L'auteur-compositeur-intreprète Ariel Prat (photo ci-contre, par Sandra Cartasso), l'un des grands créateurs de la murga argentine actuels, se présentera ce mois-ci, tous les mercredis à 21h30, au Centro Cultural Torcuato Tasso, Defensa 1975, dans le quartier de San Telmo, avec un peu d'avance sur les dates officielles du carnaval portègne (18 au 21 février 2012). Le cycle de spectacles s'intitule Carnapratasso, un mot-valise qui insère son nom entre Carnaval (mais aussi l'adjectif carnal, charnel, sensuel) et celui du poète italien qui a été donné à ce grand lieu de la culture populaire qu'est le Tasso. Souvenez-vous, je vous y ai emmenés plusieurs fois à travers quelques Retours sur Images de mes Chroniques de Buenos Aires.
L'ouverture de la série de concerts ce soir est l'occasion pour Carlos Bevilacqua d'interviewer l'artiste, qui se partage entre Huesca, en Espagne, et Buenos Aires et qui propose un répertoire personnel où se mêlent la murga, cette "soeur bâtarde du tango" comme il me l'a définie il y a peu (j'ai trouvé la métaphore très ajustée) et certains éléments de la chanson urbaine, avec cette juste dose de prise de position politique qui est le propre de toute tradition carnavalesque.
Chaque mercredi du mois, Ariel Prat partagera la scène avec une murga invitée des quartiers de Saavedra, Colegiales, Villa del Parque, Santa Rita et Parque Patricios. Sans oublier un illusioniste à qui il a demandé quelques tours à sa façon, le bien nommé Carlos Magia.
“Mi intención es ser un vehículo entre la calle y el escenario. Quiero demostrar que la murga porteña tiene valor artístico, más allá de lo que se conoce por el colorido del desfile, el baile y el volumen del audio. Hablo de matices que muchas veces no se pueden apreciar en un corso”
Ariel Prat, cité par Página/12
Mon intention, c'est d'être un vecteur entre la rue et la scène. Je veux démontrer que la murga portègne a une valeur artistique, au delà de ce que l'on connaît par les couleurs du défilé, la danse et le volume sonore. Je parle de nuances qui bien souvent ne peuvent pas être appréciées dans un corso.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
“Estamos en una época de recuperación de derechos. Para nosotros, como ciudadanos, militantes y artistas barriales, era muy importante recuperar una fiesta de tradición nacional. Es algo muy bueno no sólo para los murgueros sino también para toda la población. Hay que recordar que mucha gente no tiene vacaciones. Los corsos representan la posibilidad de salir, de disfrutar, gratis, de varias noches de espectáculos artísticos. Ahora tenemos el desafío de cuidar el Carnaval, embellecerlo y difundirlo”
Ariel Prat, cité par Página/12
Nous sommes à une époque de récupération des droits. Pour nous, comme citoyens, militants et artistes faubouriens, c'était très important de retrouver une fête de tradition nationale (1). C'est très bien non seulement pour les murgueros mais aussi pour toute la population. Il faut rappeler que beaucoup de gens ne prennent pas de vacances (2). Les corsos représentent la possibilité de sortir, de se faire plaisir, gratuitement, d'avoir plusieurs nuits de spectacles artistiques. Maintenant c'est notre défi à nous de veiller sur le Carnaval, de l'embellir et de le faire grandir.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 (en bas de la Colonne de droite, vous disposez d'un lien vers le traducteur en ligne Reverso dont vous pouvez vous servir pour soutenir votre lecture des articles de presse en VO vers lesquels je vous dirige à la fin de nombreuses entrées de ce blog).
(1) Il parle ici du retour au caractère férié des lundis et mardis gras, depuis l'année dernière, sur décision de la Présidente (voir mon article du 15 septembre 2010 à ce sujet), après que la Dictature l'avait supprimé pour tenter d'éradiquer la tradition carnavalesque, qui a toujours paru très subversive à l'oligarchie argentine, et en particulier à celle de Buenos Aires. Mes recherches actuelles m'ont fait passer sous les yeux, il y a quelques jours, des documents incroyables datant de la période révolutionnaire et où le gouvernement, pourtant libéral, de Buenos Aires cherche déjà, avec une moue dédaigneuse qui se livre jusque dans le style le plus officiel, à domestiquer la fougue plébéienne dont le carnaval a toujours été le grand déballage, parce que ce n'était pas assez classieux pour une capitale aussi prestigieuse que Buenos Aires.
(2) On est en plein été dans l'hémisphère sud. Tous ceux qui en ont les moyens sont à la plage ou à la montagne, pas dans la chaleur suffocante de la capitale.