Diego Fernández Lima (ci-dessus) est cet adolescent dont, il y a six mois, on a retrouvé les restes dans le jardin d’un particulier à Coghlan, un quartier excentré de Buenos Aires. Il avait disparu un après-midi de 1984 et l’analyse des restes humains et des quelques effets personnels trouvés à proximité a permis d’établir qu’il a été assassiné à l’arme blanche et que quelqu’un a, ensuite, tenté de démanteler le corps. Or lorsque, quelques jours plus tôt, des travaux avaient commencé dans ce jardin, le fils cinquantenaire de la propriétaire a eu un comportement hautement suspect puisqu’il s’est efforcé d’interdire aux ouvriers de s’approcher de cet endroit du terrain puis, une fois la découverte faite, il s’est empressé de fournir des explications toutes plus invraisemblables les unes que les autres. L’homicide étant prescrit, ce comportement bizarre lui a valu une inculpation pour entrave à la justice et envoi des enquêteurs sur de fausses pistes.
Lundi dernier, l’instruction de cette entrave s’est conclue par un non-lieu.
Toutefois le Parquet et la partie civile viennent de faire appel de cette décision car l’inculpé n’a jamais cessé de se comporter d’une manière fort peu accordée aux faits : il y a d’abord sa froideur surprenante devant la découverte macabre du 20 mai dernier, il y a ensuite ses pertes de mémoire qui semblent bien sélectives.
En effet, il dit n’avoir aucun souvenir de cette disparition d’un élève de son lycée technique alors que tous ses autres condisciples s’en souviennent fort bien (comme on peut l’imaginer, un tel événement marque les esprits) et que la presse s’en était alors mêlée. Cristián Graf, puisque c’est son nom, ne se souvient pas non plus de ses autres camarades de lycée. Il ne se souvient plus de ses hobbies d’adolescent (or, curieusement, il aurait partagé avec la victime une passion pour les motos). Il ne parvient pas plus à se souvenir du nom de son propre avocat. Enfin, devant la traumatisante découverte réalisée par un maçon à deux pas de la maison qu’il occupe toujours avec sa mère et dont elle reste la propriétaire comme à l’époque des faits, Graf n’a pris aucune initiative alors que, s’il n’avait été au courant de rien, on aurait pu s’attendre à ce qu’il coopère sans arrière-pensée avec la police, à ce qu’il soit au moins un peu éprouvé par cette découverte, voire qu’au bout de quelques jours, avec le battage médiatique qui s’était déclenché, il se porte partie civile contre cet inconnu qui avait enterré un corps chez lui ! Or il n’a rien fait de tout cela...
Il va sans dire que si le droit implique, incontestablement, que l’homicide est prescrit, la morale et l’empathie envers la famille du disparu ne trouvent pas leur compte à voir ainsi la justice laisser filer, sans autre forme de procès, une personne qui fait étalage d’autant de morgue, d’autant d’indifférence envers la victime et enfin d’une si apparente mauvaise volonté à participer à l’établissement des faits pour donner au moins une réponse partielle à une famille du quartier frappée par la plus horrible des nouvelles après quarante et un ans de vaines recherches. Le fait de s’abriter derrière la prescription ne paraît pas la meilleure stratégie de défense pour convaincre de son innocence.
Il semble que le droit pénal argentin ne prévoie pas le délit ou le crime de recel de cadavre qui, en France, serait sans doute un motif d’enquête judiciaire.
Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
aujourd’hui, sur l’appel
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Nación
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