"L'Etat en état de siège", dit le gros titre sur cette photo de la police fédérale bloquant l'entrée du secrétariat d'Etat aux droits de l'homme Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
Avant-hier, Javier Mileí a envoyé la police, armée jusqu’aux dents, dans les différents ministères où il voulait virer du monde. Même le secrétariat d’État aux droits de l’homme, dont les bureaux sont situés sur le campus de l’ex-Esma, à Palermo, a vu les flics investir ses locaux. Mileí, qui avait salué mardi le passé glorieux de l’armée à l’occasion de l’anniversaire de la guerre des Malouines (provoquée par la junte militaire), met en place non pas l’État de liberté que d’aucuns ont cru il réclamait dans sa campagne électorale, mais un État policier et militariste qui s’éloigne à grand pas des idéaux de démocratie poursuivis, contre vents et marées, depuis quarante ans par le peuple argentin.
Hier, c’était les enseignants qui faisaient grève, un mois après la rentrée des classes.
Dans quelques jours, les
syndicats appellent à une deuxième grève générale dans tout le
pays.
"La colère des improductifs", dit le gros titre Ce mépris dit déjà beaucoup Ce n'est pas étonnant de la part de ce quotidien ultra-réactionnaire Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Comme mes fidèles lecteurs le constatent, il devient très difficile pour moi de soutenir le rythme de publication qui était le mien sur ce blog avant l’arrivée au pouvoir de l’actuel gouvernement qui est en train de détruire systématiquement tout ce que le secteur culturel, au sens large du terme, a construit en Argentine depuis largement plus d’un siècle.
Monter des projets comme j’en avais régulièrement jusque ce que le covid vienne tout bousculer en 2020 est très probablement sans aucune perspective. D’ici quelques semaines, il est prévu que je prenne un poste de travail dans une maison d’édition (une perspective plutôt sympa, soit dit en passant). Dès lors, une bonne partie de mon temps est consacré à me familiariser avec mes futurs outils de travail quotidien.
Une autre partie de ce temps, je
le consacre à approfondir ma découverte du monde ukrainien et à
étudier cette langue, complexe (comme toutes les langues) et
passionnante, avec son riche patrimoine historique et littéraire.
Comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer en janvier, l’Ukraine
présente les mêmes enjeux qui m’ont fait me pencher sur
l’Argentine : la construction d’une nation et d’un État
indépendant et démocratique, avec un patrimoine culturel méconnu
par chez nous et une histoire coloniale (ici, seulement pendant trois
siècles sur un bon millénaire) à comprendre. De surcroît, ce que
nous avons sous les yeux, cette guerre impitoyable que la Russie
livre à ce pays, c’est avec la technologie d’aujourd’hui le
même conflit d’indépendance qu’il y a deux cents ans, celle que
j’ai étudiée sous bien des angles à travers les figures
lumineuses de San Martín et de Belgrano ! Or des figures
lumineuses, ce n’est pas ce qui manque en Ukraine, dans le passé
et dans le présent, que l’on observe la politique, la chanson, la
musique classique, la littérature, le cinéma, enfin bref partout où
les yeux peuvent se porter...
Depuis juillet 2008, j’ai
déposé dans ces colonnes une épaisse documentation francophone sur
l’Argentine et sa culture. Je vais continuer à nourrir ce blog
mais la nourriture risque fort de se faire plus rare au long des
quatre ans de ce mandat désastreux et affameur, même si quelques
uns de mes amis, dont je sais qu’ils ont voté pour Mileí et que
j’ai du mal à comprendre, m’expliquent que ce type représente
un futur plein d’espoir pour leur pays. Ils en sont convaincus. Moi
non.
"Clameurs et coercition autour des fonctionnaires licenciés", dit le gros titre sans cacher la violence des rixes. Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Le mandat de Mauricio Macri, pour lequel ils avaient aussi voté, s’est terminé en désastre social et en catastrophe économique pour tout le pays qui s’est effondré dans un nouvel endettement infernal et mes amis en étaient conscients et ils en avaient conçu une grande colère. Or ce mandat s’annonce pire encore. Avec des propos de haine décomplexée en plus. Au moins Macri, son sourire et son élégance vestimentaire ont-ils fait illusion pendant la première moitié de son mandat. Mileí a eu moins d'une semaine d’état de grâce ! Et encore, en calculant large. Devant mes amis, je me sens un peu, mutatis mutandis, comme Iegor Gran devant ses connaissances russes qui ont accepté la propagande poutienne (1) et le mythe des ukro-nazis qui justifierait l’agression de ce pays voisin dont la Russie s’était engagée en 1994 à garantir l’intégrité des frontières !
Pour aller plus loin :
(1) Qui plus est, on trouve dans
la bouche de Poutine comme dans l’actuel discours gouvernemental
argentin les mêmes obsessions contre le féminisme et les droits de
l’homme, le même rejet viscéral et irrationnel de l’analyse
critique des dictatures historiques et des sexualités atypiques et
la même instrumentalisation de la religion, que ce soit avec le
prétendu patriarche Kirill, la figure du pape François tordue pour
la faire rentrer dans le fanatisme miléiste et la pseudo-culture
loubavitch ultra-réactionnaire de ce dernier qui ne le retient en
rien de violer le chabbat pour faire genre ! Or Mileí
prétend se tenir aux
côtés de l’Ukraine contre la Russie, comme il est aussi du côté
de Trump, de Bolsonaro et d’Orban. Cherchez l’incohérence. Elle
n’est que trop facile à trouver.