"Le folklore pur sucre", titre le supplément culturel de Página/12 |
Il était né à Las
Garzas, petite agglomération rurale de la province de Santa Fe, le
15 mai 1925. A l'automne, il aurait eu 92 ans. Depuis plusieurs années, même s'il
continuait à se produire, il avait accumulé les alertes de santé
et hier matin, à l'aube, son cœur a lâché, dans sa maison de
Luján, dans la province de Buenos Aires. On l'avait surnommé el Potro, le poulain, sans doute pour son caractère rebelle, bien
trempé et ses origines authentiquement rurales.
Une grande émotion s'est
répandue dans tout le pays dès que son agent a communiqué la
nouvelle.
Le gros titre est consacré à Donald Trump qui privilégierait l'Argentine en Amérique du Sud Horacio Guarany a doit à la manchette de gauche |
Horacio Guarany était un
chanteur à la voix chaude et grave, il était aussi un compositeur
et un auteur. Il a formidablement enrichi le patrimoine de la chanson
nationale. Il avait commencé sa carrière en 1957 et avait
enregistré 57 albums dans lesquels il avait exploré presque tous
les genres et les rythmes du folklore argentin. Sur scène, il ne
dédaignait pas non plus le tango, qu'il interprétait d'une manière
très différente des chanteurs urbains et citadins que sont les
tangueros traditionnels mais ça n'en était pas moins excellent...
L'artiste n'avait pas de site Internet propre (il en existe un, animé
par des fans). Pour le cinéma, il avait composé mais il avait aussi
joué. C'est ainsi qu'il incarna en 1974 le gaucho Martín Fierro
dans La Vuelta de Martín Fierro, l'adaptation à l'écran du second
volet de l'épopée, qui sortit pour le centenaire de l'œuvre de
José Hernández. Mais cette même année, il dut quitter le pays
pour un exil de quatre ans.
Au début de la guerre
froide, doté d'une sensibilité sociale forte, Horacio Guarany avait
pris sa carte au parti communiste argentin, ce qui devait lui valoir
de nombreux déboires dans les terribles années 1970, avant même le
coup d'Etat de Videla, en mars 1976. La Triple A, la milice
anti-communiste fondée par Isabel Perón, voulait sa tête et le
manqua de peu. Il fut contraint à l'exil. Lorsqu'il osa rentrer en
1978, deux ans après l'arrivée au pouvoir des affreux galonnés, il
subit la censure de ses chansons (il n'était pas le seul). Encore
une fois, il survécut à un attentat contre sa vie mais il resta au
pays, en dépit du danger. Depuis le retour de la démocratie, son
talent était reconnu par tous. Il était invité de toutes parts, il
était de tous les festivals. En mai dernier, il avait présenté son
autobiographie à La Feria del Libro de Buenos Aires. Il avait reçu
quinze disques d'or, le prix Gardel et le Konex de platine comme
meilleur interprète masculin de folklore.
Les réseaux sociaux se
sont remplis dès l'annonce de la nouvelle d'hommages de la part de
tous les musiciens du pays et au festival de Jesús María, dans la
province de Córdoba, une fête de la musique et du rodéo (doma), a
fait hier une minute de silence et posté un communiqué sur sa page Facebook. Guarany avait été longtemps l'une de ses figures de
proue.
Pour aller plus loin :
lire l'article de La Nación, qui a aussi réédité la dernière interview du musicien
lire l'article de Clarín
lire l'article de Radio Nacional, dont les animateurs ressortent les archives aujourd'hui et
les mettent en ligne.