En ce samedi, un mois après la
déclaration artificielle de default de l'Argentine du fait d'un
juge new-yorkais quelque peu suspect sur sa capacité interprétative
du droit dans un Etat du même nom, le quotidien Página/12
fait sa une sur la décision que vient de rendre publique une
fédération internationale d'opérateurs de marché qui prend des
mesures pour que les accords de rééchelonnement d'une dette de
fonds souverain soient appliqués en fonction de la majorité des
créditeurs et non pas d'une minorité, comme c'est le cas dans la
décision du juge Griesa.
Y a-t-il besoin d'une traduction ? Je ne le pense pas ! |
L'article est à lire en ligne et en
espagnol.
Et comme dit le gros titre du journal,
c'est une question qui intéresse désormais l'ensemble du monde, puisque tous les Etats empruntent sur le marché privé et sont menacés par la jurisprudence Griesa qui leur avait fait perdre une partie de leur liberté de décision en
termes de gestion de la dette et donc une part de souveraineté monétaire et budgétaire. Ce jugement les mettait dans les mains
d'une poignée de spéculateurs sans foi ni loi ou plus exactement
qui n'ont pour toute boussole que le profit le plus à court terme
possible et mettait aussi les créditeurs de bonne foi à la merci de quelques voyous en col blanc, disposés à tout pour empocher du fric au détriment du reste de la planète.
En Argentine, la belle (presque)
unanimité qui s'était fait jour les 31 juillet et 1er
août dernier, aura eu le mérite d'exister mais n'aura pas tenu
longtemps. L'opposition n'a pas tardé à couvrir le gouvernement en
fonction de propos fort peu gracieux et de noms d'oiseaux (pas très
variés), dénonçant sa soi-disant mauvaise politique sans jamais
proposer quoi que ce soit à la place. La Présidente l'a d'ailleurs
fait remarquer dans un récent discours : qu'ils critiquent autant
qu'ils le veulent, mais qu'ils disent aux Argentins ce qu'ils
feraient s'ils étaient au pouvoir. Et là, j'attends de voir, parce
que pour l'heure, cela ressemble beaucoup au sktech du Sar Rabindrana
Duval, de Pierre Dac et Francis Blanche, jusques et y compris dans
les bas-fonds triviaux et paillards dans lesquels ils aimaient bien s'ébattre...
Francis Blanche, en turban : - Votre
Sérénité, est-ce que vous pouvez dire le numéro de compte en
banque de Madame ?
Pierre Dac, en position du lotus : Oui !
Francis Blanche : Vous pouvez le dire ?
Pierre Dac, concentré : Oui !
Francis Blanche :
Vous pouvez le dire ?
Pierre Dac, péremptoire : Oui !
Francis Blanche : Il le peut ! (applaudissements et éclat de rire)
Un discours tautologique et absurde que le duo de une, Daniel Paz et
Rudy, n'ont pas manqué de stigmatiser ce matin, avec leur humour de
toujours :
L'opposant à lunettes (vous
remarquerez au passage que pour une fois, notre oligarque à
moustache et à gros sourcils s'est mis en congé) : Pour quelle
raison voulons-nous à tout prix accepter le verdict de Griesa ?
L'autre opposant : pour faire ch... le
gouvernement.
L'opposant à lunettes : Mais la dette,
il faudra bien que le prochain gouvernement la paye.
L'autre opposant : Qu'il aille se faire
f..., le prochain gouvernement.
L'opposant à lunettes : Mais si c'est
nous ?
L'autre opposant : Tu te f... de moi ou
quoi ?
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Une remarque en passant : voyez comme le vocabulaire révèle l'immaturité démocratique de la société
argentine. Tout se passe comme si les institutions constitutionnelles
n'étaient pas le pays lui-même. Voilà deux cents ans que l'on
confond obstinément gouvernement et Etat, gouvernement en fonction
et donc partisan et République, laquelle devrait être au-dessus des
désaccords conjoncturels. La dette n'est pas celle du gouvernement.
C'est une réalité comptable qui s'impose à la Nation entière, à
chaque contribuable. Et cela, dans le vocabulaire de l'actuelle
majorité et notamment celui de la Présidente, juriste de formation,
c'est une chose très claire, qui ne souffre pas l'ombre d'un doute.
En revanche, chez l'homme de la rue, même s'il est très cultivé,
ce n'est pas clair du tout et chez les caciques de la politique, dans
l'opposition, qu'elle soit de droite ou de gauche, c'est un super jeu
langagier d'enfumage à grande échelle. Pour le moment, les
Argentins ont du mal à reconnaître la supercherie. C'est en cela
que ces deux humoristes font un travail d'éducation civique pour
adultes d'une grande utilité. Et en plus, c'est drôle.