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Ernestina Herrera de
Noble, veuve de Roberto Noble depuis janvier 1969, vient de mourir à
l'âge respectable de 92 ans. C'est toujours son nom qui apparaît
comme directrice du quotidien dans l'ours de Clarín, dont elle avait
pris les rênes au décès de son mari.
Ernestina Herrera rayonnante, en tenue de cocktail, flanquée de ses deux enfants |
Depuis, elle avait fait de
ce journal argentin criblé de dettes un puissant groupe médiatique,
qui comprend plusieurs quotidiens, de nombreux magazines, des chaînes
de télévision et des fournisseurs Internet et téléphonie mobile.
En Amérique du Sud, elle fut la première femme à prendre ainsi la
direction d'un organe de presse. Elle s'est toujours présentée
comme une championne de la liberté de la presse et elle a été
reconnue et parfois décorée pour ce combat, notamment lorsque
François Mitterrand, bien connu pour ses sympathies politiques envers les réfugiés politiques sud-américains, lui a remis la Légion
d'Honneur.
En 1984, Ernestina Herrera reçoit la Légion d'Honneur des mains de François Mitterrand On est tout juste quelques mois après le retour à la démocratie en Argentine |
Depuis 1990 toutefois,
sous le mandat de Carlos Menem (1), elle faisait l'objet de
nombreuses attaques personnelles, tout d'abord sous l'accusation
d'avoir créé un groupe hégémonique qui ne laissait au reste de la
presse aucune place pour prospérer (ce qui n'était pas faux mais il
est vraisemblable que cela ait plus à voir avec la structure
libérale du marché qu'avec sa volonté et sa stratégie
personnelle) et ensuite à travers sa vie privée, où se confondent
les enjeux affectifs et patrimoniaux.
L'adoption de ses enfants,
pendant la Dictature militaire (1976-1953), est en effet entachée de
graves irrégularités, aujourd'hui prescrites, mais sur lesquelles
la justice argentine n'a jamais été très pointilleuse. Abuelas de
Plaza de Mayo a longtemps pensé que Marcela et Felipe pouvaient être
deux des petits-enfants qu'elles recherchent mais le frère et la
sœur ont accepté, il y a quelques années, de faire le test ADN qui
s'est révélé négatif pour l'un et l'autre. Ils héritent
aujourd'hui la totalité des parts de leur mère et vont sans doute
prendre les commandes du groupe, qui a si longtemps excité la haine
des kirchneristes et reste particulièrement suspect aux yeux des
militants de cette gauche, aujourd'hui dans l'opposition.
En Espagne, le roi Juan Carlos lui-même accorde un baise-main à Ernestina Herrera |
On ne s'étonnera donc pas
du ton peu aimable de la nécrologie dressée ce matin par Página/12
(2) tandis que le reste de la presse salue la grande dame du
journalisme, qui a su élevé son titre phare au meilleur tirage
mondial de la presse de langue espagnole.
Pour en savoir plus :
lire la nécrologie de Ernestina Herrera de Noble dans Clarín, qui consacre à la disparue
de nombreux articles et analyses
(1) alors qu'elle avait
soutenu l'arrivée au pouvoir de Raúl Alfonsín, le président
radical qui avait relevé la démocratie et le régime
constitutionnel en décembre 1983.
(2) Entre temps, il s'est
créé un autre groupe médiatique, idéologiquement opposé, le
Grupo Octubre, dont Página/12 est le quotidien.