A
minuit, le juge d'instruction qui a récemment repris l'enquête sur
la disparition de Santiago Maldonado (1) le 1er août
dernier, a donné la nouvelle tragique mais attendue (2). C'est bien
le jeune militant de gauche qui a été retrouvé dans le Río Chubut
mercredi, vers midi, sur une partie du cours d'eau dont certains
disent qu'elle avait déjà été fouillée et d'autres affirment le
contraire.
Les
premières données de l'autopsie, qui a duré douze heures,
indiquent que le jeune homme serait mort noyé et que son corps
aurait séjourné dans l'eau (très froide dans cette région sud de
la Patagonie) plus de deux mois.
La
nouvelle éclate au milieu de la période de réflexion, qu'on
appelle en Argentine la veda electoral, alors que les candidats ont
l'interdiction de s'exprimer publiquement et que la campagne
électorale est close. Le scrutin se tient demain. Ce sera le premier
tour des élections législatives de mi-mandat, pour renouveler la
moitié de la Chambre et le tiers du Sénat.
Les
politologues s'attendent à une confirmation de la majorité actuelle
à moins que ce rebondissement dans une disparition qui a été
particulièrement instrumentalisée par l'opposition ne change la
donne.
Le quotidien Página/12
n'hésite pas à dénoncer la responsabilité de la gendarmerie dans
le drame qui vient d'être confirmé.
Les
autres journaux n'affirment rien et attendront (ou feront mine
d'attendre) les résultats définitifs des examens de médecine
légale qui devraient être connus dans quinze jours. Une longue,
très longue attente, due aux procédures du code pénal argentin.
Le
président Mauricio Macri a appelé la mère du disparu et ce
faisant, il a déclenché les foudres du fils aîné de celle-ci,
fils aîné qui s'est fait depuis plusieurs semaines le porte-parole
de sa famille. Ceci dit, si le président était resté muet,
l'opposition aurait aussi trouvé moyen de le lui reprocher et de
critiquer son indifférence et son insensibilité.
Pour
en savoir plus :
lire
l'article de Clarín
Depuis la découverte du corps, tous les journaux consacrent chaque jour plusieurs articles à l'affaire dans chacune de leurs éditions.
Ajouts du 22 octobre 2017 :
lire cet éditorial de La Prensa de ce matin.
L'auteur pose un diagnostic extrêmement sévère (et injuste sur plusieurs points) sur le rôle des "intellectuels de gauche" dans cette affaire qu'ils ont - c'est exact- largement manipulée pour y impliquer les pouvoirs publics à travers la Gendarmerie (un peu à la façon dont les catalanistes peignent Mariano Rajoy et Madrid, qu'ils fantasment à plaisir en ennemis franquistes qui n'existent plus depuis longtemps).
Cet éditorial met noir sur blanc une interprétation très commune dans l'électorat (fort diversifié) de Mauricio Macri.
Il faut lire ce texte pour se faire une idée de la profondeur du malentendu qui prospère entre les deux pôles de la politique argentine : une gauche, plus ou moins péroniste, accrochée aux traumatismes de la Dictature (et qui n'est pas toujours la championne de la démocratie qu'elle voudrait être) et le reste du spectre politique (qui va de la gauche à la droite, comme au temps de Perón), qui veut se projeter vers l'avenir tout en dépassant les atrocités du passé dont il prend acte (ce n'est pas si simple, puisque l'histoire de la dictature n'est toujours pas faite ni les procès terminés ni tous les disparus identifiés et enterrés ou rendus à leur famille lorsqu'il s'agit d'enfants volés devenus aujourd'hui quarantenaires).
L'article est illustré d'une photo de la manifestation de gauche qui s'est tenue hier, sur Plaza de Mayo, en pleine trêve électorale (et là, encore, ce n'est pas qu'une manifestation de deuil, c'est aussi une manière, pour l'opposition, de peser sur le scrutin, de se compter, de se mobiliser pour le vote d'aujourd'hui. On peut se rendre compte du caractère ultra-organisé de la marche du fait des grandes banderoles qui sont exhibées sur tout le parcours).
lire l'article de La Nación sur le soulagement du gouvernement qui estime que le diagnostic de mort par noyade exonère sans doute la gendarmerie. L'autopsie a bien fait apparaître que le corps ne porte aucune lésion, ni blessure ni marque de strangulation. Il paraît donc difficile de maintenir l'accusation légale de desaparición forzada (disparition par contrainte [par les forces de l'ordre]).
Le très mordant éditorialiste de La Nación, Joaquín Morales Solá, fait une analyse proche de celle publiée par La Prensa mais il va plus loin, car il aborde aussi les stratégies politiques qui vont changer dans l'immédiat.
Quant à Clarín, qui a décidément accès à beaucoup de documents de source judiciaire ces derniers temps, il publie les tout premiers résultats de l'autopsie, qui révèlent que le jeune artisan est mort noyé dans une eau très froide qui a causé non seulement l'étouffement propre à la noyade mais aussi une hypothermie létale, ce qui n'a rien d'étonnant dans le grand sud, en plein hiver (le 1er août). Quiconque tomberait dans le Río Chubut à cette époque de l'année aurait du mal à y survivre.
Ajouts du 2 novembre 2017 :
les associations des droits de l'homme (qui rassemblent les victimes de la Dictature militaire et non pas des militants en tant que tels) ne lâchent rien. La manifestation à laquelle elles ont appelé hier autour du frère de Santiago Maldonado a fait le plein sur Plaza de Mayo, à Buenos Aires, et on a à nouveau entendu les slogans confiscatoires habituels à la gauche kirchneriste ("la place nous appartient"). Ces associations persistent dans leurs accusations contre les pouvoirs publics.
Lire à ce sujet l'article de Página/12 qui en fait la une du jour
lire l'article de La Nación
lire l'article de Clarín, qui reprend les propos de Sergio Maldonado qui refuse d'instrumentaliser la mort de son frère pour semer la discorde en Argentine (pourtant, c'est sans doute ce à quoi il s'est prêté hier).
Ajouts du 22 octobre 2017 :
lire cet éditorial de La Prensa de ce matin.
L'auteur pose un diagnostic extrêmement sévère (et injuste sur plusieurs points) sur le rôle des "intellectuels de gauche" dans cette affaire qu'ils ont - c'est exact- largement manipulée pour y impliquer les pouvoirs publics à travers la Gendarmerie (un peu à la façon dont les catalanistes peignent Mariano Rajoy et Madrid, qu'ils fantasment à plaisir en ennemis franquistes qui n'existent plus depuis longtemps).
Cet éditorial met noir sur blanc une interprétation très commune dans l'électorat (fort diversifié) de Mauricio Macri.
Il faut lire ce texte pour se faire une idée de la profondeur du malentendu qui prospère entre les deux pôles de la politique argentine : une gauche, plus ou moins péroniste, accrochée aux traumatismes de la Dictature (et qui n'est pas toujours la championne de la démocratie qu'elle voudrait être) et le reste du spectre politique (qui va de la gauche à la droite, comme au temps de Perón), qui veut se projeter vers l'avenir tout en dépassant les atrocités du passé dont il prend acte (ce n'est pas si simple, puisque l'histoire de la dictature n'est toujours pas faite ni les procès terminés ni tous les disparus identifiés et enterrés ou rendus à leur famille lorsqu'il s'agit d'enfants volés devenus aujourd'hui quarantenaires).
L'article est illustré d'une photo de la manifestation de gauche qui s'est tenue hier, sur Plaza de Mayo, en pleine trêve électorale (et là, encore, ce n'est pas qu'une manifestation de deuil, c'est aussi une manière, pour l'opposition, de peser sur le scrutin, de se compter, de se mobiliser pour le vote d'aujourd'hui. On peut se rendre compte du caractère ultra-organisé de la marche du fait des grandes banderoles qui sont exhibées sur tout le parcours).
lire l'article de La Nación sur le soulagement du gouvernement qui estime que le diagnostic de mort par noyade exonère sans doute la gendarmerie. L'autopsie a bien fait apparaître que le corps ne porte aucune lésion, ni blessure ni marque de strangulation. Il paraît donc difficile de maintenir l'accusation légale de desaparición forzada (disparition par contrainte [par les forces de l'ordre]).
Le très mordant éditorialiste de La Nación, Joaquín Morales Solá, fait une analyse proche de celle publiée par La Prensa mais il va plus loin, car il aborde aussi les stratégies politiques qui vont changer dans l'immédiat.
Quant à Clarín, qui a décidément accès à beaucoup de documents de source judiciaire ces derniers temps, il publie les tout premiers résultats de l'autopsie, qui révèlent que le jeune artisan est mort noyé dans une eau très froide qui a causé non seulement l'étouffement propre à la noyade mais aussi une hypothermie létale, ce qui n'a rien d'étonnant dans le grand sud, en plein hiver (le 1er août). Quiconque tomberait dans le Río Chubut à cette époque de l'année aurait du mal à y survivre.
Ajouts du 2 novembre 2017 :
les associations des droits de l'homme (qui rassemblent les victimes de la Dictature militaire et non pas des militants en tant que tels) ne lâchent rien. La manifestation à laquelle elles ont appelé hier autour du frère de Santiago Maldonado a fait le plein sur Plaza de Mayo, à Buenos Aires, et on a à nouveau entendu les slogans confiscatoires habituels à la gauche kirchneriste ("la place nous appartient"). Ces associations persistent dans leurs accusations contre les pouvoirs publics.
Lire à ce sujet l'article de Página/12 qui en fait la une du jour
lire l'article de La Nación
lire l'article de Clarín, qui reprend les propos de Sergio Maldonado qui refuse d'instrumentaliser la mort de son frère pour semer la discorde en Argentine (pourtant, c'est sans doute ce à quoi il s'est prêté hier).
(1)
Le premier juge a été récusé par la famille et la cour fédérale
lui a donné raison.
(2)
Même la famille du disparu était déjà convaincue depuis longtemps qu'il n'était plus de ce monde.