mardi 8 juillet 2025

Les Églises évangéliques dénoncent un discours clivant de Mileí [Actu]


Dimanche, dans la province de Chaco, Javier Mileí est allé haranguer les participants à une rencontre religieuse évangélique. Il a profité de l’occasion pour vomir ses insultes démentes contre l’État et en particulier contre tout ce qui ressemble à une politique sociale, dont il a osé affirmer qu’elle était par nature « contraire au respect de la propriété » et par conséquent contraire aussi aux principes fondateurs du « judéo-christianisme » (un concept qui n’existe ni en théologie ni en histoire socio-culturelle). C’est ainsi qu’il voue aux flammes de l’Enfer la doctrine sociale de l’Église (de quoi je me mêle ?) et son initiateur, le pape Léon XIII, ce prédécesseur lointain dont Léon XIV entend s’inspirer à l’heure du changement climatique et des ravages du capitalisme sauvage, précisément dérégulé par des gens comme Mileí.

Or il se trouve que le président argentin, qui se dit proche d’une obédience ultra-politisée et ultra-réactionnaire du judaïsme new-yorkais, le tout en dépit du fait qu’il n’a jamais eu le courage de se convertir et qu’il ne respecte même pas les devoirs élémentaires imposés par sa supposée foi (se marier, avoir des enfants), Mileí donc s’identifie volontiers et en toute modestie à Moïse, parce qu’il vient libérer le peuple opprimé par le socialisme ! Sa diatribe de dimanche, bileuse, enragée et écœurante, n’a donc pas manqué de faire réagir les autorités chrétiennes du pays et notamment un certain nombre d’organisations évangéliques qui s’étranglent devant l’outrecuidance dont fait preuve cet homme impie et cruel qui s’improvise théologien. En se proclamant croyant, l’homme blasphème sciemment les vérités révélées qu’il prétend honorer. La lettre ouverte que trois organisations viennent de publier est donc intitulée : « Ce n’est pas Moïse… Ce serait plutôt Pharaon ».

Quant au pasteur qui l’avait invité à conclure ce symposium et qui l’a reçu dans son lieu de culte, modestement baptisé Iglesia Portal del Cielo, il n’est pas piqué des hannetons lui non plus ! Le bonhomme prétend qu’un miracle est à l’origine de la construction du fameux temple qui peut abriter jusqu’à 15 000 fidèles dans l’une des provinces les plus pauvres de toute l’Argentine. Un jour, il aurait rangé ses économies dans un placard, soit 100 000 pesos argentins. Déjà, ce n’est pas très malin d’« enterrer cette somme », comme on dit dans la parabole des deniers, « au lieu de la placer à la banque » pour lui faire faire des petits (toujours la même parabole), surtout quand on connaît l’inflation permanente qui affecte l’économie argentine ! Or, lorsque, longtemps après, il a ouvert son placard pour « reprendre son bien » (même parabole) en vue de bâtir un modeste lieu de culte, les pesos argentins s’étaient transformés, à coup sûr par la grâce du Saint-Esprit, en autant de dollars US ! C’est-i pas émouvant, ça ?

Quel est l’imbécile qui va croire ou faire semblant de croire à cette histoire à part Mileí, toujours escorté de son éternelle frangine ?

Toujours est-il qu’hier la coupe était pleine et des évangéliques ont pris, les uns la plume les autres la parole, pour dénoncer les propos odieux du président, ses contresens, ses contre-vérités haineuses, son absence manifeste d’empathie et de compétence, ses mensonges et son instrumentalisation de la foi au profit d’une idéologie destructrice du lien social et de la solidarité qui ont toujours distingué la religion chrétienne parmi toutes les religions depuis l’origine, à la fondation de l’empire romain...


En Argentine, on se croirait maintenant vraiment aux États-Unis : Trump fait le même cirque avec les mêmes obédiences chrétiennes dont les fidèles, éructant de haine, n’ont probablement jamais lu les Écritures dont ils prétendent s’inspirer.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire le texte complet du discours de Mileí tel que La Nación l’a reproduit
lire l’article de Clarín sur le miracle des pesos transformés en dollars
lire l’article de La Nación sur ce même étrange miracle
lire le texte complet de la lettre des organisations évangéliques, sur le site de l’Église méthodiste argentine
lire l’article de Página/12 sur cette réaction de ces autorités protestantes
lire l’article de Clarín sur le même sujet
lire l’article de La Nación sur les déclarations, dans le même sens, d’un pasteur de Buenos Aires


Mise à jour du 9 juillet 2025 :
La justice fédérale dans la province de Chaco a décidé d’aller regarder d’un peu plus près les comptes miraculeux du pasteur. Le procureur fédéral soupçonne une manœuvre de blanchiment d’argent. Mais quel esprit mal tourné !
Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12