a fait rappeler d'un exil sans procès.
Certains manifestants, conscients du parallèle historique,
ont répété l'image iconique de 1945 : ils se sont assis sur le bord
du bassin de la Place de Mai, se sont déchaussés
et ont mis les pieds dans l'eau.
Ils ont du courage ! En octobre, il fait chaud mais en juin,
gla gla : l'eau de la fontaine devait être frisquette !
La photo représente Plaza de Mayo hier
En biais à gauche, on voit le Cabildo et son toit rouge.
A sa droite, Avenida de Mayo.
A droite encore la Diagonal Norte avec l'obélisque
qui se dresse dans la perspective
Et tout à droite de l'image, la façade néo-classique de la cathédrale.
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Il semble qu’environ un million d’Argentins, sur une population totale de moins de 50 millions, ont arpenté les rues des grandes villes du pays hier dans l’après-midi, donc en plein jour, pour soutenir l’ancienne présidente Cristina Kirchner et protester contre le traitement judiciaire qui lui est appliqué et qu’ils sont nombreux à estimer injustifié. Le gouvernement tente en vain de prétendre que le nombre de manifestants n’a guère dépassé les 48 000 personnes, un peu comme ce conseiller de Trump prétendait samedi soir que le défilé militaire avait été un grand succès tandis que les manifestations No Kings avaient connu un fiasco retentissant (on sait que c’est exactement l’inverse qui s’est passé).

Le gros titre parle comme d'un enterrement :
"La foule pour un adieu ?"
Quelle mauvaise foi !
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La presse de droite brûle d’envie, elle aussi, de minimiser les chiffres mais les journalistes avouent qu’ils doivent se rendre à l’évidence. Les photos démontrent clairement qu’il y a eu environ un demi-million de manifestants hier dans la seule capitale où la Plaza de Mayo ainsi que les rues et avenues qui y mènent étaient noires de monde sur plus d’un kilomètre en profondeur.

Une photo de la manifestation à La Plata
dans cette édition locale de Página/12
Cristina Kirchner est native de La Plata
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La presse de droite prétend aussi, contre toute évidence, que le mouvement péroniste serait divisé alors qu’il est clair que pour l’occasion, il a refait son unité dans la diversité des courants et des personnalités qui le composent. A Buenos Aires, les bannières les plus visibles étaient celles de la Campora, le mouvement de jeunesse, passablement radicalisé, que dirige Máximo Kirchner, le fils quarantenaire de l’ex-présidente, lequel se présente désormais en héritier politique de ses deux présidents de parents. Pour autant, il n’est pas certain que ce mouvement constituait la majorité du cortège à Buenos Aires.

"Cristina a obtenu une grande manifestation*
mais elle n'a pas eu son 17 octobre", dit le gros titre
avec une mauvaise foi patente !
Bien sûr, Cristina n'a pas été libérée à minuit
mais son procès était maquillé en procès constitionnel
Ce n'était pas le cas pour Perón en 1945
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Patricia Bullrich, la très droitière ministre de la sécurité, a tenté de mettre des bâtons dans les roues aux manifestants, multipliant les contrôles tatillons et délibérément vexatoires aux entrées de Buenos Aires et à la descente des bus spécialement affrétés pour l’occasion aux quatre coins du pays mais elle a dû rapidement se rendre à l’évidence : il était impossible de faire appliquer ses règles restrictives anti-manifestants comme celle qui veut que les participants n’occupent que le trottoir et laissent la chaussée libre pour ne pas entraver la circulation. Elle a dû laisser les gens occuper la voirie tout entière sur les différents parcours dessinés par les organisateurs. Ce qui prouve bien que ses chiffres sont faux, que la foule était impressionnante et que cette convocation est donc un succès pour l’opposition, qui semblait moribonde et qui a ressuscité la semaine dernière à la publication de cet arrêt de la Cour suprême qui n’en impose à personne.

"Une autre Place de Cristina", dit le gros titre
de cette autre édition locale de Página/12
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Sur Plaza de Mayo, les organisateurs ont fait retentir la voix de la prisonnière la plus populaire du pays : un message enregistré et qu’elle avait fait sortir de chez elle. Il semble qu’on lui ait conservé le droit d’utiliser les réseaux sociaux et qu’elle garde, pendant la durée de sa peine, sa pleine liberté d’expression, dont elle va sans doute faire un grand usage. C’est tout ce qui lui reste mais c’est beaucoup, car c’est une excellente oratrice et on ne peut pas en dire autant dans les rangs de la majorité. Cristina a déclaré que le modèle politique, social et économique suivi par Mileí était en train de s’effondrer et que les responsables actuellement au pouvoir en étaient conscients. Elle a traité Mileí de cachivache : un Tartarin, un baratineur qui ne se réalise que dans l’esbroufe. C’est assez bien vu, ,non ?

"Le parti péroniste a défilé dans la division
pour soutenir Cristina, qui a lancé un défi :
Nous reviendrons", dit le gros titre
avec une contradiction manifeste entre le texte et l'image
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Et pour couronner le tout, on trouve dans la presse internationale de beaux échos de l’événement. Tout ce que les pouvoirs publics voulaient précisément empêcher en trafiquant les procédures des audiences après l’arrêt de la Cour suprême. Eh bien, c’est raté !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article principal de Clarín
lire l’article de Clarín sur les chiffres (où le journaliste reconnaît lui-même que ceux du gouvernement ne peuvent qu’être très en-dessous de la réalité)
lire l’article principal de La Nación