L'actualité
ne connaît pas de répit, surtout en hiver et c'est l'hiver dans
l'hémisphère sud.
Tandis
que du côté Montoya et Carlotto, la liesse se prolonge autour des
retrouvailles avec Guido (qui continuera de s'appeler Ignacio) et
l'intérêt médiatique qui va avec aussi, un nouveau procès se
tient en ce moment contre les auteurs et les bénéficiaires du rapt
d'un autre enfant, Pablo Gaona Miranda, en vue de son adoption
frauduleuse pendant la Dictature militaire de 1976-1983 (voir mon article du 9 août 2012 sur l'annonce de son identification) :
un couple, celui qui a adopté et élevé l'enfant, et un de leurs
cousins, aujourd'hui colonel dans l'Armée argentine, celui qui leur
a confié le bébé, dont l'identité exacte a été établie en
2012. Pendant la dictature, cet officier travaillait dans une
garnison qui servait de centre de détention clandestin pour y
séquestrer et y torturer les militants de la démocratie. Après le
rapt du nourrisson, il est devenu son parrain.
Pablo
Gaona a été entendu hier à l'audience et il a rendu compte du
difficile combat qu'est de se reconstruire une identité après avoir
aimé ceux qui l'ont élevé et qui ne sont pas ses véritables
parents, disparus dans la répression. Il a raconté comment sa mère
adoptive, qui se doutait bien que cet enfant ne venait pas du ciel,
l'avait supplié de ne pas se manifester auprès de l'ONG Abuelas car
elle supposait qu'il y avait un risque de prison, pour le parrain à
coup presque sûr et pour son mari et elle de façon probable. Et
c'est terrible parce que sans doute ces gens ont souffert de ne pas
avoir d'enfant, qu'ils ont dû accueillir l'arrivée de ce bébé
comme un immense cadeau de la vie et que rien de tout cela, quelle
que soit l'ampleur de leur douleur, ne peut évidemment justifier ni
excuser le crime de voler un nouveau-né puis de maquiller son
état-civil pour qu'on ne retrouve jamais plus sa trace tandis que
ses parents sont assassinés. De quoi faire réfléchir dans ces
temps où nous sommes et où nous en arrivons à contester les principes de l'éthique sous prétexte que la
souffrance de ne pas avoir d'enfant pourrait rendre légitime des pratiques pour le moins contestable :
adoption contre argent, fécondation in vitro chez des adultes ayant
passé l'âge de la procréation, location de ventres en particulier
dans des pays pauvres (et maintenus en l'état par le système dominé
par les pays riches), choix d'un donneur de sperme sur catalogue
comme cela se pratique couramment aux Etats-Unis...
Pablo
Gaona Miranda a aussi raconté comment ses parents nourriciers
avaient réagi après qu'il leur avait présenté le résultat des analyses
génétiques effectuées à sa demande mais à leur insu, quatre ans
après cette terrible scène familiale. Et les réactions ont été
très humaines, elles ne manquaient, à ce qu'il dit, ni d'émotion ni d'empathie envers ses vrais parents assassinés et dont ce couple semblait ignorer à peu près tout, tout en ayant tout soupçonné.
Difficile
travail que de juger dans un cas pareil. Et rude devoir pour cet
homme jeune que de témoigner dans de telles conditions.
Pour
en savoir plus sur cette intervention judiciaire, lire l'article paru
ce matin sur Página/12.