mardi 15 octobre 2013

Guiso de mondongo pour la Semaine du Goût [Coutumes]

Photo Cocineros Argentinos

La saison en est désormais passée à Buenos Aires qui est au milieu du printemps. Pour nous, elle commence. Voilà de quoi lutter contre les premiers frimas en cette frisquette mi-octobre : le ragoût de tripes comme on peut le manger à l'automne et en hiver dans le restaurant du coin de la rue, à Buenos Aires, où la nourriture la plus authentique, les vraies recettes sont toujours les plus humbles, une table de gens pauvres (c'est d'ailleurs pour cette raison que bien se nourrir à Buenos Aires y s'y régaler n'est pas cher pour notre niveau de vie européen, sauf à fréquenter les coins à touristes, où la matraque du "for export" guette avidement votre portefeuille). La cuisine de la classe supérieure n'a rien de particulièrement argentin, en général elle prétend imiter la cuisine française et s'évade donc dans l'exotisme lointain.

Pour la recette que je vous donne ici, je m'inspire de plusieurs versions différentes. Le guiso de mondongo, c'est comme le cassoulet ou la choucroute en France : on en trouve autant de recettes qu'il y a de cuisiniers, de cordons bleus et de traditions familiales...

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Pour six personnes (très affamées) (1), il vous faudra :

1 kilo de tripes (de bœuf), lavées et échaudées telles que le tripier les propose en France (je ne tiens pas compte ici des pratiques des bouchers argentins qui vendent souvent de la tripe crue)
1 chorizo (attention : il ne s'agit pas ici du saucisson espagnol plus ou moins chargé en paprika mais d'une saucisse à cuire assez similaire à la saucisse de Toulouse. Prenez-en une ou deux pièces selon votre goût et votre appétit. Selon les régions, mon lecteur pourra aussi jeter son dévolu sur le diot nature en Savoie ou la Montbéliard dans le Doubs, etc.)
200 gr de lard fumé (ou de lard nature si vous utilisez de la Montbéliard, par exemple)
200 à 500 gr de légumineuses, selon l'appétit, le froid extérieur et le goût de convives. Beaucoup de recettes ne proposent que des porotos (haricots blancs, proches de ceux que l'on cuisine en cassoulet), certaines proposent un mélange de pois chiches et de haricots. A vous de faire votre choix en fonction de vos préférences. En matière de cuisine argentine, il est difficile (mais non pas impossible) de prendre des décisions hérétiques.
2 carottes
2 branches de céleri
3 oignons blonds (une idée perso : remplacer les oignons par des échalotes grises, ce légume quasiment inconnu dans le monde hispanique mais bien goûteux et que l'on peut glisser entier dans la cocotte)
1 poivron rouge (vous pouvez le remplacer par un morrón sec espagnol si vous aimez)
On peut aussi ajouter des poireaux (à couper en julienne), du panais (à traiter comme les carottes) et des zapallos que l'on remplacera en Europe par des courgettes à découper en rondelles sans les avoir épluchées. Le zapallo a le mérite de donner du moelleux en fondant dans la préparation. Les amateurs de courge pourront choisir parmi les variétés qui ont leur préférence. Après tout, ces légumes nous arrivent tout droit du Nouveau Monde.
2 gousses d'ail frais
1 boîte de tomate concassée ou 1 petite boîte de concentré de tomate ou 3 tomates fraîches, épépinées (ne gardez que la chair ou faites-vous la veille votre propre sauce tomate)
du bouillon de légumes pour recouvrir les ingrédients pendant la cuisson
1 verre de vin rouge (pour un caractère très argentin, prenez un vin bien tannique et fort en alcool à base de malbec, voire un vin de cépage 100% malbec)
huile d'olive
2 feuilles de laurier
Pour assaisonner : sel, poivre, ají molido (piment en poudre typiquement argentin – vous pouvez remplacer par un peu de piment d'Espelette ou de paprika de force moyenne)

Préparation
La veille, lavez les légumineuses et mettez-les à gonfler toute la nuit dans de l'eau froide.
Le jour même :
Coupez vos légumes en cube, les tripes en lanières, le lard en lardons épais (une coupe paysanne plutôt qu'une coupe bourgeoise) ou en portions individuelles (comme on le fait pour un plat de choucroute) et la saucisse en portions individuelles.
Laissez l'ail entier, débarrassé de son enveloppe ou en chemise selon votre goût et vos habitudes culinaires.

Dans un faitout, versez un fond d'huile d'olive et faites revenir vos légumes (sauf les tomates). Salez, poivrez. Quand les légumes commencent à suer, ajouter les viandes (lard, saucisse, tripes)*. Mélanger puis ajouter les légumineuses égouttées et les tomates.
Couvrir avec le bouillon de légumes, le vin rouge et le coulis de tomate (en l'absence de tomates fraîches). Ajouter le laurier et l'ail (2). Couvrez et laissez mijoter (guisar) 40 minutes à feu doux jusqu'à cuisson complète des haricots et pois chiches.

* Variante : vous pouvez aussi faire cuire la saucisse à part et au dernier moment, sur un grill, une plancha (à l'espagnole) ou une simple poêle, sans graisse. La saisir à feu vif, la laisser dorer des deux côtés en lâchant une bonne partie de sa graisse. La séparer de la graisse qu'elle a lâchée et la réserver au tiède jusqu'au moment de servir. La couper en tranches à répartir dans le reste de la préparation. Et servir.

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Le mondongo se sert chaud, à table, à même cocotte sortie du feu, dans une grande soupière dans laquelle chacun se servira (ou se laissera servir) ou dans des raviers individuels ou des cassolettes de terre cuite. Vous pouvez décorer le plat avec du persil haché.

Les Argentins ont l'habitude d'arroser ce solide plat d'hiver d'un bon malbec (l'autre grand cépage de la table argentine, le merlot, est un choix secondaire mais les Argentins n'ont pas encore le culte de l'accord met-vin alors libre à vous de choisir en fonction de votre région de prédilection).

Pour aller plus loin :
l'émission Cocineros Argentinos, de Canal 7, nous propose sa recette en vidéo sur le site Internet de cette émission très sympathique de la première chaîne de télévision publique.
Seul réserve de ma part : ils ont choisi de vous donner une recette en kit, avec haricots en boîte et tomates en conserve. Si cela simplifie considérablement le travail des mères de famille qui constituent le gros du public, cela empêche les haricots de se charger des parfums des autres ingrédients. Une hérésie qu'un cuisinier-gastronome français, belge ou suisse ne commettra jamais !
Voir la recette de Bien Casero (groupe Clarín)
Bien entendu, tous ces liens renvoient vers des sites exclusivement en espagnol.


(1) En Argentine, les proportions sont toujours très généreuses. Méfiez-vous d'un restaurant qui pratique la portion nouvelle cuisine. A Buenos Aires, ce n'est pas normal (ni dans aucune autre ville du pays).
(2) A ce stade de la cuisson, évitez de saler. Le bouillon de légumes le fera. Ajouter encore du sel durcira les légumineuses, ça donnera des fayots en béton armé ! Si nécessaire, rectifier l'assaisonnement en fin de cuisson.