samedi 5 juillet 2025

Mileí met la science sous surveillance [Actu]

Une cage pour la science, dit le gros titre
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En parfait imitateur de Donald Trump, Javier Mileí et son gouvernement viennent de mettre un terme à la liberté de la recherche en prenant sous leur contrôle étroit l’agence qui distribue les fonds publics aux organismes de recherche.

Désormais, les subventions iront à des projets ou des thèmes qui auront l’agrément du pouvoir politique alors que jusqu’à présent, cette agence était dirigée par onze professionnels capables de déterminer le professionnalisme d’un projet et de distribuer les fonds selon des critères scientifiques. C’est l’un des piliers méthodologiques de la recherche : les travaux doivent être évalués par des collèges de pairs, des confrères et des consœurs qui connaissent la réalité des pratiques et l’état d’avancement des savoirs dans la discipline concernée. Au lieu de ces onze personnes rémunérées, il n’y aura plus qu’un directeur, assisté de deux personnes qui exerceront leurs fonctions bénévolement et distribueront donc les crédits de manière discrétionnaire.

Le financement de la recherche qui devrait être de 0,45 % du PIB n’en représente plus aujourd’hui que 0,15 %, soit moins de ce qui existait en 2002, au lendemain de la terrible faillite de toute l’économie nationale à Noël 2001. Depuis que Mileí est arrivé au pouvoir, une bonne partie du budget alloué par la loi à la recherche publique n’a jamais été exécutée.

On peut craindre pour de nombreux sujets en recherche médicale, notamment les vaccins et les handicaps, quelle que soit leur origine (Mileí est antivax et méprise les situations de handicap), en climatologie, notamment ceux portant sur le changement climatique (Mileí est climatosceptique), en biologie, en particulier tout ce qui touche à la biodiversité, en histoire, en économie et en sociologie, des disciplines que Mileí rêve de transformer en outils de propagande, et la liste n’est pas exhaustive. Seule la recherche appliquée et immédiatement industrialisable semble trouver grâce aux yeux de ces imbéciles qui gouvernent actuellement l’Argentine parce qu’ils se sont persuadés que ce type de recherche est rentable alors que l’autre ne le serait pas. Or tout doit être rentable et d’une rentabilité compatible avec un tableau Excel. Si on parle de soft-power, de développement à long terme, d’économie du savoir, Mileí et consorts tournent les talons en injuriant tout le monde.

Il faut donc encore et toujours rappeler qu’il n’y a pas de recherche applicable, traduisible en produits et en services, sans une recherche fondamentale sur laquelle s’appuyer et que la recherche fondamentale ne peut exister qu’avec des chercheurs libres de leurs sujets et de leurs méthodes. La recherche fondamentale est celle dont ceux qui n’y connaissent rien disent qu’ils aimeraient voir des chercheurs qui trouvent au lieu de chercher. Ce « bon mot » les fait beaucoup rire et amuse aussi les chroniqueurs économiques dans les médias mais il fait surtout la preuve d’une ignorance considérable concernant le fonctionnement de la recherche. La plupart des grandes découvertes doivent autant à la solide méthodologie de leurs auteurs qu’au hasard, au débat souvent très vigoureux entre pairs et à l’audace d’aller là où personne n’a jamais eu l’idée de s’aventurer.

De grandes voix dans le milieu scientifique s’élèvent pour condamner cette évolution réglementaire et administrative contraire aux intérêts du pays et au développement de sa place dans le monde. La fuite des cerveaux est déjà une réalité et ces décisions suicidaires vont l’accélérer encore même si la concurrence des chercheurs des États-Unis, qui fuient la fascisation de plus en plus visible dans leur pays, va augmenter la concurrence sur le peu de postes immédiatement disponibles dans les pays démocratiques où la recherche n’est pas sous surveillance politique. De notre côté, notamment en Europe, il va falloir que l’on fasse des efforts considérables dans les années à venir pour récupérer ce flot de chercheurs formés et de qualité, qu’ils viennent du nord ou du sud.

Rappelons qu’en Argentine, il n’y a pas de recherche financée sur des fonds privés contrairement à ce qui existe aux États-Unis où toutes les grandes universités sont des organisations privées qui ne dépendent que partiellement de l’État.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12