jeudi 8 février 2024

La loi est morte. Vivent les décrets [Actu]

"La défaite n'a pas de père (ni de mère)",
dit le gros titre sur ce schéma
où chacun dit que le responsable "c'est lui/elle"
tout en haut : la frangine du président
qui est aussi la Secrétaire-générale de la Présidence
et fait office de Première dame.
En haut : un condamné pour crime contre l'Humanité
a fait la fête avec les siens pour fêter sa remise en liberté
La vice-présidente est partisane d'une amnistie générale
pour tous ces condamnés
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Hier, pendant que Javier Mileí en faisait des tonnes à Jérusalem pour s’aligner sur le gouvernement Netanyahu, en pure perte puisque l’Argentine est un poids-plume dans la diplomatie et l’opinion publique israéliennes, surtout sous l’autorité d’un Premier ministre aussi contesté que celui-là, à Buenos Aires, le gouvernement argentin a fait savoir que la loi Omnibus ne reviendrait pas dans l’hémicycle. C’en est donc fini de ce machin fourre-tout (c’est le sens de ce surnom d’Omnibus) qui menaçait entre autres tout le secteur non-marchand (santé, culture, éducation, recherche.., bref tout ce qui fait que l'Argentine tient debout et qu'elle pourrait développer un peu d'attractivité et de soft-power).

"La loi Omnibus est morte", annonce le gros titre
En-dessous, Mileí à Yad Vachem
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Furieux de cette défaite parlementaire dont, après deux ans passés à la Chambre comme député, il serait surprenant que Mileí ne l’ait pas vu venir, celui-ci entend maintenant tenir ses promesses : en cas d’échec de la loi, il avait en effet menacé de gouverner par ces ordonnances que la constitution argentine appelle des DNU (décrets de nécessité et d’urgence). Instruments juridiques qui ne peuvent pourtant constituer qu’une modalité exceptionnelle de gouvernement et qui n’exemptent aucunement l’exécutif des débats parlementaires. La Casa Rosada a de plus fait savoir hier qu’elle ne déposerait plus aucun projet de loi cette année au Congrès !

"Mileí renverrait de hauts-commis de l'Etat
liés à des gouverneurs et aggraverait la politique d'austérité",
avance le gros titre
En-dessous : à droite, la rencontre de Mileí et Netanyahu
à gauche : le président de gauche chilien Gabriel Boric
étreint la veuve de son adversaire de droite,
l'ex-président Piñera à l'aéroport de Santiago
où le corps vient d'arriver pour les funérailles d'Etat.
La légende de la photo le présente comme un modèle à suivre
(ce qui est rare : l'Argentine a plutôt tendance à mépriser le Chili
et Clarín à mépriser les dirigeants de gauche)
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Mileí, qui professe son admiration pour Alberdi, l’auteur de la constitution (1853), dont il veut le visage sur un futur billet de banque, montre que ce texte fondateur lui importe à peu près autant que sa première paire de chaussettes. La loi Omnibus, a-t-il fait savoir, il n’en a plus rien à faire. Donnant une énième preuve de la confusion de sa ligne politique et de ce qui ressemble de plus en plus à une instabilité psychique façon Trump, le voilà qui menace maintenant les gouverneurs et parle de révoquer le directeur qu’il vient de nommer à la tête de la Sécurité sociale argentine sous prétexte qu’il l’aurait trahi parce que sa femme (celle du directeur), qui est députée, a voté contre la loi.

"Après l'échec de la loi, Mileí rompt avec
les gouverneurs et procède par décret", dit le gros titre
En-dessous : "La douleur unit le Chili.
Boric serre les Piñera dans ses bras"
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De surcroît, ses mômeries jérusalémites, au pied du Mur avant-hier comme dans le bureau de Netanyahu hier, lui ont valu à la télévision israélienne les moqueries des humoristes locaux, qui raillent sa veulerie, sa grossièreté et son éternel blouson de cuir noir de rocker démodé, tandis que, dans certaines institutions juives en Argentine, commencent à monter des critiques acerbes contre ce chef d’État qui affiche un judaïsme de pacotille très rétrograde et qui manipule sans vergogne la religion, ses pratiques et ses symboles en vue d’épouser l’idéologie identitaire, suprémaciste et messianique de l’extrême-droite israélienne, celle-là même qui attise le conflit au Proche-Orient et dont les enjeux politiques n’ont rien à voir avec l’Argentine, y compris pour ses citoyens qui revendiquent leur confession ou leur culture juives.

En attendant, au Congrès, les parlementaires libertaires tâchent de se lancer à présent dans une autre bataille : celle de l’abrogation du récent droit à l’IVG (IVE en Argentine).

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 sur la crise gouvernementale
lire l’article de Página/12 sur les sketches de la télévision israélienne (les vidéos sont intégrées à l’article)
lire l’article de Página/12 sur les réactions des juifs de gauche en Argentine
lire l’article de La Prensa
lire l’article de La Nación
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