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Comme on s’y attendait, l’inauguration de la Feria del Libro hier, à Palermo, a dû faire siffler les oreilles de Mileí.
Quoique, puisque le président semble paradoxalement se réjouir des critiques qui lui sont adressées. Plus elles sont acerbes, plus il se rengorge sur les réseaux sociaux ! Peut-être par fanatisme libertaire ou peut-être, et c’est plus vraisemblable, parce qu’elles font parler de lui partout dans le monde, une publicité que ses maigres talents ne lui ont jamais permis d’obtenir. Au moins, depuis qu’il est président de l’Argentine, le grand public le connaît partout dans le monde et ses pitreries hantent les media en Argentine comme à l’étranger. Or ce n’est pas le cas de ses prédécesseurs : ni Néstor Kirchner, ni Cristina Kirchner, ni Mauricio Macri, ni Alberto Fernández n’ont jamais joui de la moindre notoriété hors du sous-continent (sauf, et encore à peine, en Espagne) alors que juste de l’autre côté de la frontière, Lula, Dilma Roussef et Bolsonaro, sur ce plan, n’ont vraiment pas à se plaindre !
Avec sa vulgarité, son look
moche, son inculture abyssale et son déchaînement idéologique, il
a réussi là où, avec des politiques qui restaient dans les clous
de la décence démocratique, les autres ont échoué.
Une du supplément culturel quotidien de Página/12 présentant un moment du discours inaugural de Liliana Heker Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
Toujours est-il qu’hier le
président de la Fundación El Libro, organisatrice du salon du
livre, et l’écrivaine Liliana Heker, invitée à délivrer
l’allocution inaugurale, n’ont pas ménagé leurs critiques
contre la politique anti-culturelle et anti-sociale de l’actuel
gouvernement qui menace de faire disparaître entre autres et à
court terme tout le secteur du livre, faute de ressources chez les
lecteurs désireux d’enrichir leurs bibliothèques. Or ce secteur
est une des grandes réussites de l’Argentine en Amérique du Sud,
une sorte d’exception culturelle sur le continent. Quant à la
Fondation du Livre, ce n’est pas à proprement parler un bastion de
la gauche péroniste ! C’est donc l’écrasante majorité du
monde de la culture qui se défend contre cette politique imbécile
qui mise pour longtemps sur l’ignorance et la perte de tout repère
historique et éthique.
Dans un discours de bienvenue
mémorable, reproduit en intégralité ce matin par La Nación
dans son édition du jour (un journal qu’on aurait du mal à
définir comme de gauche !), le président de la Fondation a
prononcé quatre non retentissants et un oui non moins sonore :
- Non à la suppression du Fonds National des Arts
- Non à la suppression de l’Institut National de Théâtre
- Non aux coupes claires dans le budget de l’Institut National du Cinéma [qui est en train de mourir, NdE]
- Non à la non-application de la loi de Défense de l’activité de libraire [qui permet entre autres aux librairies de ne pas verser au fisc le montant de la TVA des livres, loi votée il y a plusieurs années mais jamais mise en application, NdE]
- Oui à l’Université publique, gratuite et pour tous.
L’organisateur a également
dénoncé le cynisme et l’absence de toute vergogne du président
qui a interdit au ministère de la Culture (redevenu simple
secrétariat d’État au sein du ministère du Capital Humain)
d’avoir un stand sur le salon sous prétexte que c’était là une
dépense inutile pour l’État qui doit faire des économies, alors
que le ministère a toujours été présent sur le salon depuis sa
première édition, il y a cinquante ans. Et malgré cela, le
président a le culot de s’inviter le 12 mai au centre de ce parc d’exposition à l’occasion de la sortie d’un bouquin
qu’il a signé pour bénéficier du flux de public que draine la Feria. La Fondation lui a répondu qu’elle ne prendrait
en charge ni l’organisation de cette sinistre pitrerie ni les frais
liés à sa venue, en particulier le coût de la sécurité. Or vous
imaginez sans peine ce qu’il va falloir déployer pour permettre au
président de se présenter dans cette manifestation et d’y
pérorer pendant une heure alors que tous les exposants lui sont
profondément hostiles et que le public ne le porte pas vraiment dans
son cœur. No hay plata, lui a répondu le président de El
Libro lorsqu'on lui a présenté les
desiderata de cet auteur aussi spécial que capricieux. Non sans ironie, il n’a
fait que lui retourner la phrase que le gouvernement répète à
tout bout de champ et à tout le monde pour refuser de maintenir les
budgets du secteur non marchand : « Il n’y a pas
d’argent ».
Titre neutre mais belle photo à la une de La Prensa Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Le président devra donc prendre tous les frais sur son budget ou s’abstenir de venir faire sa promo. Ce qui va encore coûter bonbon aux contribuables argentins comme tout le reste dans ce mandat où les élus se votent des augmentations gratinées pour leurs indemnités de mandat, poussant le primat d’Argentine à leur intimer, en chaire et en vain, l’ordre de ne pas le faire, et où les ministères embauchent à tire-larigot copains et parents avec des salaires mirobolants tout en accusant leurs prédécesseurs de gabegie et de concussion en tout genre.
Ce qui n’a pas empêché hier,
sur LCI, ici, en France, le journaliste François Lenglet de prendre
pour argent content un discours récent et hautement fantaisiste de
Mileí, où il s’est vanté à la télévision d’avoir déjà
passé le budget de l’État en excédent après des décennies d’un
déficit insurmontable. Pur mensonge, comme d’habitude avec lui.
Vaguement formé à l’économie dans sa jeunesse dans une
université privée d’assez piètre réputation, le président se
laisse volontiers donner du Docteur alors qu’il n’a été
étudiant que trop peu d’années pour prétendre à pareille
qualification(1). Vendredi dernier, comme d’habitude, il
a arrangé les faits et les chiffres à sa sauce pour leur faire dire
ce qui l’arrangeait, quatre jours avant une manifestation qui
s’annonçait gigantesque et qui l’a été, celle de mardi dernier
en faveur de l’enseignement supérieur public.
Quant au chef du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, un cousin germain de Mauricio Macri, tout aussi de droite que lui, il a annoncé un programme d’aide et de soutien aux bibliothèques populaires dans sa ville ! Cela s’arrose...
Pour aller plus loin :
lire l’article de La Prensa
lire l’article principal de Clarín
lire l’article de La Nación reprenant le discours de bienvenue du président de El Libro
lire l’article de La Nación reprenant le discours inaugural de Liliana Heker
(1) Notons que ses prédécesseurs ont de vrais diplômes universitaires à faire valoir : Néstor et Cristina Kirchner comme Alberto Fernández sont tous les trois docteurs en droit et Alberto Fernández était de surcroît, au moment où il a été élu, professeur de droit à la UBA, la plus prestigieuse université du pays. Quant à Mauricio Macri, c’est un authentique ingénieur formé en Argentine puis aux États-Unis. Certes, le diplôme ne fait pas le bon politique mais cela dit au moins quelque chose de l’effort que l’homme ou la femme en question a consenti pour se former.