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Il y a deux ans, la gouverneure
de la province de Santa Cruz, Alicia Kirchner, sœur du défunt
président Néstor Kirchner et par conséquent belle-sœur de la
vice-présidente alors en fonction, Cristina Kirchner, avait inauguré
à une trentaine de kilomètres de l’entrée de la capitale
provinciale, Río Gallegos, un monument en l’honneur de Osvaldo
Bayer, un historien militant qui s’était fait connaître pour son
travail sur le mouvement ouvrier en Patagonie et la répression
acharnée dont il avait fait l’objet. Son œuvre majeure, Patagonia
Rebelde, est devenue une référence sur le sujet.
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L'inauguration du monument On reconnaît clairement Alicia Kirchner sous l'œil gauche du visage |
Osvaldo Bayer est décédé en 2018. Tout au long de sa vie, il a affiché ses convictions anarchistes qui ont sans aucun doute marqué son approche historique et il le revendiquait comme tous les historiens qui veulent secouer le discours convenu que tiennent leurs homologues de droite qui dominent encore largement la discipline et l’offre en librairie. En Argentine comme dans le reste de l’Amérique du Sud, l’histoire politique se complaît encore dans une historiographie dépassée, installée dans le paysage par les premiers historiens du pays, en particulier à Bartolomé Mitre (1821-1906) dont l’œuvre est considérée comme un récit incontestable du premier siècle de l’Argentine, un récit qui a été institutionnalisé par la mise en place de l’école obligatoire en 1883 et qui ne parle que des leaders politiques, reléguant le peuple au rang de décor conventionnel. Osvaldo Bayer faisait donc partie de ces trouble-fête qui ont passé leur temps à contester, en revendiquant leurs biais idéologiques, ce discours répétitif et faux, qui fait piètre figure dans le paysage international d’une histoire devenue pluridisciplinaire et fondée sur la critique des sources premières. En tant qu’anarchiste, en tant que citoyen engagé à gauche, en tant qu’historien qui donnait la parole aux prolétaires du pays, Osvaldo Bayer fait partie de ces intellectuels honnies que l’actuel gouvernement voue aux gémonies.
C’est
ainsi qu’hier, au lendemain des commémorations liées à la
dernière dictature militaire, les services de travaux publics en
charge de la voirie nationale ont détruit le monument qui bordait
une route. Ils ne l’ont pas démonté. Ils l’ont détruit. A la
pelleteuse. Sans avertir ni les autorités locales, qui s’y
seraient opposées puisque c’était leur initiative, ni l’artiste
qui a réagi publiquement en dénonçant ce manque total de respect
pour sa propriété intellectuelle et pour la signification de
l’œuvre.
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Sous le visage on lit une inscription en espagnol inclusif : Bienvenue ! Vous entrez sur la terre de la Patagonie rebelle Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
La mairie de Río Gallegos a annoncé qu’elle allait reconstituer le monument et le placer ailleurs sur le territoire communal.
Cette destruction agressive est si choquante que pour une fois, Página/12 n’est pas seul à dénoncer les faits. Clarín et La Nación les rapportent également, avec force photos à l’appui !
Pour
aller plus loin :
lire
l’article
de Página/12, qui en fait sa une
lire
l’article
de Clarín
lire
l’article
de La Nación
Bien
entendu, de très nombreux quotidiens locaux se font l’écho de
l’affaire.