samedi 14 juillet 2018

La justice condamne Télam à réintégrer les licenciés [Actu]

Nous sommes Télam, disent les grévistes, devant l'un des deux bâtiments de l'agence
Photo Minuto Uno

La justice du travail a tranché : le juge a jugé que l'agence de presse nationale Télam aurait dû présenter au ministère du Travail une procédure préventive de crise, qui comprend une conciliation obligatoire avec les représentants des salariés, avant de licencier 357 personnes, soit près de la moitié de son effectif. En effet, ce genre de restructuration massive est régi par une loi qui protège un peu (très peu, en comparaison avec le droit français) les salariés face à leur patron. En l'occurrence, les entreprises qui emploient de 400 à 1000 personnes, privées ou publiques, doivent soumettre au ministère leurs difficultés sociales, qu'elles soient d'origine économique ou technologiques, dès lors qu'il est prévu de se séparer de 10% ou plus de l'effectif salarié. Le ministère a alors l'obligation d'organiser et de modérer la conciliation entre l'entreprise et les représentants du personnel, ce qui s'est passé en début d'année avec Carrefour, qui réduit la voilure en Argentine comme ailleurs dans le monde.

L'arrêt du juge ne concerne nommément que les cinq salariés qui ont porté plainte contre Télam pour licenciement abusif et qui sont immédiatement réintégrés mais il peut s'appliquer à tous, du moment que les autres s'appuieront sur cette décision pour demander leur propre réintégration. Cette mesure est prise à titre conservatoire. Télam devrait donc suivre la procédure avant de relancer la restructuration, ce qui permettra aux syndicats de s'organiser et d'empêcher peut-être l'arbitraire qui a présidé au choix des licenciés, qui semblent avoir tous été des kirchneristes ou des sympathisants de l'opposition.

Depuis le 22 juin, date de l'annonce de cette opération de « dégraissage » à effet immédiat, Télam est en grève et les locaux sont occupés par le personnel.

Les syndicats estiment que les licenciements sont illégaux parce que l'entreprise n'a pas respecté les formes prévues par la loi (ce qui semble un fait reconnu par le juge en première instance) et parce qu'il s'agit de mesures discriminatoires, étant donné que les victimes du licenciement ont été choisies pour des raisons personnelles (le 22 juin, les autorités disaient que les personnes remerciées n'avaient pas le bon profil). On aurait donc mélangé des licenciements pour cause économique (rétablir la bonne taille de l'entreprise après une prétendue exagération du gouvernement précédent qui aurait trop fait grossir les services publics pour se gagner des voix électorales) et des licenciements pour insuffisance professionnelle (et ça fait vraiment beaucoup d'incapables sur 878 personnes).

Pour en savoir plus :
lire l'article de La Nación

Ajout du 15 juillet 2018 :
lire cet article de Página/12 sur les suites qu'un député de l'opposition entend donner à l'affaire devant l'ONU. L'élu considère en effet que le ministre Hernán Lombardi (qui a enfin daigné répondre à la convocation des parlementaires) et le PDG de Télam (dont il s'était fait accompagner) ont reconnu, mercredi, devant la commission de la Chambre basse, qu'ils avaient procédé à des licenciements politiques, qu'ils avaient viré des gens qu'ils jugeaient appartenir à l'opposition et suivre les mots d'ordre de deux syndicats, la GCT (traditionnellement péroniste depuis les années 40) et la CTA (sorte de SUD argentin)

Ajout du 17 juillet 2018 :
lire cet article de Página/12 sur le soutien apporté aux salariés licenciés de Télam par la très macriste et ultra-réactionnaire diva du petit écran, Mirtha Legrand, 90 printemps, 70 ans de carrière et des fourreaux à lamé à faire pâlir nos jeunes top-models photoshopés à mort !

Ajout du 27 juillet 2018 :
en appel, la réincorporation, prononcée à titre conservatoire en référé, a été refusée. Lire à ce sujet cet article de La Prensa.

Ajout du 8 août 2018 :
la justice a condamné la direction de Télam a une forte amende pour ne pas avoir obtempéré à l'injonction judiciaire de réintégration des salariés licenciés. C'est souvent le cas en Argentine : l'Etat se juge au-dessus des lois et il ne se plie pas aux décisions de justice, notamment à droite. Lire à ce propos cet article de Página/12.

Ajout du 23 août 2018 :
la cour d'appel de la chambre sociale vient de confirmer la réintégration des salariés plaignants. Il y a fort à parier que cet arrêt ne sera pas plus respecté que les autres par l'exécutif argentin. Lire cet article de Pagina/12