vendredi 5 avril 2024

Mileí revendique le vieux fond raciste colonial [Actu]

"Avec le visage de Roca", dit le gros titre
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Mardi, 2 avril, Javier Mileí présidait sa première cérémonie d’hommage aux combattants des Malouines qui se tient tous les ans au jour anniversaire du début de la guerre en 1982. Il a profité de l’occasion pour exprimer son admiration sans borne pour « la baronne Margaret Thatcher » (sur l’ordre de qui un navire baptisé General Belgrano a été coulé, faisant près de 400 morts argentins, sans parler de l’amitié de la dame pour Pinochet !). Pire encore sans doute, loin d’être le « meilleur Premier ministre britannique de l’histoire », elle en a sans douté été le pire puisqu’à sa mort, trente ans après son dernier jour au pouvoir, les Britanniques ont été très nombreux à manifester contre elle, y compris le long du cortège funéraire, alors que ce grand nombre d’années, avec le changement de génération, fait d’ordinaire taire les contentieux, au moins pendant le deuil et rassemble les gens autour du catafalque.

Non content de son effet, Mileí a ajouté une provocation de plus à la déjà très longue liste de ses insolences : il a nommé comme l’un de ses modèles historiques le général Julio Argentino Roca, celui qui, à la fin du dix-neuvième siècle, a conduit une expédition militaire d’une cruauté sans nom et reconnue aujourd’hui comme de nature génocidaire (encore que la notion n’existait pas encore), la dite Campaña del Desierto, un nom de propagande pour désigner ce qui était en fait la conquête de la Patagonie, alors habitée par les peuples mapuches comme on peut le constater sur les cartes de l’Argentine à la même époque (où la région est nommée comme « République indienne »). Il n’y a pas beaucoup personnages plus honni à gauche et même au centre que Roca, cette espèce de Custer du sud (à qui l’on prête cette formule odieuse : « un bon Indien est un Indien mort ».)

"Une cause nationale qui divise les politiques",
dit La Prensa, dont la plupart des éditorialistes
tiennent des propos très proches de ceux du président
sur les mêmes sujets
La photo représente le monument aux soldats
morts aux Malouines, en contre-bas de la
Plaza San Martin à Buenos Aires
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Une fois la cérémonie achevée, il a persisté dans ses propos par un acte symbolique : il a de nouveau débaptisé une salle d’honneur de la Casa Rosada, le Salón de los Pueblos Originarios, qui portera désormais le nom de Héroes de las Malvínas, le tout en prétextant que les peuples préhispaniques n’avaient aucune civilisation digne de ce nom. Une compréhension du monde dont San Martín et Belgrano eux-mêmes s’étaient déjà défaits au début du 19e siècle ! (1)

Plus de vingt ans d’efforts existants (à défaut d’être couronnés d’un plein succès) pour intégrer dans la nation et dans l’histoire ces peuples victimes de la colonisation, des maladies apportées par les conquérants européens puis de leur répression politique et culturelle que notre siècle reconnaît enfin comme criminelle, réduits à néant, volontairement, sciemment, cyniquement, par ce personnage débordant de haine et qui a voué sa vie au culte de l’argent et du profit…

L'étreinte hypocrite du président et de la vice-(présidente
devant le monument aux soldats morts aux Malouines
Ils ne se supportent pas et ne peuvent pas le cacher.
"Milei appelle à une réconciliation avec les Forces Armées",
dit le gros titre d'un journal dont la rédaction a autrefois
collaboré de bon coeur avec la Junte militaire
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Une nouvelle fois, l’Argentine, qui montrait la voie à tout son continent en matière de droits de l’homme, livrée à une régression dont elle aura du mal à se remettre.

Même idée pour cette autre une :
"Lors de l'hommage pour la guerre des Malouines,
Milei a appelé à une réconciliation avec les Forces Armées"
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Mileí a aussi appelé à une réconciliation nationales avec les forces armées, en confondant volontairement les bourreaux dûment condamnés avec l’ensemble des militaires du pays, ce qui au bout de quarante ans de démocratie est une confusion que les Argentins ne font plus, et alors que sa vice-présidente, catholique traditionaliste et elle-même fille d’un militaire qui a trempé dans la dictature, veut voir tous les condamnés amnistiés.

La plaque de la salle d'honneur dans la Casa Rosada

© Denise Anne Clavilier
www.barrio-de-tango.blogspot.com


Pour aller plus loin :



(1) Mileí n’a aucune considération pour les deux Pères de la Patrie qui pourtant réunissent tout le monde en Argentine. Sans doute parce qu’ils font l’unanimité et qu’il déteste cela dans son pays.