Photo Cocineros Argentinos |
La saison en est désormais passée à Buenos Aires qui est au milieu du printemps. Pour nous, elle commence. Voilà de quoi lutter contre les premiers frimas en cette frisquette mi-octobre : le ragoût de tripes comme on peut le manger à l'automne et en hiver dans le restaurant du coin de la rue, à Buenos Aires, où la nourriture la plus authentique, les vraies recettes sont toujours les plus humbles, une table de gens pauvres (c'est d'ailleurs pour cette raison que bien se nourrir à Buenos Aires y s'y régaler n'est pas cher pour notre niveau de vie européen, sauf à fréquenter les coins à touristes, où la matraque du "for export" guette avidement votre portefeuille). La cuisine de la classe supérieure n'a rien de particulièrement argentin, en général elle prétend imiter la cuisine française et s'évade donc dans l'exotisme lointain.
Pour
la recette que je vous donne ici, je m'inspire de plusieurs versions
différentes. Le guiso de mondongo, c'est comme le cassoulet ou
la choucroute en France : on en trouve autant de recettes qu'il y a de cuisiniers, de cordons bleus et de traditions familiales...
~ ~ ~
Pour six personnes (très affamées) (1), il vous faudra :
1
kilo de tripes (de bœuf),
lavées et échaudées telles que le tripier les
propose en France (je ne tiens pas compte ici des pratiques des
bouchers argentins qui vendent souvent de la tripe crue)
1
chorizo (attention : il ne s'agit pas ici du saucisson espagnol plus ou moins chargé en paprika mais d'une saucisse à cuire assez similaire à
la saucisse de Toulouse. Prenez-en une ou deux pièces selon
votre goût et votre appétit. Selon les régions, mon lecteur pourra aussi jeter son dévolu sur le diot nature en Savoie ou
la Montbéliard dans le Doubs, etc.)
200
gr de lard fumé (ou de lard nature si vous utilisez de la Montbéliard, par exemple)
200
à 500 gr de légumineuses, selon l'appétit, le froid extérieur et le
goût de convives. Beaucoup de recettes ne proposent que des porotos
(haricots blancs, proches de ceux que l'on cuisine en cassoulet), certaines proposent un
mélange de pois chiches et de haricots. A vous de faire votre
choix en fonction de vos préférences. En matière
de cuisine argentine, il est difficile (mais non pas impossible) de
prendre des décisions hérétiques.
2
carottes
2
branches de céleri
3
oignons blonds (une idée perso : remplacer les oignons par des
échalotes grises, ce légume quasiment inconnu dans le
monde hispanique mais bien goûteux et que l'on peut glisser
entier dans la cocotte)
1
poivron rouge (vous pouvez le remplacer par un morrón sec
espagnol si vous aimez)
On
peut aussi ajouter des poireaux (à couper en julienne), du
panais (à traiter comme les carottes) et des zapallos que l'on
remplacera en Europe par des courgettes à découper en
rondelles sans les avoir épluchées. Le zapallo a le
mérite de donner du moelleux en fondant dans la préparation.
Les amateurs de courge pourront choisir parmi les variétés
qui ont leur préférence. Après tout, ces légumes
nous arrivent tout droit du Nouveau Monde.
2
gousses d'ail frais
1
boîte de tomate concassée ou 1 petite boîte de
concentré de tomate ou 3 tomates fraîches, épépinées
(ne gardez que la chair ou faites-vous la veille votre propre sauce
tomate)
du
bouillon de légumes pour recouvrir les ingrédients
pendant la cuisson
1
verre de vin rouge (pour un caractère très argentin,
prenez un vin bien tannique et fort en alcool à base de malbec,
voire un vin de cépage 100% malbec)
huile
d'olive
2
feuilles de laurier
Pour
assaisonner : sel, poivre, ají molido (piment en poudre
typiquement argentin – vous pouvez remplacer par un peu de piment
d'Espelette ou de paprika de force moyenne)
Préparation
La
veille, lavez les légumineuses et mettez-les à gonfler
toute la nuit dans de l'eau froide.
Le
jour même :
Coupez
vos légumes en cube, les tripes en lanières, le lard en
lardons épais (une coupe paysanne plutôt qu'une coupe
bourgeoise) ou en portions individuelles (comme on le fait pour un
plat de choucroute) et la saucisse en portions individuelles.
Laissez l'ail entier, débarrassé de son enveloppe ou en
chemise selon votre goût et vos habitudes culinaires.
Dans
un faitout, versez un fond d'huile d'olive et faites revenir vos
légumes (sauf les tomates). Salez, poivrez. Quand les légumes
commencent à suer, ajouter les viandes (lard, saucisse,
tripes)*. Mélanger puis ajouter les légumineuses
égouttées et les tomates.
Couvrir
avec le bouillon de légumes, le vin rouge et le coulis de
tomate (en l'absence de tomates fraîches). Ajouter le laurier
et l'ail (2). Couvrez et laissez mijoter (guisar) 40 minutes à
feu doux jusqu'à cuisson complète des haricots et pois
chiches.
* Variante : vous pouvez aussi faire cuire la saucisse à part et au dernier moment, sur un grill, une plancha (à l'espagnole) ou une simple poêle, sans graisse. La saisir à feu vif, la laisser dorer des deux côtés en lâchant une bonne partie de sa graisse. La séparer de la graisse qu'elle a lâchée et la réserver au tiède jusqu'au moment de servir. La couper en tranches à répartir dans le reste de la préparation. Et servir.
* Variante : vous pouvez aussi faire cuire la saucisse à part et au dernier moment, sur un grill, une plancha (à l'espagnole) ou une simple poêle, sans graisse. La saisir à feu vif, la laisser dorer des deux côtés en lâchant une bonne partie de sa graisse. La séparer de la graisse qu'elle a lâchée et la réserver au tiède jusqu'au moment de servir. La couper en tranches à répartir dans le reste de la préparation. Et servir.
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Le mondongo se sert chaud, à table, à même cocotte sortie du feu, dans une grande soupière dans laquelle chacun se servira (ou se laissera servir) ou dans des raviers individuels ou des cassolettes de terre cuite. Vous pouvez décorer le plat avec du persil haché.
Les
Argentins ont l'habitude d'arroser ce solide plat d'hiver d'un bon
malbec (l'autre grand cépage de la table argentine, le merlot,
est un choix secondaire mais les Argentins n'ont pas encore le culte
de l'accord met-vin alors libre à vous de choisir en fonction
de votre région de prédilection).
Pour
aller plus loin :
l'émission
Cocineros Argentinos, de Canal 7, nous propose sa recette en vidéo
sur le site Internet de cette émission très sympathique
de la première chaîne de télévision
publique.
Seul réserve de ma part : ils ont choisi de vous donner une
recette en kit, avec haricots en boîte et tomates en conserve.
Si cela simplifie considérablement le travail des mères
de famille qui constituent le gros du public, cela empêche les
haricots de se charger des parfums des autres ingrédients. Une
hérésie qu'un cuisinier-gastronome français,
belge ou suisse ne commettra jamais !
Voir
la recette de Bien Casero (groupe Clarín)
Bien
entendu, tous ces liens renvoient vers des sites exclusivement en
espagnol.
(1)
En Argentine, les proportions sont toujours très généreuses.
Méfiez-vous d'un restaurant qui pratique la portion nouvelle
cuisine. A Buenos Aires, ce n'est pas normal (ni dans aucune autre
ville du pays).
(2)
A ce stade de la cuisson, évitez de saler. Le bouillon de
légumes le fera. Ajouter encore du sel durcira les
légumineuses, ça donnera des fayots en béton armé ! Si nécessaire, rectifier l'assaisonnement
en fin de cuisson.