Une de Clarín d'hier Le repositionnement de la statue a droit à la photo centrale ! Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Il
y a cinq ans, à Buenos Aires, la statue de Christophe Colomb a été
retirée de la place du même nom, un jardin fermé collé à
l'arrière de la Casa Rosada. Cette statue était un cadeau de
l'Italie au pays où tant et tant d'Italiens avaient émigré depuis
1880 (et même avant). Avec son idéologie féministe et indigéniste
(1), la présidente Cristina Kirchner l'avait fait enlever pour lui
substituer une statue de Juana Azurduy, une héroïne de la guérilla
indépendantiste bolivienne au temps où les Provinces Unies du Sud
(future Argentine) conservaient l'espoir de garder le Haut-Pérou
(future Bolivie). La statue était extrêmement laide, elle
représentait Juana Azurduy sous des traits hommasses,en furie haineuse et hurlante, vêtue comme les va-nu-pieds que l'on a en tête lorsqu'on pense à
la Guerra Gaucha du nord-est argentin. La véritable Juana Azurduy
était issue de la meilleure société locale. C'était une
patricienne distinguée, lettrée, formée à l'espagnole, une grande
propriétaire qui s'est consacrée à la lutte politique et militaire
avec son mari puis seule, après la mort de celui-ci. Rien à voir
avec ce fantasme de femme "sauvage" et virilisée à outrance que
traduisait cette statue hideuse (2).
La
statue de Colomb avait été remisée, à l'abri de tous les regards,
au grand scandale de nombreux amoureux de l'histoire de Buenos Aires
et du patrimoine municipal.
La Nación, hier aussi, a choisi un autre moment et l'a mis en une Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Presque
aussitôt installé à la Casa Rosada, Mauricio Macri avait annoncé
son intention de faire retirer la statue de Juana Azurduy et de
transformer la Plaza Colón en héliport pour la Casa Rosada, sachant
que la piste d'atterrissage pour hélicoptères installée sur le toit
du palais présidentiel allait elle aussi disparaître pour faire
place à un jardin suspendu dans le cadre d'un programme écologique
qui n'a pas donné grand-chose jusqu'à présent. Et la statue a été
enlevée assez rapidement, pour disparaître elle aussi totalement à
la vue du public tandis qu'on préparait le retour de Christophe
Colomb sur une langue de terre qui s'avance dans l'eau devant le petit aéroport intérieur
installé sur les bords du Río de la Plata, Aeropaque Jorge
Newberry, dont s'envolent les avions des lignes intérieures et les
vols vers les pays limitrophes.
C'est
ainsi qu'au début de la semaine, on a réinstallé le découvreur
italien de l'Amérique sur un nouveau piédestal, plus classique que
l'original qui imitait un certain baroque italien.
La statue dans son cadre original, derrière la Casa Rosada qu'on voit au fond, en contre-jour |
Une
installation qui a rencontré un grand succès de curiosité parmi
les portègnes et que les quotidiens Clarín et La Nación ont
rapporté dans leurs colonnes.
Pour
aller plus loin :
lire
l'article de Clarín.
(1)
Sa sincérité sur ce point est souvent mise en doute par l'analyse
de son action politique effective à la tête de l'Etat. En fait,
elle a surtout soutenu, et avec beaucoup d'argent public, des groupes
politiques qui lui étaient favorables et dont l'identité
précolombienne revendiquée est parfois contestée aujourd'hui, pour
de bonnes ou de mauvaises raisons d'ailleurs. Historiquement, l'appui
aux cultures précolombiennes est un grand classique du courant
fédéraliste de la guerre civile qui a suivi l'indépendance.
Pendant tout le XIXe siècle, ce point a été l'une des
différences inconciliables avec les unitaires, qui voulaient une
Argentine délibérément européenne. Dans un gouvernement qui se
réclame du péronisme, c'est donc un must qui peut aussi être un
masque. En revanche, son féminisme volontariste ne laisse pas la
moindre place au doute.
(2)
Le choix de l'œuvre m'avait toujours laissée perplexe car Cristina
Kirchner soigne beaucoup son apparence féminine et son modèle
immédiat, Eva Perón, la soignait tout autant. Dès lors, pourquoi
dénier sa féminité à cette héroïne fédérale de
l'Indépendance ?