Portrait et signature de O'Brien tirés du tome 3 de Album Militar de Chile (1810-1879) par Pedro Pablo Figueroa (Santiago del Chile, 1905) |
En 1980, sous la dictature
militaire, on avait retiré du Campo Histórico del Plumerillo les
restes du général Gerónimo Espejo, qui était à la fois l'un des
acteurs de la Traversée des Andes et son tout premier historien. La
tombe était éventrée et l'administration du site n'en prenait
guère de soin. Les restes du général furent donc déplacés et
reposent maintenant dans les jardins du lycée militaire de Mendoza,
qui porte son nom. Un déplacement qui est très contesté
aujourd'hui eu égard aux circonstances politiques qui lui sont
associées.
Hier, dans le cadre
des célébrations officielles du bicentenaire de la Traversée, le
grand exploit de l'armée des Andes, organisée en Argentine (mais
uniquement grâce à l'obstination de San Martín et au dévouement
des Cuyains) pour aller libérer le Chili et assurer l'indépendance
au niveau continental, la Province de Mendoza a négocié avec Buenos
Aires de pouvoir enterrer dans ce haut-lieu de l'histoire nationale
et locale les restes du général Juan O'Brien (1786-1861), qui
récupère pour l'occasion ses noms irlandais complet, John Thomond
O'Brien. Thomond est le nom du fief de la famille, qui descend
d'anciens rois d'Irlande, antérieurs à la conquête de l'île par
les Anglais. Depuis 1935, il reposait au cimetière de la Recoleta, à
Buenos Aires. Il était décédé à Lisbonne, le 1er
juin 1861, alors qu'il s'apprêtait à s'embarquer vers sa chère
Argentine. Il était à 25 jours de ses 75 ans.
Il y a deux cents ans,
John O'Brien, né à Wicklow, en 1786, avait gagné l'Amérique du
Sud à l'âge de vingt ans, avec un petit bagage militaire et une
longue tradition familiale agricole, en quête d'un moyen de vivre
après la perte de la fortune héritée de son père, engloutie par
de mauvaises affaires dans l'élevage de chevaux de course. Installé
à Buenos Aires comme clerc dans un comptoir de commerce britannique,
il put s'enrôler en 1812 dans l'escadron d'élite des grenadiers à cheval que
San Martín avait obtenu l'autorisation de former le 16 mars, une
semaine après son arrivée dans la capitale révolutionnaire. En
1817, l'Irlandais était capitaine dans ce qui était devenu un régiment complet et il occupait auprès de
San Martín les fonctions d'aide-de-camp. C'est lui qui l'accompagna
aussi sur le chemin du retour, après la victoire de Chacabuco et la
libération presque complète du Chili (12 février 1817) lorsque San
Martín fit le voyage jusqu'à Buenos Aires pour négocier l'aide du
Directeur Suprême, Juan Martín de Pueyrredón, en faveur de la
poursuite de la campagne continentale et pour solliciter le soutien
des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne (1). Par la suite, O'Brien a
servi au Chili et au Pérou et sa bravoure lui a valu le généralat.
Après sa carrière militaire, il retourna au travail agricole malgré
les difficultés politiques qu'il eut à traverser.
Les restes du général
O'Brien reposent à présent dans une urne en métal de canon d'un
poids de 240 kg, qui a été déposée dans une fosse au milieu des
arbres qui égayent le site et l'ombragent dans les grandes chaleurs
de l'été.
L'arrière-arrière petit-fils de John O'Brien avait fait
le voyage pour participer à la cérémonie.
Le Camp d'Instruction de
El Plumerillo, site musée de la commune de Los Heras, limitrophe
avec l'actuelle Mendoza, est désormais prêt à accueillir ce soir,
vers 19h, le Président Mauricio Macri qui présidera l'acte officiel de
commémoration, lors d'une cérémonie rapide puisque le chef de
l'Etat ne doit passer qu'une heure sur place...
Pour aller plus loin :
(1) Ce qui se traduisit
par l'arrivée à Buenos Aires dans les mois qui suivirent
d'éclaireurs diplomatiques qui vinrent observer ce qu'il se passait
et rendirent des rapports favorables, qui à leur tour conduisirent
ces pays à reconnaître les nouveaux Etats en moins de dix ans.