Reproduction
du premier drapeau du Pérou indépendant dessiné
par José de San Martín
et qu'il utilisa dès le printemps (austral) 1820.
et qu'il utilisa dès le printemps (austral) 1820.
Il fut remplacé
par l'actuel drapeau peu de temps après la fin de premier gouvernement libre.
On y retrouve les principaux symboles du
drapeau de l'armée des Andes :
le soleil (qui représente
à la fois l'Inca et les lumières des droits de l'homme,
dont San Martín allait faire le symbole de la première décoration péruvienne, l'ordre du Soleil,
qui permettait de ne pas rompre d'un coup avec les conventions
auxquelles le pays restait
attaché),
les sommets des Andes, la mandorle de lauriers.
les sommets des Andes, la mandorle de lauriers.
Aujourd'hui, le drapeau péruvien comporte toujours les deux
mêmes couleurs,
le blanc et le rouge, sous forme de bandes et
non plus de triangles,
et le motif central du drapeau solennel a été
modifié.
Juliette Laude, illustratrice de plusieurs
biographies de la collection Signes de Vie
aux Editions du Jasmin,
aux Editions du Jasmin,
a
agrégé, sur la couverture de mon livre,
l'actuel drapeau péruvien aux deux autres, le drapeau argentin et le drapeau chilien.
l'actuel drapeau péruvien aux deux autres, le drapeau argentin et le drapeau chilien.
Le 8
septembre 1820, l'Expédition libératrice du Pérou,
conduite par José de San Martín, arrivait dans les eaux
péruviennes et son chef proclamait aussitôt la liberté
du pays, pourtant toujours sous la coupe effective du vice-roi
Joaquín de la Pezuela. L'expédition, du seul fait
qu'elle se présentait devant les côtes péruviennes,
devait sonner la fin de l'Ancien Régime. Une sorte de méthode
Coué avant la lettre pour les Péruviens plus que pour
San Martín lui-même qui ne se faisait guère
d'illusion sur la difficulté de la tâche. A partir de
cette proclamation, il data tous les documents adressés aux
Péruviens de l'An I de la Liberté du Pérou...
Pendant
près d'une année, San Martín
allait, avec sa stratégie, dérouter tout le monde en choisissant, au lieu d'attaquer Lima, de se livrer à une véritable guerre
psychologique pour discréditer le régime colonial et
gagner la majorité des habitants, un petit peuple exploité
et opprimé par une riche oligarchie encore plus raciste
qu'ailleurs en Amérique latine. Lord Cochrane, le
contre-amiral qui commandait la flottille de 24 bâtiments et ne
rêvait que d'en découdre avec l'armée
légitimiste, estima que cette attitude relevait de la
couardise et se mit en devoir de saper la réputation de San
Martín auprès des officiers, dont il s'aliéna
peu à peu un grand nombre.
Sachant
ses forces très inférieures en nombre à celles
du vice-roi, conscient du danger que représentait le
comportement de son contre-amiral et du peu d'enthousiasme
indépendantiste des colons péruviens, même des
plus libéraux d'entre eux, San Martín multiplia les
va-et-vient le long de la côte pour contraindre l'armée
ennemie à s'épuiser en marches et contremarches sur des
distances redoutables, tout en effectuant lui-même des
incursions à terre où, entouré de petits
détachements de grenadiers à cheval, il rencontrait en
chair et en os les populations civiles des campagnes.
D'abord
terrifiés par la réputation épouvantable que les
légitimistes faisaient à San Martín, les
Péruviens découvraient peu à peu, à
travers les proclamations écrites qui leur parvenaient et sa
présence physique ici et là, un général
philanthrope, aimable, respectueux de leurs biens et de leurs
personnes... Ainsi San Martín favorisait-il les désertions
dans l'armée vice-royale et obtenait-il des ralliements qui
venaient grossir les rangs révolutionnaires. Assez vite, la
ville portuaire de Guayaquil, au nord du Pérou, se déclarait
indépendante, ouvrant la voie à la création
ultérieure d'un nouvel Etat, l'actuel Equateur. Cette
stratégie fit perdre leur latin à tous les acteurs politiques du moment, les lointaines chancelleries européennes tout comme Cochrane et Pezuela, qui y laissa de surcroît sa
place, renversé par un coup d'Etat libéral de quelques officiers francs-maçons dont quelques uns étaient prêts à fraterniser avec l'armée libératrice...
Pendant
cette longue période d'incertitude, un commandant de la Royal
Navy longeait la côte pacifique du nord au sud et du sud au
nord, entre El Callao, le port de Lima, et Valparaíso, celui
de Santiago, à la tête d'une petite escadre. Le
gouvernement de Sa Gracieuse Majesté avait chargé le
Comodore Basil Hall de veiller aux intérêts britanniques
tant au Chili qu'au Pérou car la Grande-Bretagne entretenait
des relations commerciales ambiguës avec les deux capitales, en particulier en vendant des armes aux deux parties. La position du Royaume-Uni -prétendument neutre mais ceci est une autre histoire- donna à l'officier
britannique accès à toutes les parties en présence.
Basil
Hall était né dix ans après San Martín, en 1788, à Edimbourg, dans une
famille de hobereaux écossais. Doué pour
l'organisation, la négociation et l'écriture, il fut
chargé à plusieurs reprises de missions diplomatiques
en Asie d'abord, jusqu'en Chine, dont il nous a rapporté un
précieux témoignage, puis en dernier lieu en Amérique
du Sud. Sur la fin de sa carrière, en rentrant d'Amérique,
il fit une escale à Sainte-Hélène et fut reçu
par Napoléon, dont il rapporta les propos dans ses carnets de
voyage. De retour dans son pays, désormais retraité de la Marine, il
fut ami de son compatriote écossais Walter Scott. Atteint de
symptômes neurologiques graves, il mourut à l'hôpital,
à Portsmouth, en 1944, sans doute d'une syphilis contractée
durant ses voyages au long cours en Asie et en Amérique.
Dans
sa mission de protection des sujets de Sa Majesté, cherchant à
savoir à quel saint les négociants britanniques
installés à Lima devaient se vouer pendant cette guerre
larvée, il rencontra à plusieurs reprises San Martín,
plus souvent en mer que sur terre, et notamment au cours de
l'armistice de l'hiver 1821. Il prenait des notes sur tout ce dont il
était témoin et il les publia sous la
forme d'un journal de voyage, à Londres, dès 1823. Le livre connut un succès phénoménal et connut plusieurs rééditions, légèrement remaniées, jusque dans les années 1840. Dans la
préface de 1840, il déclare avoir été tenté
de remanier ses notes de fond en comble pour en faire un essai
structuré et didactique mais y avoir renoncé en
constatant que ce traitement nuisait à la clarté des propos initiaux. Dans les lignes qui suivent, il est donc possible et même fort probable que nous soyons en présence, à quelques détails près, du récit rédigé dans les heures qui suivirent cette
rencontre, en tout cas jusqu'à « but they shall now
experience its strength and importance ». La suite ne peut
avoir été écrite qu'après coup, sans
doute lors de l'élaboration du manuscrit définitif près
de 20 ans plus tard (1).
On
the 25th of June, I had an interview with General San Martin, on
board a little schooner, a yacht of his own, anchored in Callao Roads
for the convinience of communicating with the deputies, who, during
the armistice, had held their sittings on board a ship in the
anchorage. There was little, at first sight, in his appearance to
engage the attention; but when he rose up and began to speak, his
great superiority over every other person I had seen in South America
was sufficiently apparent. He received us in very homely style, on
the deck of his vessel, dressed in a surtout coat, and a large fur
cap, seated at a table made of a few loose planks laid along the top
of two empty casks.
[...]
Le
25 juin [1821], j'eus un entretien avec le général San
Martín, à bord d'une petite goélette, un yacht à
lui (2), ancré dans les passes du Callao pour communiquer
facilement avec les députés qui, durant l'armistice,
tenaient leurs quartiers à bord d'un bateau au mouillage. Au
premier regard, il n'y avait dans son apparence guère de quoi
attirer l'attention mais quand il se leva et se mit à parler,
sa grande supériorité sur toutes les autres personnes
que j'ai vues en Amérique du Sud était assez visible.
Il nous reçut comme chez lui, sur le pont du vaisseau, vêtu
d'un pardessus et [coiffé] d'un grand bonnet de fourrure,
assis à une table faite de quelques planches libres posées
sur deux fûts vides.
[...]
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
During
the first visit I paid to San Martin, several persons came on board
his vessel privately, from Lima, to discuss the state of affaires,
upon which occasion his views and feelings were distinctly stated;
and I saw nothing in his conduct afterward to cast a doubt upon the
sincerity with which he then spoke. The contest in Peru, he said, was
not of an ordinary description - not a war of conquest and glory, but
entirely of opinion; it was a war of new and liberal principles
against prejudice, bigotry, and tyranny. "People ask, said
San Martin, why I don't march to Lima at once; so I might and
instantly would, were it suitable to my views - which it is not. I do
not want military renown. I have no ambition to be the conqueror of
Peru. I want solely to liberate the country from oppression. Of what
use would Lima be to me, if the inhabitants were hostile in political
sentiment! How could the cause of Independence be advanced by my
holding Lima, or even the whole country, in military possession?- Far
different are my views. I wish to have all men thinking with me, and
do not choose to advance a step beyond the gradual march of public
opinion. The capital is now ripe for declaring its sentiments, and I
shall give them the opportunity of doing so in safety. It was in sure
expectation of this moment that I have hitherto deferred advancing;
and to those who know the full extent of the means which have been
put in action, a sufficient explanation is afforded of all the delays
that have taken place. I have been gaining indeed, day by day, fresh
allies in the hearts of the people, the only certain allies in such a
war. In the secondary point of military strength- I have been, from
the same causes, equally succesful in augmenting and improving the
liberating army; while that of the Spaniards has been wasted by want
and desertion. The country has now become sensible of its true
interests, and it is right the inhabitants should have the means of
expressingwhat they think. Public opinion is an engine newly
introduced into this country; the Spaniards, who are utterly
incapable of directing it, have prohibited its use; but they shall
now experience its strength and importance."
Lors
de la première visite que je rendis à San Martín,
plusieurs personnes montèrent à bord à titre
privé, en provenance de Lima, pour discuter de l'état
des affaires. A cette occasion, il fit connaître clairement ses
vues et ses sentiments. Et je n'ai rien vu dans sa conduite par la
suite de nature à jeter le moindre doute sur la sincérité
avec laquelle il nous parla alors (3). La querelle au Pérou,
disait-il, n'était pas ordinaire à décrire. Ce
n'était pas une guerre de conquête et de gloire mais une
guerre entièrement d'opinion. C'était une guerre des
idées (4) nouvelles de liberté contre les privilèges,
l'intolérance et la tyrannie. Les gens demandent, disait San
Martín, pourquoi je ne marche pas sur Lima tout de suite. Je
le pourrais et je le ferais à l'instant si cela convenait à
mes vues, ce qui n'est pas le cas. Je ne cherche pas la renommée
militaire. Je n'ai aucune ambition d'être le conquérant
du Pérou. Je ne cherche qu'à libérer le pays de
l'oppression. De quelle utilité me serait Lima si les
habitants étaient hostiles du point de vue politique ?
Comment la cause de l'indépendance pourrait-elle avancer si je
tenais Lima et même tout le pays en mon pouvoir militaire ?
Mes vues sont tout autres. Je souhaite amener tout le monde à
adopter ma pensée et c'est mon choix de ne pas faire un pas
plus rapide que l'avancée graduelle de l'opinion publique. La
capitale est mûre maintenant pour déclarer son point de
vue (5) et je vais lui donner les moyens de le faire en sécurité.
C'était dans l'attente de ce moment, dont je ne doutais pas,
que j'ai jusqu'à présent sursis à mon avancée.
Et pour ceux qui savent tous les moyens qui ont été mis
en action, c'est assez expliqué tous les retards pris. J'ai en
fait gagné, jour après jour, de nouveaux alliés
dans le cœur des gens, les seuls alliés sûrs dans une
telle guerre. Sur le point secondaire de la force militaire, j'ai eu,
pour les mêmes raisons, tout autant de succès dans
l'accroissement et l'amélioration de l'armée de
libération tandis que celle des Espagnols a été
dévastés par la pénurie et la désertion.
J'ai maintenant amené le pays à la raison sur ses
propres intérêts et c'est justice que les habitants
puissent disposer des moyens d'exprimer ce qu'ils pensent. L'opinion
publique est une machine nouvellement introduite dans le pays, les
Espagnols, qui ont au plus haut point incapables de la conduire, ont
interdit son usage mais ils vont maintenant éprouver sa force
et son importance. (6)
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
On
another occasion I heard San Martin explain the peculiar necessity
there was for acting in this cautious and, as it were, tardy manner,
in revolutionising Peru. Its geogaphical situation had in his
opinion, great influence in continuing that state of ignorance so
favourable to the mistaken policy of the Spaniards; long after the
other country of South America has awakened from their apathy. Buenos
Ayres, from its vicinity to the Cape of Good Hope, and the facility
of intercourse between it and Europe, had many years before acquired
the means of gaining information, which had not yet reached Peru.
Chili originally derived her knowledge through Bueunos Ayres,but more
recently by direct communication from England and North America.
Columbia, although the scene of terrible wars, had the advantage of
being near the West Indies and North America; and Mexico was also in
constant communication with those places, as well as with Europe.
Thus they had all, more or less, enjoyed opportunities of obtaining
much useful knowledge, during times little favourable, it is true, to
its culture but which did not, indeed could not, prevent its
influence from being salutary. Peru, however, was unfortunately cut
off by nature from direct communication with the more enlightened
countries of the earth, and it was only very recently that the first
rays of knowledge had pierced through the clouds of error and
superstition which the folly and bigotry, of the government had
spread over it; and the people were still not only very ignorant of
their own rights, but required time and encouragement to learn how to
think justly on the subject. To have taken the capital by a
coup-de-main, therefore, would have answered no purpose, but would
probably have irritated the people, and induced them to resist the
armes of the Patriots, from a misconception of their real intentions.
The
gradual progress of intelligence in the other states of South
America, said San Martin, has insensibly prepared the people's minds
for the Revolution. In Chili and elsewhere, the mine had been
silently charged, and the train required only to be touched; - in
Peru, where the materials were yet to be prepared, any premature
attempt at explosion must have been unsuccessfull.
A
une autre occasion, j'ai entendu San Martín expliquer la
nécessité particulière qu'il y avait pour
employer cette manière prudente et aussi lambine de
révolutionner le Pérou. Sa situation géographique
avait, à mon avis, une grande influence sur le maintien de cet
état d'ignorance si favorable à la politique erronée
des Espagnols, bien longtemps après que les autres pays
d'Amérique du Sud se soient éveillés de leur
apathie. Buenos Aires, à cause de sa proximité avec le
Cap de Bonne Espérance et la facilité de ses relations
avec l'Europe, avait plusieurs années auparavant acquis les
moyens de recueillir des informations qui n'avaient pas encore
atteint le Pérou. Le Chili, à l'origine, tira son
savoir de Buenos Aires mais plus tard il le fit par des
communications directes avec l'Angleterre et l'Amérique du
Nord. La Colombie (7), bien qu'elle fût le théâtre
de guerres terribles, avait l'avantage d'être près des
Caraïbes et de l'Amérique du Nord et le Mexique était
aussi en constante communication avec ces lieux autant qu'avec
l'Europe. Aussi avaient-ils tous, plus ou moins, profité
d'opportunités pour obtenir un savoir fort utile en ces temps
peu favorables, il est vrai, à le cultiver (8) mais qui ne put
même pas, à la vérité, empêcher son
influence d'être salutaire. Le Pérou cependant était
malheureusement privé par la nature de toute communication
directe avec les pays les plus éclaires de la terre et ce ne
fut que sur le tard que les premiers rayons du savoir avaient percé
à travers les nuages de l'erreur et de la superstition que la
folie et l'intolérance du gouvernement avait répandues
partout et les gens étaient encore non seulement très
ignorants de leurs propres droits mais avaient besoin de temps et
d'encouragement pour apprendre comment penser correctement sur ce
sujet (9). Prendre la capitale à la hussarde n'aurait donc
servi à rien mais aurait probablement irrité les gens
et les aurait induits à résister à l'armée
patriote, à cause d'un malentendu sur leurs intentions
réelles. Les progrès par degrés de la science
(10) dans les autres Etats d'Amérique du Sud, disait San
Martín, a insensiblement préparé les esprits des
gens à la Révolution. Au Chili et ailleurs, on avait
chargé l'explosif en silence et il ne fallait plus que mettre
le feu aux poudres. Au Pérou, où il fallait encore
préparer le matériel, toute tentative prématurée
d'explosion aurait été vouée à l'échec.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
La
suite de l'épopée de San Martín au Pérou
au prochain épisode...
Source : Biblioteca Nacional de España
Ce
titre d'une édition extraordinaire de la Gazette de Lima,
encore sous le régime colonial, est très intéressant.
Pezuela avait accepté la réforme orthographique établie en Espagne
lors de la restauration
de Fernando VII, en 1814.
On écrit désormais gaceta, comme aujourd'hui.
A la même époque, à
Buenos Aires, on continue d'écrire gazeta,
ne serait-ce que
pour dire au roi d'Espagne qu'on a cessé d'être ses
sujets.
De l'autre côté, si la constitution en vigueur
depuis mars 1820 en Espagne,
qu'on appelle la Pepa, du nom de celui
qui la fit voter à Cadix en 1812,
l'éphémère roi Joseph (Pepe) Bonaparte,
l'éphémère roi Joseph (Pepe) Bonaparte,
a été proclamée au Pérou par le vice-roi à l'arrivée de l'expédition libératrice,
elle est bien évidemment restée lettre morte
et la vie
politique et administrative au Pérou n'a pas bougé
d'un iota
jusqu'à l'entrée des troupes de San Martín
dans la capitale.
* *
*
San
Martín, à rebours des conquistadors, biographie en
français de San Martín, est d'ores et déjà
en souscription au prix promotionnel de 14 €, soit 12,5% de
réduction sur le prix public.
Le
livre paraîtra en décembre et sera alors vendu en
librairie au prix officiel de 16 $ (prix inscrit au dos).
Le
bon de souscription est téléchargeable et imprimable
dans mon article de présentation générale du 23
octobre 2012, intitulé San Martín, à rebours des conquistadors, biographie en souscription.
* *
*
Pour
aller plus loin :
-
Ecouter mon interview d'août 2012 en français, par
Magdalena Arnoux, sur Radio Nacional (Radiodifusión
Argentina al Exterior).
Elle
porte surtout sur les rumeurs concernant l'identité de San
Martín car une légende absurde veut que cet homme n'ait
pas été le fils de ses parents mais un métis
adultérin selon des formules abracadabrantes qui ressemblent
beaucoup dans leur processus d'élaboration aux mêmes
rumeurs qui traînent sur l'identité de Carlos Gardel.
Dans les deux cas, ces bruits ont la vie dure !
-
Ecouter mon interview d'août 2012 en espagnol sur la même
station.
Le
journaliste Leonardo Liberman et moi-même y devisons du San
Martín intime et quotidien de l'exil à Paris, entre
1831 et 1850, de son amour pour la musique, les arts, la littérature,
de sa profonde amitié avec un personnage flamboyant
aujourd'hui oublié mais qui inspira à Alexandre Dumas
son personnage du comte de Monte-Cristo, de l'affection du général
pour sa fille ainsi que de la ville de Boulogne-sur-Mer où sa
vie s'est achevée le 17 août 1850.
Pour
en savoir plus, à travers les articles de ce blog, sur la
haute figure qu'est José de San Martín en Argentine,
cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to
search, ci-dessus (sous le titre de chaque article).
Pour
connaître l'ensemble de mes articles sur ce livre qui sera le
troisième que je publie, cliquez sur le mot-clé SnM bio
Jasmin, dans le même bloc Pour chercher.
Des
raccourcis vers les présentations de chacun de mes livres sont
disponibles en partie haute de la Colonne de droite.
(1)
Basil Hall a été le premier Britannique à publier
ainsi des souvenirs de la guerre d'indépendance sud-américaine
et à parler de San Martín. Par la suite,le
général William Miller, subalterne de San Martín
au Chili puis au Pérou, publia ses Mémoires, qui furent un véritable best-seller à la fin des années 1820 : deux tomes
très fidèles à l'action de San Martín,
dont l'auteur se rapprocha beaucoup, d'abord pour les besoins de son
livre et ensuite pour cultiver l'authentique amitié qui
s'était nouée entre eux à cette occasion. Presque au même moment, un commerçant anglais qui avait tenu un comptoir à Santiago entre 1818 et 1823, avait lui aussi écrit des souvenirs fort appréciés en leur temps puis tombés totalement dans l'oubli. Au
moment où Basil Hall rééditait pour la quatrième ou cinquième foi son ouvrage, le secrétaire
de Lord Cochrane, Thomas Sutcliffe, rédigeait à son
tour ses propres souvenirs, pour apporter sa pierre au vain édifice
de la réhabilitation judiciaire et politique de son ancien
patron, qui se battait toujours pour recouvrer son honneur de citoyen, flétri à tort, disait-il, par une condamnation pénale, et d'ancien amiral de la Royal Navy, qui avait subi une injuste
dégradation en 1814. Lors de sa sortie en 1841, l'ouvrage de
Sutcliffe, très hostile à San Martín comme on
peut s'en douter, provoqua la colère des amis de celui-ci à
Buenos Aires. Alors en exil à Paris, avec la dignité
dont il ne s'était jamais départi, l'intéressé
choisit, quant à lui, d'ignorer superbement ces énièmes "cochraneries"... Une autre série d'ouvrages avait été
publiée à Londres, de 1838 à 1843, signée
par un certain John Parish Robertson. Dans les années
1850-1880, les historiens de la droite argentine accordèrent
beaucoup de crédit à ces six volumes construits de
telle manière qu'il est très difficile d'y suivre un
vrai fil historique entre anecdotes personnelles et description de
célèbres batailles auxquelles on peut douter que
l'auteur ait vraiment assisté puisque ce qu'il en dit
correspond bien au récit mythique mais aucunement aux rapports
militaires qui en furent établis par les protagonistes. Aucun
historien d'aujourd'hui ne tiendrait ces pseudo-confidences pour des
sources fiables : de toute évidence, ce sont les
souvenirs d'un espion qui tâche laborieusement de dissimuler la
véritable nature de ses activités en Amérique du
Sud et se trompe de manière grossière sur de très
nombreux faits biographiques dont il dit pourtant avoir été
témoin (l'anecdote du mariage de San Martín ressemble à
un gag dans un pastiche de film noir à la Georges Lautner, auquel il ne manquerait que les moues patibulaires de Lino Ventura et
Francis Blanche !). En 1844 enfin, un officier de la marine marchande
française décida de publier lui aussi une version,
cette fois dans la langue de Molière, de cette prestigieuse
campagne de libération du Pérou à laquelle,
jeune marin d'à peine 20 ans, il avait participé de
loin. Il publia son livre à Paris et y fit participer le
protagoniste lui-même, qu'il avait alors sous la main, dans son
appartement de la rue Neuve Saint-Georges dans le 9ème
arrondissement de Paris (actuelle rue Saint-Georges).
(2)
La goélette Moctezuma avait été prélevée
sur la maigre flotte chilienne par le Directeur suprême,
Bernardo O'Higgins, pour offrir à San Martín un peu
d'intimité et de tranquillité pendant la campagne, car
à l'époque de la marine à voile, où il
fallait beaucoup de monde pour la moindre manœuvre, toute
embarcation était surpeuplée. Donc plus le bateau était
petit, plus on avait de chance d'y trouver un peu de calme. Cochrane
n'avait jamais accepté que la Moctezuma ne fût pas
directement placée sous son commandement. Un jour, il fit main
basse sur des sommes publiques et privées déposées
sur des navires accostés au port de El Callao. San Martín,
excédé par toute la série d'actes d'indiscipline
du lord flibustier, comme il l'appelait, le déclara persona
non grata au Pérou et l'obligea à quitter immédiatement
les eaux du nouvel Etat. Alors Cochrane vola la Moctezuma et deux
autres bâtiments chiliens et partit, de sa propre initiative,
porter la guerre aux Espagnols au nord, en Californie, pendant un an.
(3)
Basil Hall semble savoir que Cochrane s'est répandu dans la
bonne société anglaise en propos contraires dès leur
retour à tous deux en Grande-Bretagne, un retour presque simultané.
(4)
C'est moi qui traduis principles par idées, pour maintenir le
vocabulaire ordinaire de San Martín lui-même dans ses
propres écrits. Ici, ses propos ont déjà subi
une traduction. Principles est certainement un terme plus exact que
ideas dans l'anglais politique de la première moitié du
19ème siècle.
(5) Il faut croire que c'est vrai, puisque Lima se déclarera ville ouverte
quelques semaines après cette entrevue, alors que Basil Hall a
déjà pu constater à Lima même que les
esprits évoluaient à vive allure. En juin, la
réputation de San Martín est déjà très
bonne dans presque toutes les campagnes et petites villes. Seule la
capitale reste inquiète...
(6)
L'ensemble de ces propos correspondent aux documents historiques de
la même époque qui ne furent publiés qu'après
la mort de San Martín, intervenue en 1850, d'abord par un
historien chilien puis par plusieurs auteurs argentins, qui se
piquaient d'être eux aussi des historiens. La correspondance
avec Bernardo O'Higgins et Tomás Guido, et même les
échanges écrits avec Cochrane, montrent qu'en effet San
Martín tenait ce raisonnement. Ce qui, entre autres
caractéristiques, fait de Basil Hall un témoin très
exploitable pour cette période.
(7)
Il est plus que probable que la Colombie dont parle ici Basil Hall
est celle que Bolívar s'efforçait de constituer en
agglomérant en un seul pays ce qui est actuellement le
Venezuela, la Colombie et une bonne partie de l'Amérique
Centrale.
(8)
Il s'agit bien de cultiver le savoir. L'expression n'est plus guère
en usage de nos jours mais elle était très fréquente
jusqu'à la seconde moitié du 19ème
siècle. Ici, on sent encore les vestiges littéraires de
la fin du siècle précédent, celui des Lumières.
(9)
Il suffit pour se rendre compte de la justesse de cette analyse
partagée entre Hall et San Martín de regarder le
portrait complètement anachronique que fit du Protecteur de la
Liberté du Pérou, le peintre officiel de la cour
vice-royale, José Gil de Castro, avec une esthétique en
retard de trois siècles. Voir à ce sujet mon précédent
article intitulé Les carottes (coloniales) sont cuites, d'après le Diario Constitucional de Barcelona.
(10)
Intelligence est ici synonyme, me semble-t-il, de savoir en
général. Le substantif "science" avait alors le
même sens puisqu'il ne s'était pas encore spécialisé
dans le seul domaine scientifique.