vendredi 5 avril 2024

Un État de plus en plus répressif [Actu]

"L'Etat en état de siège", dit le gros titre
sur cette photo de la police fédérale bloquant
l'entrée du secrétariat d'Etat aux droits de l'homme
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Avant-hier, Javier Mileí a envoyé la police, armée jusqu’aux dents, dans les différents ministères où il voulait virer du monde. Même le secrétariat d’État aux droits de l’homme, dont les bureaux sont situés sur le campus de l’ex-Esma, à Palermo, a vu les flics investir ses locaux. Mileí, qui avait salué mardi le passé glorieux de l’armée à l’occasion de l’anniversaire de la guerre des Malouines (provoquée par la junte militaire), met en place non pas l’État de liberté que d’aucuns ont cru il réclamait dans sa campagne électorale, mais un État policier et militariste qui s’éloigne à grand pas des idéaux de démocratie poursuivis, contre vents et marées, depuis quarante ans par le peuple argentin.

Hier, c’était les enseignants qui faisaient grève, un mois après la rentrée des classes.

Dans quelques jours, les syndicats appellent à une deuxième grève générale dans tout le pays.

"La colère des improductifs", dit le gros titre
Ce mépris dit déjà beaucoup
Ce n'est pas étonnant de la part
de ce quotidien ultra-réactionnaire
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Comme mes fidèles lecteurs le constatent, il devient très difficile pour moi de soutenir le rythme de publication qui était le mien sur ce blog avant l’arrivée au pouvoir de l’actuel gouvernement qui est en train de détruire systématiquement tout ce que le secteur culturel, au sens large du terme, a construit en Argentine depuis largement plus d’un siècle.

Monter des projets comme j’en avais régulièrement jusque ce que le covid vienne tout bousculer en 2020 est très probablement sans aucune perspective. D’ici quelques semaines, il est prévu que je prenne un poste de travail dans une maison d’édition (une perspective plutôt sympa, soit dit en passant). Dès lors, une bonne partie de mon temps est consacré à me familiariser avec mes futurs outils de travail quotidien.

Une autre partie de ce temps, je le consacre à approfondir ma découverte du monde ukrainien et à étudier cette langue, complexe (comme toutes les langues) et passionnante, avec son riche patrimoine historique et littéraire. Comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer en janvier, l’Ukraine présente les mêmes enjeux qui m’ont fait me pencher sur l’Argentine : la construction d’une nation et d’un État indépendant et démocratique, avec un patrimoine culturel méconnu par chez nous et une histoire coloniale (ici, seulement pendant trois siècles sur un bon millénaire) à comprendre. De surcroît, ce que nous avons sous les yeux, cette guerre impitoyable que la Russie livre à ce pays, c’est avec la technologie d’aujourd’hui le même conflit d’indépendance qu’il y a deux cents ans, celle que j’ai étudiée sous bien des angles à travers les figures lumineuses de San Martín et de Belgrano ! Or des figures lumineuses, ce n’est pas ce qui manque en Ukraine, dans le passé et dans le présent, que l’on observe la politique, la chanson, la musique classique, la littérature, le cinéma, enfin bref partout où les yeux peuvent se porter...

Clarin prend parti contre les fonctionnaires licenciés
tout en soulignant la énième démission au sein du gouvernement
dont la stabilité n'est pas la qualité première
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Depuis juillet 2008, j’ai déposé dans ces colonnes une épaisse documentation francophone sur l’Argentine et sa culture. Je vais continuer à nourrir ce blog mais la nourriture risque fort de se faire plus rare au long des quatre ans de ce mandat désastreux et affameur, même si quelques uns de mes amis, dont je sais qu’ils ont voté pour Mileí et que j’ai du mal à comprendre, m’expliquent que ce type représente un futur plein d’espoir pour leur pays. Ils en sont convaincus. Moi non.

"Clameurs et coercition autour des fonctionnaires
licenciés", dit le gros titre sans cacher la violence
des rixes. Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Le mandat de Mauricio Macri, pour lequel ils avaient aussi voté, s’est terminé en désastre social et en catastrophe économique pour tout le pays qui s’est effondré dans un nouvel endettement infernal et mes amis en étaient conscients et ils en avaient conçu une grande colère. Or ce mandat s’annonce pire encore. Avec des propos de haine décomplexée en plus. Au moins Macri, son sourire et son élégance vestimentaire ont-ils fait illusion pendant la première moitié de son mandat. Mileí a eu moins d'une semaine d’état de grâce ! Et encore, en calculant large.  Devant mes amis, je me sens un peu, mutatis mutandis, comme Iegor Gran devant ses connaissances russes qui ont accepté la propagande poutienne (1) et le mythe des ukro-nazis qui justifierait l’agression de ce pays voisin dont la Russie s’était engagée en 1994 à garantir l’intégrité des frontières !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :



(1) Qui plus est, on trouve dans la bouche de Poutine comme dans l’actuel discours gouvernemental argentin les mêmes obsessions contre le féminisme et les droits de l’homme, le même rejet viscéral et irrationnel de l’analyse critique des dictatures historiques et des sexualités atypiques et la même instrumentalisation de la religion, que ce soit avec le prétendu patriarche Kirill, la figure du pape François tordue pour la faire rentrer dans le fanatisme miléiste et la pseudo-culture loubavitch ultra-réactionnaire de ce dernier qui ne le retient en rien de violer le chabbat pour faire genre ! Or Mileí prétend se tenir aux côtés de l’Ukraine contre la Russie, comme il est aussi du côté de Trump, de Bolsonaro et d’Orban. Cherchez l’incohérence. Elle n’est que trop facile à trouver.

Voir l’essai de Iegor Gran, Z comme zombie, POL Éditeurs, Paris, 2022, repris en poche chez Babelio, Gallimard (février 2024).