En Argentine, San Cayetano, connu en français comme saint Gaëtan, est le saint patron du pain et du travail. Sa fête, tous les 7 août, est l’occasion de grands pèlerinages dans les sanctuaires qui lui sont dédiés. Il y en a partout. Chaque province, pour ne pas dire chaque diocèse a le sien. Et par les temps qui courent, ceux où la nourriture coûte de plus en plus cher avec une inflation qui dépasse désormais les 100 % l’an, nul ne peut s’étonner qu’hier le pèlerinage ait connu un grand succès. Le 7 août est un véritable baromètre socio-économique dans tout le pays.
A Buenos Aires, la paroisse San
Cayetano est située à Liniers, un quartier très populaire à la
limite ouest de la ville. L’église se trouve tout près de
l’autoroute, la General Paz, qui ceinture le côté occidental de
la capitale. Tout autour d’elles, s’est établi un essaim de
petits commerces qui ne payent pas de mine. Les façades sont un peu
déglinguées. Les enseignes très colorées ont été peintes à la
main par le patron lui-même à la fois en cuisine et au comptoir. Il
y a peu, le quartier était intensément animé par les abattoirs aux
bœufs qui ont depuis déménagé en très, très grande banlieue.
Cette année, à Buenos Aires,
c’était la première grande manifestation catholique pour le tout
nouveau primat d’Argentine nommé au lendemain de la fête
nationale du 25 mai, Monseigneur García Cuerva, connu pour son
ouverture aux questions sociales. Inutile de dire qu’il était
attendu au tournant pas les observateurs politiques dans cette toute
dernière ligne droite avant les primaires obligatoires et générales
(PASO) qui vont déterminer dans quelques jours ceux des candidats
qui auront le droit de se présenter au premier tour en octobre, les
uns parce qu’ils arriveront en tête de leur mouvement politique,
les autres parce qu’ils auront dépassé le seuil légal qui a été
fixé afin d’écarter les candidatures beaucoup trop marginales.
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Le très jeune archevêque n’a pas déçu : dans son homélie, il a parlé travail, salaire, inflation et coût de la vie devant une assemblée pleinement concernée, le pèlerinage amenant au sanctuaire tout ce que la ville et parfois la banlieue sud compte de laissés pour compte du marché du travail et des comptes en banque tranquilles : « Aucune bourse n’est à la hauteur [de l’inflation des prix], a-t-il déclaré. On en peut pas vivre juste avec de la polenta et du riz ».
En bon pasteur, fidèle au modèle
de François, il a aussi fait une tournée des petits commerces et
des ateliers du coin pour bénir le travail des diocésains. D’où
quelques images pittoresques et néanmoins pleinement authentiques
dont les journaux se régalent ce matin.
Par ailleurs, la délégation amérindienne venue à pied de Jujuy il y a quelques jours pour réclamer à cor et à cri aux pouvoirs publics fédéraux l’annulation de la réforme constitutionnelle dans leur province a, elle aussi, accompli le pèlerinage en vue de faire entendre ses revendications sur ses terres que le très droitier et de plus en plus autoritaire gouverneur entend livrer à l’avidité sans foi ni loi des grandes multinationales minières pour l’exploitation du lithium contenu dans le sous-sol de ces splendides montagnes. Or Liniers est habité par des très nombreux Argentins venus des provinces pauvres du nord-ouest (dont Jujuy) ainsi que des pays voisins, Paraguay, Bolivie et Pérou. Les commerces locaux le montrent très bien. Ce secteur de la mégalopole est plein de petites cantines boliviennes et péruviennes où des habitués viennent (ou venaient) manger sur le pouce : ouvriers du bâtiment ou des travaux publics, habitants du quartier, chiffonniers en route pour leurs bidonvilles et jusqu’à il y a peu, peones (ouvriers agricoles) des abattoirs voisins.
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