samedi 30 août 2014

Le marché mondial des capitaux se prémunit de la jurisprudence Griesa [Actu]

En ce samedi, un mois après la déclaration artificielle de default de l'Argentine du fait d'un juge new-yorkais quelque peu suspect sur sa capacité interprétative du droit dans un Etat du même nom, le quotidien Página/12 fait sa une sur la décision que vient de rendre publique une fédération internationale d'opérateurs de marché qui prend des mesures pour que les accords de rééchelonnement d'une dette de fonds souverain soient appliqués en fonction de la majorité des créditeurs et non pas d'une minorité, comme c'est le cas dans la décision du juge Griesa.
Y a-t-il besoin d'une traduction ? Je ne le pense pas !

L'article est à lire en ligne et en espagnol.

Et comme dit le gros titre du journal, c'est une question qui intéresse désormais l'ensemble du monde, puisque tous les Etats empruntent sur le marché privé et sont menacés par la jurisprudence Griesa qui leur avait fait perdre une partie de leur liberté de décision en termes de gestion de la dette et donc une part de souveraineté monétaire et budgétaire. Ce jugement les mettait dans les mains d'une poignée de spéculateurs sans foi ni loi ou plus exactement qui n'ont pour toute boussole que le profit le plus à court terme possible et mettait aussi les créditeurs de bonne foi à la merci de quelques voyous en col blanc, disposés à tout pour empocher du fric au détriment du reste de la planète.

En Argentine, la belle (presque) unanimité qui s'était fait jour les 31 juillet et 1er août dernier, aura eu le mérite d'exister mais n'aura pas tenu longtemps. L'opposition n'a pas tardé à couvrir le gouvernement en fonction de propos fort peu gracieux et de noms d'oiseaux (pas très variés), dénonçant sa soi-disant mauvaise politique sans jamais proposer quoi que ce soit à la place. La Présidente l'a d'ailleurs fait remarquer dans un récent discours : qu'ils critiquent autant qu'ils le veulent, mais qu'ils disent aux Argentins ce qu'ils feraient s'ils étaient au pouvoir. Et là, j'attends de voir, parce que pour l'heure, cela ressemble beaucoup au sktech du Sar Rabindrana Duval, de Pierre Dac et Francis Blanche, jusques et y compris dans les bas-fonds triviaux et paillards dans lesquels ils aimaient bien s'ébattre...



Francis Blanche, en turban : - Votre Sérénité, est-ce que vous pouvez dire le numéro de compte en banque de Madame ?
Pierre Dac, en position du lotus : Oui !
Francis Blanche : Vous pouvez le dire ?
Pierre Dac, concentré : Oui !
Francis Blanche : Vous pouvez le dire ?
Pierre Dac, péremptoire : Oui !
Francis Blanche : Il le peut ! (applaudissements et éclat de rire)

Un discours tautologique et absurde que le duo de une, Daniel Paz et Rudy, n'ont pas manqué de stigmatiser ce matin, avec leur humour de toujours :



L'opposant à lunettes (vous remarquerez au passage que pour une fois, notre oligarque à moustache et à gros sourcils s'est mis en congé) : Pour quelle raison voulons-nous à tout prix accepter le verdict de Griesa ?
L'autre opposant : pour faire ch... le gouvernement.
L'opposant à lunettes : Mais la dette, il faudra bien que le prochain gouvernement la paye.
L'autre opposant : Qu'il aille se faire f..., le prochain gouvernement.
L'opposant à lunettes : Mais si c'est nous ?
L'autre opposant : Tu te f... de moi ou quoi ?
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Une remarque en passant : voyez comme le vocabulaire révèle l'immaturité démocratique de la société argentine. Tout se passe comme si les institutions constitutionnelles n'étaient pas le pays lui-même. Voilà deux cents ans que l'on confond obstinément gouvernement et Etat, gouvernement en fonction et donc partisan et République, laquelle devrait être au-dessus des désaccords conjoncturels. La dette n'est pas celle du gouvernement. C'est une réalité comptable qui s'impose à la Nation entière, à chaque contribuable. Et cela, dans le vocabulaire de l'actuelle majorité et notamment celui de la Présidente, juriste de formation, c'est une chose très claire, qui ne souffre pas l'ombre d'un doute. En revanche, chez l'homme de la rue, même s'il est très cultivé, ce n'est pas clair du tout et chez les caciques de la politique, dans l'opposition, qu'elle soit de droite ou de gauche, c'est un super jeu langagier d'enfumage à grande échelle. Pour le moment, les Argentins ont du mal à reconnaître la supercherie. C'est en cela que ces deux humoristes font un travail d'éducation civique pour adultes d'une grande utilité. Et en plus, c'est drôle.