Depuis une semaine, le torchon brûle entre le monde du cinéma et le gouvernement argentin. Le ministre de la Culture, Pablo Avelluto, a en effet exigé et obtenu la démission du président de l'INCAA, l'Institut National du Cinéma et des Arts Audiovisuels, Alejandro Cacetta, qu'il avait lui-même nommé en décembre 2015, en remplacement de son prédécesseur qui était kirchneriste (comme tous les responsables de tout le secteur public national). La justification de ce départ brutal est la lutte contre la corruption (1), à laquelle ce cinéaste aurait fait obstacle au sein de l'institution (2) mais les deux hommes ne s'entendaient plus depuis plusieurs semaines, d'après ce que l'on entend dire.
Comme divers directeurs dans le secteur public du cinéma ont eux aussi fait l'objet d'un limogeage hier, qu'il y a eu des révocations au sein de Radio Nacional (qui dépend d'un autre ministre, Hernán Lombardi) et que le contentieux salarial entre les syndicats d'enseignants et divers gouvernements (au niveau national et dans plusieurs provinces) reste sans solution satisfaisante depuis le début du mois de mars, c'est tout le secteur culturel, intellectuels et artistes, qui remue dans les brancards alors que la campagne électorale des législatives de mi-mandat se profile à l'horizon. Ici, les candidats qui se déclarent, ailleurs des alliances inédites qui se nouent (3)...
Hier, une foule d'hommes et de femmes du cinéma se sont donné rendez-vous devant le siège de l'INCAA pour manifester leur inquiétude pour la pérennité de la politique de subvention publique au secteur, des subventions dont tout cinéma national a besoin pour se développer. Or il se trouve que le cinéma argentin, qui fut somptueux dans les années 1940, est en train de renaître de ses cendres depuis plusieurs années et qu'il récolte même des récompenses internationales en Amérique comme en Europe.
Aujourd'hui, commence à Buenos Aires le festival du cinéma indépendant, le BAFICI, un des grands rendez-vous annuels de la profession et du public. Tout le secteur est donc mobilisé.
Pablo Avelluto a affirmé que les dispositifs de financement public du cinéma ne sont en aucun cas en danger, que tout sera maintenu en l'état.
Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12, le seul quotidien national à avoir mis ce sujet à sa une ce matin (le seul dans l'opposition)
lire l'article de Clarín
Ajout du 20 avril 2017 :
lire l'article de La Nación sur l'ouverture très politisée du BAFICI
lire l'article de Página/12, qui fait à nouveau sa une avec l'inauguration mouvementée du festival.
Ajout du 21 avril 2017 : le ministre a reçu les représentants du secteur cinématographique et leur a promis le maintien de la politique de subvention publique à la création.
lire l'article de Página/12
Ajout du 23 avril 2017 :
lire l'article de Página/12 sur le durcissement du mouvement d'opposition au ministre. Deux assemblées contestataires se sont mises à fonctionner et exigent la démission de Pablo Avelluto. Mais seul Página/12 s'en fait l'écho ce matin, ce qui pourrait signifier qu'elles ne sont pas [encore] représentatives de toute la profession.
Ajout du 27 avril 2017 :
le grand cinéaste argentin Juan José Campanella regrette l'éviction de Alejandro Gacetta de l'INCAA. Il y vit une première grave erreur du gouvernement vis-à-vis du secteur culturel et accorde une interview à Página/12 (édition de ce jour).
(1) La lutte contre la corruption est un grand thème de la politique de l'actuel gouvernement argentin qui veut nettoyer les écuries d'Augias et mettre le pays en ordre de marche compatible avec les standards des démocraties de l'hémisphère nord.
(2) Il a même fait l'objet d'accusations sans preuve : un animateur de la télévision, que l'on soupçonne de servir la soupe au pouvoir en place, a tenté de le faire passer lui-même pour un corrompu, en direct, à l'antenne. Alejandro Cacetta s'est défendu dès le lendemain. Des personnalités du secteur sont venues à la rescousse et lundi, le ministre l'a publiquement dédouané sur ce plan.
(3) Comme celle qui fait son apparition dans la Province de San Luis entre la grande famille patricienne locale des Rodríguez Saá, qui tiennent depuis des décennies le gouvernorat et la majorité provinciaux, et l'ex-présidente Cristina de Kirchner, elle-même en pleine tourmente judiciaire sous de nombreux chefs d'inculpation de fraude, abus de biens sociaux, corruption et malversations en bande organisée (avec ses enfants).