Comme
on pouvait le penser, la manifestation patriotique contre le recours
au financement par le FMI, c'est-à-dire contre un nouvel engagement
dans le surendettement du pays, qui l'a, la dernière fois, conduit à
la catastrophe pour tout le monde et surtout les plus modestes, a
rencontré un franc succès. La Avenida del 9 de Julio était noire
de monde.
A
l'autre bout du pays, le président Mauricio Macri, qui n'a pas
montré le bout de son nez au Te Deum, a adressé à la nation,
depuis la maison historique où fut signée la déclaration
d'indépendance, un discours où il a reconnu à demi-mots qu'une
partie de la situation économique terrible qui affecte l'Argentine
est due à des erreurs dans sa politique. C'est assez exceptionnel
pour être salué. Mais il semblerait bien que cela ne changera en
rien la dite politique. Et c'est assez drôle aussi parce qu'au même
moment ou à peu près, son clone français, Emmanuel Macron, faisait
semblant lui aussi de battre sa coulpe dans un haut-lieu historique,
le château de Versailles. Ces deux-là se ressemblent de plus en
plus alors qu'ils sont produits par des histoires et des traditions
politiques très différentes les unes des autres...
Et
Mauricio Macri a bien fait, si j'ose dire car cela manque
manifestement de courage une nouvelle fois (1), de ne pas se montrer
à la cathédrale de Tucumán car l'archevêque Mgr Carlos Sánchez lui a
sonné les cloches, et en carillonnant, au sujet de la loi qui va
dépénaliser l'avortement, ce à quoi l'Eglise s'oppose, au nom de
la foi et du concept anthropologique qui est lié au credo
catholique. Mais c'était la vice-présidente qui était là et elle
ne l'a pas pris pour elle car elle s'est publiquement déjà
prononcée contre la loi, contre laquelle elle votera le 8 août
prochain au Sénat, qu'elle préside. Plusieurs autres personnalités
de la majorité ont profité des Te Deum dans leur ville ou leur
province pour afficher des options anti-avortement ou pro-gestation
inconditionnelle, à tel point que le gouvernement a dû se fendre
d'un communiqué pour affirmer que le président n'entend pas
appliquer son veto à cette loi une fois qu'elle sera définitivement
approuvée par la Chambre haute.
Dans
la presse du jour, seul Página/12 montre la foule (impressionnante) des manifestants.
Dans les autres journaux nationaux, c'est à peine si l'on évoque
l'événement.
Pour
aller plus loin :
lire
l'article de Página/12 sur la manifestation
lire
l'article de Página/12 sur le discours du président
lire
l'entrefilet de Página/12 sur la présence dans la manifestation de
représentants des familles du sous-marin ARA San Juan avec qui des
gens sont allés partager un chocolat chaud (on est en plein hiver en
Argentine et à Buenos Aires, on a plutôt froid)
lire
l'article de La Prensa sur la manifestation
lire
l'article de La Prensa sur le discours présidentiel
lire
l'article de La Nación sur le discours présidentiel
lire
l'article de Clarín sur le même sujet
(1)
Cela fait trois fois cette année qu'il se défile ainsi : la
première le 20 juin, lorsqu'il a annulé au dernier moment sa venue
à Rosario pour la cérémonie officielle en l'honneur du drapeau et
de son créateur, Manuel Belgrano, et la deuxième, la semaine dernière, lorsqu'il a annulé, là encore à la dernière minute, le
défilé militaire qui devait avoir lieu hier, de peur d'être
confronté au mécontentement des forces armées devant la politique
salariale pingre qu'il leur applique, en cette année où la Marine a
perdu un de ses bâtiments dans des conditions indignes d'une
démocratie, avec 44 membres d'équipage à bord, qui n'ont toujours
pas reçu l'hommage de la nation, huit mois après leur disparition.