María Antonia de La Paz y Figueroa, plus connue sous son surnom populaire de Mama Antula, qui lui avait été donné de son vivant par les Indiens quechuas de sa province natale, Santiago del Estero, dans le nord-ouest argentin, est une religieuse issue de la plus haute aristocratie coloniale qui a rétabli, dans ce qui était encore le Vice-Royaume du Río de la Plata, les exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus, qui avait été expulsée de tous les territoires espagnols par le roi Carlos III en 1767.
Depuis Santiago del Estero, elle est allée à pied, avec quelques compagnes, jusqu’à Buenos Aires, la capitale vice-royale, pour y implanter ces exercices malgré l’opposition des autorités impériales et religieuses. A Buenos Aires, elle parvint à force de conviction à faire construire une Maison des Exercices telles que les jésuites en avaient partout avant la suppression de leur ordre et comme ils en ont à nouveau dans toutes les provinces ecclésiastiques où ils sont présents, ce qu’on appelle à Buenos Aires la Casa de los Ejercicios. Le bâtiment, à peu près tel qu’elle l’avait imaginé et animé et qui appartient depuis près d’un siècle au patrimoine national, se dresse toujours dans Avenida de la Independencia, du côté du numéro 1000, c'est-à-dire dans le centre historique de la Ville.
Elle a été enterrée dans l’église Nuestra Señora de la Piedad.
Le Pape vient d’autoriser la
publication du décret de reconnaissance du second miracle (guérison
physique inexplicable dans l’état actuel des connaissances)
attribué à la bienheureuse, béatifiée en 2016.
La célébration de la
canonisation devrait avoir lieu à Rome, place Saint-Pierre, comme le
veut la tradition, au début de l’année prochaine, en présence
d’une importante délégation argentine dans laquelle il est
probable que prendra place le nouveau président, en tout cas si
celui-ci est Sergio Massa. En cas de victoire du super-dingue, ce
sera difficile eu égard à son torrent d’injures contre le
Saint-Père et son mépris affiché pour toute espèce de politique
sociale d’assistance aux secteurs défavorisés de la société,
une activité traditionnelle de l’Église dont la Sor María
Antonió de San José, appelée aussi Beata Madre de son vivant, est
l’un des plus beaux témoignages à la fin du 18e
siècle(1).
Mama Antula devient la première
sainte argentine. Elle est aussi l’un des toutes premières grandes
figures promotrices des cultures amérindiennes en Argentine (et Dieu
sait si c’était audacieux à son époque, surtout pour une femme).
Procession d'une effigie de la bienheureuse et sans doute d'une relique à Santiago del Estero en 2016 à l'occasion de la béatification |
La nouvelle arrive à pic juste avant les fêtes de la Toussaint. La journée n’est pas fériée ordinairement en Argentine mais il n’est pas impossible qu’à Santiago del Estero (province de la naissance) et à Buenos Aires (ville du décès) les pouvoirs publics fassent un petit effort pour l’occasion.
Pour aller plus loin :
lire l’article de La Prensa (journal catholique ultra-conservateur)
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
lire la dépêche de l’agence de presse de la Conférence épiscopale argentine (AICA).
(1) Mama Antula (1730-1799) a été une guide spirituelle exceptionnelle pour la plupart des futurs révolutionnaires argentins à la tête de la Revolución de Mayo del 1810, qui marqua l’abolition de la vice-royauté et lança le processus politique et militaire qui devait aboutir six ans plus tard à l’indépendance de fait et de droit du pays. La nouvelle sainte a donc une place importante dans la première partie de la biographie que j’ai consacrée à Manuel Belgrano, sous le titre Manuel Belgrano, l’inventeur de l’Argentine, parue aux Éditions du Jasmin en février 2020, à l’aube du Bicentenaire de la mort de ce général, juriste, économiste et homme d’État auquel on doit plusieurs victoires décisives et un drapeau, l’actuel albiceleste qui identifie l’Argentine.