Le buste de San Martín à Paracas enveloppé hier dans les couleurs du Pérou Photo Présidence du Pérou Cliquez sur l'image pour une très haute résolution |
Hier, le Pérou a solennellement ouvert les
festivités du bicentenaire de son indépendance en commémorant
l’arrivée sur son sol du général José de San Martín
(1778-1850).
Le BAP Unión illuminé dans la nuit aux couleurs nationales Photo Présidence du Pérou Cliquez sur l'image pour une très haute résolution |
Barrio
de Tango suivra les célébrations qui
tourneront autour de ce personnage historique auquel trois pays
doivent leur indépendance : l’Argentine (où il a consolidé
le processus), le Chili (qu’il a libéré du joug colonial grâce à
sa campagne militaire en 1817 et 1818) et le Pérou (campagne de
1820-1821 et période du Protectorat de la Liberté en 1822).
Reportage en direct sur TV Perú
Hier
matin, le président de la République du Pérou, Martín Vizcarra,
s’est donc rendu à Paracas où, sur Plaza del Desembarco (place du
débarquement), il a salué la mémoire d’un homme pour lequel les
Péruviens, quelle que soit leur couleur de peau 1,
professent une affection hors du commun et qu’ils considèrent
comme le père fondateur du pays 2.
Après la cérémonie, les services de la Présidence ont publié une
magnifique galerie de 32 photos toutes plus belles les unes que les
autres et qui mettent parfaitement en valeur le paysage de cette anse
péninsulaire où San Martín avait choisi de faire ses premiers
pas sur le sol péruvien.
Le
chef de l’État était accompagné de sa ministre des Affaires
étrangères
et de son ministre de la Défense. Et tout le monde était masqué,
malgré le climat tropical.
Au
cours de cette cérémonie, les présidents argentin et chilien ont
pris la parole à distance, chacun chez lui. Trois monuments ont été
inaugurés pour l’occasion : une plaque supplémentaire en
l’honneur de San Martín, un buste de Bernardo O’Higgins
(1778-1842), le Directeur suprême du Chili qui avait donné mission
à San Martín (sur un plan de celui-ci), et un autre de Toribio de
Luzuriaga (1782-1842) 3,
l’un des Péruviens de l’expédition.
En duplex de Buenos Aires, Alberto Fernández salue son homologue et le peuple péruvien Photo Présidence du Pérou Cliquez sur l'image pour une très haute résolution |
Le
BAP Unión 4,
l’élégant quatre-mâts-barque à voile carrées spécialement
construit pour la Marine péruvienne comme navire école, est
venu rendre les honneurs militaires dans la baie, ce qui, dans la
nuit comme en plein jour, a donné de majestueuses images.
Depuis
ce matin, avec les huit heures de décalage horaire qui séparent
Lima de la façade ouest de l’océan Atlantique, nous pouvons
découvrir sur les sites de quelques quotidiens, de la radio et de la
télévision nationales les échos de la cérémonie d’hier qui
s’est tenue malgré la tragédie que traverse le Pérou depuis
l’irruption du covid-19 devant lequel le système sanitaire s’est
effondré et qui a déjà provoqué plus de trente-mille décès,
dont ceux de déjà plus de 125 médecins de tous âges (sans parler
des autres soignants).
Le président et la suite officielle après les inaugurations, la baie de Paracas derrière eux Photo Présidence du Pérou Cliquez sur l'image pour une très haute résolution |
Pour
cette raison, le président Vizcarra a également dévoilé à cette
occasion un monument en mémoire des victimes du covid dans cette
région, la vallée d’Ica.
Pour
aller plus loin :
lire
l’article de El Comercio
lire
l’article de TV Perú, avec son reportage filmé intégré (grâce
à YouTube)
(1)
Au Pérou beaucoup plus encore qu’en Argentine où c’est pourtant
déjà un phénomène significatif, le phénotype reste un facteur de
grave discrimination socio-culturelle, ce qui crée une société
plus injuste encore qu’aux États-Unis,
qui ont tenté de rééquilibrer les choses en créant des quotas. La
société péruvienne continue, hélas, de cultiver un racisme
profond qui ne laisse pas cet abolitionniste de l’esclavage et cet
adepte de l’universalité humaine qu’était José de San Martín
reposer en paix dans son mausolée, dans la cathédrale de Buenos
Aires.
(2)
Le Chili est moins attaché à San Martín que ses deux voisins
de l’est et du nord. Il existe en effet deux personnages chiliens
qui ont joué un rôle important dans le processus anticolonial du
Chili, ce qui n’est pas le cas au Pérou : José Miguel
Carrera, qui prit la tête de la Junta autonomiste de septembre 1810
et devint, à la fin du 19e
siècle, une figure vénérée (à tort) par la gauche qui s’en
fait une image largement imaginaire, et Bernardo O’Higgins, le
premier Directeur Suprême du Chili, lui qui fit déclarer
l’indépendance en février 1818 et fut un compagnon d’armes et
un ami personnel de San Martín jusqu’à sa mort en exil à
Lima en 1842. C’est lui qui fit partir l’expédition qui allait
libérer le Pérou dont son père, Ambrosio O’Higgins avait été
vice-roi.
Malheureusement,
le souvenir de Bernardo O’Higgins a été très vite récupéré
par la droite libérale dans la seconde moitié du 19e
siècle puis par la droite la plus autoritaire et la plus
réactionnaire, au 20e,
notamment celle de Pinochet. Ce qui n’aide évidemment pas à en
faire le héros national consensuel que devraient lui valoir son
action historique et les valeurs éthiques dont il a vécu.
(3)
Luzuriaga était un général de l’indépendance sud-américaine.
Il était né au Pérou, à Huaraz. Il a combattu du côté
révolutionnaire dans le Haut-Pérou (actuelle Bolivie) et dans le
nord-ouest de l’Argentine. En 1816, il avait succédé à
San Martín comme gouverneur de la province de Cuyo (aujourd’hui
Mendoza, San Luis et San Juan). En janvier 1820, il l’avait
rejoint au Chili et avait intégré l’Expédition libératrice du
Pérou. Le 8 septembre 1820, il était à la tête des forces qui
débarquèrent sur la plage de Paracas et prirent le village de
Pisco, préalablement déserté par ses habitants. Il fut par la
suite président d’un département péruvien et fut le premier à
recevoir la dignité de maréchal du Pérou indépendant. Par la
suite, il retourna en Argentine où il subit des déconvenues de
toutes sortes, notamment de la part des responsables politiques qui
se succédèrent à Buenos Aires. Réduit à la misère par une
succession de catastrophes agricoles, il se suicida dans son uniforme
de maréchal. Ses descendants vivent aujourd’hui dans la province
de Corrientes, celle où était né San Martín. Son souvenir
est particulièrement vénéré dans son pays natal.
(4)
BAP : sigle de Buque [de la] Armada
del Perú (ce qui se traduit en
français par « bâtiment militaire péruvien »).