Malgré le maintien de l’ouverture de son procès
au 21 mai, la semaine prochaine, extorqué à la Cour suprême par le
gouvernement (1), l’ex-présidente Cristina Kirchner a annoncé dans la matinée qu’elle se
présenterait auprès d'un péroniste qui avait pris ses distances avec elle, Alberto
Fernández, aux primaires, les PASO, qui auront lieu en août, pour
un mandat vice-présidentiel (pour elle) et présidentiel (pour lui).
C’est
une énorme surprise, même si on l’a vu, lui,:monter assez souvent
en première lignes ces derniers jours pour soutenir la sénatrice et
ex-présidente et critiquer le gouvernement actuel mais tout
le monde pensait bien sûr que si elle se lançait, c’était pour
la présidence.
Et ce sera pour présider
le Sénat où elle siège, à nouveau, depuis près de deux ans. La
surprise est d’autant plus grande qu’il est arrivé à Fernández
de critiquer la politique de Cristina et
vertement.
Panique
dans les rangs de la majorité, qui avait vraiment tout fait pour que
rien de ce genre n’arrive. On va voir maintenant comment vont
évoluer les sondages et quels crocs-en-jambe les deux camps se
réservent l’un à l’autre.
Quand
Cristina avait succédé à son mari Néstor à la présidence, son
opposition, très machiste, y compris du côté des femmes, avait
prétendu que c’était lui qui tirait les ficelles. Et puis Néstor
Kirchner était mort, très tôt au cours du premier mandat de sa
femme, et on avait dû se rendre à l’évidence : la
politique, c’était bien la sienne. Aujourd’hui, cette opposition
d’hier devenue majorité d’aujourd’hui (et peut-être pas de
demain) ricane à nouveau en disant que si Cristina est candidate
dans la formule, c’est que c’est elle qui conduira la politique
d’un Alberto Fernández président pantin. Ben voyons !
Felipe
Solá qui avait déjà annoncé sa candidature à la candidature
vient d’y renoncer publiquement pour se rallier à la formule
Fernández-Kirchner (2). Et Massa, qui semble naviguer à vue depuis
six ans, a publié une déclaration très conciliante. Lui aussi a
été, de manière éphémère, premier ministre de Cristina, avant
de se rapprocher de Macri après l’élection
de celui-ci puis de prendre ses distances.
Pour un coup de théâtre, c'est réussi. Du
côté des kirchneristes, ce n’est pas le premier. Ils savent de temps à autre assommer ainsi pour un bon moment leurs adversaires
politiques. Du côté de Mauricio Macri, les politiques sont plus prévisibles.
Pour
aller plus loin :
lire
l’article de Clarín qui dit que Cristina a renoncé à se
présenter et proposé la place à Fernández (elle n’avait jamais
annoncé de candidature jusqu’à présent)
(1)
La preuve que la Cour suprême a été mise sous pression par le
gouvernement est la précipitation avec laquelle elle a tempéré son
arrêt, qui réclamait un supplément d’enquête, en publiant un
communiqué à l’état de brouillon et en précisant que
l’ouverture précoce du procès pourrait par la suite entraîner
des nullités procédurales, que ce pouvait donc être un procès
pour rien. Du coup, Cristina entre dans la bataille, via une
vidéo de 12 minutes sur les
réseaux sociaux, avant même de se
présenter devant ses juges mardi matin.
Avocate de
profession, elle connaît la musique et ses conseils auront
beau jeu au premier jour d’audience pour
dire tout ce qu’ils pensent du choix de la date d’audiencement !
Or sur le plan politique, Cristina
marche sur du velours : la politique néolibérale de la
majorité de droite
a envoyé le pays et ses classes populaires
et moyennes (dans
lesquelles se trouve le gros de son
électorat) au tapis en deux ans et demi de mandat : perte de
travail, perte d’exploitation pour les indépendants, crédits
inaccessibles pour tous les particuliers qui ne
peuvent pas acheter sans et une bonne
partie des professionnels et des PME, change prohibitif avec le
dollar interdisant d’aller passer des vacances à l’étranger,
diminution ou disparition de toutes les aides sociales, cherté des
médicaments notamment pour les retraités et les handicapés,
réduction de la vie culturelle et scientifique avec des budgets en
berne partout, fort mécontentement dans le monde du cinéma, de
l’édition, de la recherche, de l’éducation et de la santé, des
écoles publiques qui ne chauffent pas l’hiver et d’autres qui
explosent parce que les infrastructures ne sont pas entretenues et
déclarations de nombreuses personnalités médiatiques, politiques
et économiques disant déçus de la politique de Macri.
(2)
Si cette formule l’emporte en octobre, ce qui n’est pas
invraisemblable, les deux mandataires, qui n’ont aucun lien de
parenté, porteront le même patronyme. Elle s’appelle elle aussi
Fernández. Kirchner est le nom de son mari (elle est en fait
Cristina de Kirchner, ou comme la nomme Página/12 délibérément :
CFK, Cristina Fernández de Kirchner).