mardi 12 août 2014

Poignant témoignage de Pablo Gaona Miranda au procès de ses parents-séquestreurs [Actu]


L'actualité ne connaît pas de répit, surtout en hiver et c'est l'hiver dans l'hémisphère sud.

Tandis que du côté Montoya et Carlotto, la liesse se prolonge autour des retrouvailles avec Guido (qui continuera de s'appeler Ignacio) et l'intérêt médiatique qui va avec aussi, un nouveau procès se tient en ce moment contre les auteurs et les bénéficiaires du rapt d'un autre enfant, Pablo Gaona Miranda, en vue de son adoption frauduleuse pendant la Dictature militaire de 1976-1983 (voir mon article du 9 août 2012 sur l'annonce de son identification) : un couple, celui qui a adopté et élevé l'enfant, et un de leurs cousins, aujourd'hui colonel dans l'Armée argentine, celui qui leur a confié le bébé, dont l'identité exacte a été établie en 2012. Pendant la dictature, cet officier travaillait dans une garnison qui servait de centre de détention clandestin pour y séquestrer et y torturer les militants de la démocratie. Après le rapt du nourrisson, il est devenu son parrain.

Pablo Gaona a été entendu hier à l'audience et il a rendu compte du difficile combat qu'est de se reconstruire une identité après avoir aimé ceux qui l'ont élevé et qui ne sont pas ses véritables parents, disparus dans la répression. Il a raconté comment sa mère adoptive, qui se doutait bien que cet enfant ne venait pas du ciel, l'avait supplié de ne pas se manifester auprès de l'ONG Abuelas car elle supposait qu'il y avait un risque de prison, pour le parrain à coup presque sûr et pour son mari et elle de façon probable. Et c'est terrible parce que sans doute ces gens ont souffert de ne pas avoir d'enfant, qu'ils ont dû accueillir l'arrivée de ce bébé comme un immense cadeau de la vie et que rien de tout cela, quelle que soit l'ampleur de leur douleur, ne peut évidemment justifier ni excuser le crime de voler un nouveau-né puis de maquiller son état-civil pour qu'on ne retrouve jamais plus sa trace tandis que ses parents sont assassinés. De quoi faire réfléchir dans ces temps où nous sommes et où nous en arrivons à contester les principes de l'éthique sous prétexte que la souffrance de ne pas avoir d'enfant pourrait rendre légitime des pratiques pour le moins contestable : adoption contre argent, fécondation in vitro chez des adultes ayant passé l'âge de la procréation, location de ventres en particulier dans des pays pauvres (et maintenus en l'état par le système dominé par les pays riches), choix d'un donneur de sperme sur catalogue comme cela se pratique couramment aux Etats-Unis...

Pablo Gaona Miranda a aussi raconté comment ses parents nourriciers avaient réagi après qu'il leur avait présenté le résultat des analyses génétiques effectuées à sa demande mais à leur insu, quatre ans après cette terrible scène familiale. Et les réactions ont été très humaines, elles ne manquaient, à ce qu'il dit, ni d'émotion ni d'empathie envers ses vrais parents assassinés et dont ce couple semblait ignorer à peu près tout, tout en ayant tout soupçonné.

Difficile travail que de juger dans un cas pareil. Et rude devoir pour cet homme jeune que de témoigner dans de telles conditions.

Pour en savoir plus sur cette intervention judiciaire, lire l'article paru ce matin sur Página/12.