dimanche 26 novembre 2017

La gâchette facile des forces de l'ordre : une fin d'année catastrophique en Argentine [Actu]

La photo de une est consacrée à la veille des familles des marins disparus
sur la plage de Mar del Plata, pas encore envahie par les estivants
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Au lendemain de la publication des conclusions de l'autopsie de Santiago Maldonado, dont la disparition a servi pendant cinq mois à accuser la gendarmerie de crime politique, et au moment où l'Argentine est sous le coup de la perte d'un sous-marin et de son équipage, les forces de l'ordre appartenant à la Préfecture Navale (compétente pour les côtes et les voies d'eau) n'ont rien trouvé de mieux que de tirer à balles réelles (avec du plomb) sur des militants de type zadiste, qui occupaient un terrain revendiqué par les Mapuches contre la multinationale d'origine italienne Benetton, qui y élève des moutons pour la laine de ses pulls depuis que l'Argentine lui a concédé un pan entier de son territoire en Patagonie.

Les coups de feu ont fait trois blessés, dont un est décédé peu de temps après son admission à l'hôpital de San Carlos de Bariloche (seconde agglomération de la province de Río Negro). Le militant qui a perdu la vie avait 27 ans. On dit qu'il était lui-même mapuche.

Página/12 titre "La chasse"
fidèle à son manque de nuance et à son style insultant de prime abord

Sur place, dans cette zone occupée illégalement par les militants, la situation est des plus confuses comme elle l'est sur les ZAD en France. Ces occupants altermondialistes, profondément anticapitalistes et pas toujours aussi non-violents qu'ils veulent bien le dire, se réclament du peuple mapuche. D'autres membres de ce peuple originel, qui vivent dans la région, ne les reconnaissent pas tous pour tels. Ils réclament des droits avec une phraséologie indigéniste que les autres ne pratiquent pas. Bref, c'est une vraie cacophonie. Cela n'autorise évidemment pas les forces de l'ordre à leur tirer dessus comme sur des sangliers.

La Nación titre sur une irrégularité administrative
repérée dans l'achat des batteries du ARA San Juan
La mort du jeune homme est rapportée en une
sous le titre du quotidien, en haut, à droite
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D'autant que la gâchette facile, el gatillo fácil, comme disent les Argentins, est une vraie plaie dans la police dans tout le pays. Contrairement à ce qu'il se passe presque partout dans l'Union Européenne, un agent de la force publique qui fait usage de son arme à feu, même en cas de légitime défense, se retrouve immédiatement devant un juge et il se passe souvent plusieurs jours, voire plusieurs semaines, avant que le non-lieu soit prononcé lorsque le cas de légitime défense était constitué (1). Les policiers argentins n'ont pas ce type de garde-fou très efficace alors qu'ils traînent derrière eux une forte tradition de violence depuis la Generación del 80 (gouvernement oligarchique et très corrompu entre 1880 et 1916) puis sous une palanquée de dictatures militaires putschistes qui se sont étalées de 1930 à 1983. Les policiers argentins défouraillent avec une facilité déconcertante (2).

C'est la une la plus discrète sur le sujet
Il est traité dans le petit rectangle tout en bas à droite
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Le décès de cet homme n'est donc pas le premier qui se produit dans une manifestation ouvriériste ou indigène. On aimerait fort que ce soit le dernier mais la ministère de la Sécurité ne semble pas vouloir encore tirer les enseignements des scandales qui viennent de se succéder. Il a plutôt l'air de tenir pour nuls et non avenus les cinq mois de tintamarre médiatico-politique qui s'est développé autour de Santiago Maldonado, sans désarmer un seul instant pendant cinq mois, dans et après la campagne électorale.

Pour en savoir plus :
lire l'article de Clarín sur la surprise manifestée par le gouvernement lorsqu'il a appris le tragique incident

Ajouts du 27 novembre 2017 :
la ministre de la Sécurité et le ministre de la Justice ont tenu une conférence de presse pour soutenir l'action de la Préfecture navale qui aurait eu affaire à un groupe armé et violent, qui ne respecte pas la loi (ce n'est pas impossible car les altermondialistes ne sont pas tous des anges, mais, pour Página/12, il s'agit là de propos discriminatoires, injurieux, racistes, qui prétendent criminaliser des personnes en situation de précarité sociale pour cette seule raison).
lire l'article de Página/12
lire l'article de La Prensa
lire l'article de Clarín
lire l'article de La Nación



(1) Certes, il n'en est pas encore toujours ainsi avec les violences physiques exercées contre des personnes en état d'arrestation, sans usage d'une arme à feu, et cela n'en finit pas de créer des polémiques.
(2) qui, heureusement, n'égale pas celle qui sévit aux Etats-Unis, dans l'impunité quasi-totale.