lundi 28 février 2022

L’Argentine a demandé à Moscou l’arrêt des opérations [Actu]

Santiago Cafiero, le ministre argentin des Affaires étrangères,
à la tribune du Conseil des Droits de l'Homme auprès de l'ONU
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Depuis quelques semaines, c’est un diplomate argentin qui préside le Conseil des droits de l’Homme à l’ONU. Le gouvernement argentin s’en était félicité à ce moment-là. La position quelque peu timide au début de l’agression russe, dans la journée de jeudi, était incompatible avec cette position en vue dont le gouvernement argentin est si fier. Cette majorité se veut exemplaire en matière de droits de l’homme. C’est elle qui mène le combat pour les réparations des crimes de la dictature militaire des années 1976-1983, un combat qu’elle n’a jamais lâché.

Il fallait donc en finir avec tout ce qui pouvait paraître ambigu, quelle que soit la politique menée jusqu’à présent et qui tendait à voir en Vladimir Poutine un partenaire diplomatique et politico-économique présentable.

Une de La Nación aujourd'hui
avec comme hier l'article de Elisabetta Piqué
"Poutine monte le ton du défi et prépare ses armes nucléaires"
L'article sur Cristina est annoncé en bas à droite
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Dans le cadre du Conseil des droits de l’Homme et par la voie de son ministre des Affaires étrangères qui a fait le voyage jusqu’à Genève, l’Argentine vient donc d’appeler Moscou à l’arrêt de l’utilisation de la force, abandonnant définitivement toute tentation de ménager la chèvre et le chou. Malgré le FMI et tout le reste ! Et très probablement au grand soulagement de toute sa diplomatie, à peu près sous toutes les latitudes. Le ministre a utilisé le verbe « condamner » et a prononcé le mot d’« invasion ». Il a parlé de « violation de l’intégrité territoriale d’un autre État ». Désormais, l’expression est claire.

Il est vrai que le gouvernement argentin a aussi mis sur les plateaux de la balance les risques que courent son économie dans l’actuel contexte international ainsi que son intention de reprendre au plus tôt les négociations commerciales entre le Mercosur, accord régional dont elle est l’un des fondateurs et des actuels leaders, et l’Union Européenne, laquelle montre tous les signes de s’impliquer de plus en plus concrètement et au-delà de tout ce qui pouvait être imaginé il y a seulement une semaine dans le soutien actif à l’Ukraine, qui résiste encore et toujours à l’empire russe.

L’actuelle vice-présidente Cristina Kirchner, qui avait ouvert cette voie de la coopération avec Poutine au cours de son premier mandat présidentiel, vient de sortir de son lourd silence à travers un texte où elle maintient son ambivalence : elle estime en effet que la communauté internationale applique deux poids-deux mesures en ne condamnant pas la Grande-Bretagne pour l’occupation des Malouines (qui remonte à 1833, ce qui n’est pas tout à fait la pleine actualité au moment où la communauté internationale cherche à arrêter un bain de sang en Ukraine) tout en surréagissant lorsqu’il s’agit de la Russie, avec des motifs qu’elle estime montés en épingle pour l’occasion. Lorsque Poutine s’était emparé, presque sans coup férir, de la Crimée en 2014, alors qu’elle était à la tête de l’Argentine, elle avait déjà développé le même raisonnement. Pas sûr que les Argentins, même dans son électorat fidèle, approuvent cette réaction qui s’oppose à la diplomatie nationale, pendant que le sang coule et qu'est brandie la menace nucléaire, et qui n’a qu’un mérite, celui de la constance (ce qu’elle revendique explicitement).

Comme si l’évolution du contexte géopolitique comptait pour rien. Comme si le cours de l’histoire n’existait pas. Son long silence depuis jeudi avait fait beaucoup jasé. Ce message ne met pas fin à ces commentaires acerbes.

"Civilisation ou barbarie" : le gros titre de La Prensa
reprend le titre littéraire le plus célèbre de Domingo Faustino Sarmiento
le grand écrivain argentin avant Jorge Luis Borges
doublé d'un prestigieux président de la République à la fin du 19e siècle ;
le tout sur photo de la manifestation pro-Ukraine à Berlin ce week-end
En bas, à gauche, le titre annonçant l'article sur la position de Cristina
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Rien de tout cela n’empêche Página/12 de tenter depuis jeudi d’expliquer tant bien que mal, voire hélas, de justifier le motif de la dénazification avancé par Poutine : le quotidien ne cesse de revenir sur le bataillon Azov qui, malgré tout le bruit qu’il avait fait au moment de la révolution de Maïdan et de la prise du Donbass en hurlant ses slogans nazis, n’a pas réussi sa percée politique dans le pays (l’extrême-droite ne représente que 2 % des élus au parlement ukrainien).

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

sur la déclaration du ministre Santiago Cafiero à Genève :
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación, le seul organe d’information argentin qui ait une correspondante sur place, la journaliste Elisabetta Piqué, sa correspondante permanente à Rome

sur la déclaration de Cristina Kirchner :


Ajouts du 1er mars 2022 :
Des voix, notamment celle d’une parlementaire de droite, s’élèvent pour que soit rompu l’accord signé en 2014 et valide jusqu’en octobre de cette année entre l’Argentine et la Russie pour accorder un créneau à Russia Today dans le bouquet gratuit de la TNT (TDA) qui arrose tout le pays. A noter que c’était l’ancien président de droite Mauricio Macri qui avait fait prolonger ce contrat jusqu’en 2022 malgré ses déclarations précédentes (en 2016, il voulait évincer RT et Telesur, la chaîne du Venezuela).
Pour aller plus loin :
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación


Ajouts du 5 mars 2022 :
Au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, présidé par un diplomate argentin, l’Argentine a voté pour l’ouverture d’une enquête sur les atteintes aux droits de l’Homme en Ukraine.
Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de La Nación


Ajout du 15 mars 2022 :
Le gouvernement argentin renonce à exécuter l’accord tout récemment signé entre les présidents Alberto Fernández et Vladimir Poutine juste avant les Jeux Olympiques d'hiver de Beijing et qui devait permettre la formation d’officiers argentins par l’armée russe.
Pour aller plus loin :
lire l’article de La Nación