lundi 9 juillet 2018

Un 9 Juillet en pleine tempête [Actu]

La Casa Histórica de Tucumán et la cinta nacional

Ce lundi est un jour férié en Argentine.
C'est la fête de l'indépendance, votée par le Congrès de Tucumán, le 9 juillet 1816, quand il a déclaré que les Provinces Unies du Sud seraient désormais indépendantes non seulement de l'Espagne, de son roi et de ses descendants mais aussi de toutes les puissances étrangères. Inutile de vous dire que l'opposition en profite pour dénoncer la subordination du pays au FMI à la suite du récent accord de prêt, qui conditionne la vie nationale pour au moins les trois années qui viennent.

La Patrie ne se rend pas - Apporte ton drapeau
affiche de la manifestation d'opposition de ce jour, 13h (heure du déjeuner)

D'autant que le gouvernement a annoncé une série de mesures pour le moins malheureuses dans ce contexte ces derniers jours tout en reprenant le discours triomphaliste qu'un ministre nouvellement nommé avait semblé vouloir abandonner au profit de propos plus proches de la vérité objective. Parmi ces mesures qui déclenchent la colère, celle, jeudi dernier, de n'augmenter les soldes des militaires que de 8%, alors qu'on prévoit un taux d'inflation d'au moins 30% sur l'année (et encore, on est dans le bas de la fourchette). Devant la levée de bouclier au sein de l'état-major, le gouvernement s'est ravisé et a annoncé une augmentation de 15% (c'est un peu mieux que si c'était pire) et, dans la foulée, de l'annulation du défilé militaire prévu aujourd'hui, sous prétexte de réduire les dépenses publiques. Du jeudi pour le lundi suivant. Improvisation argentine, une fois encore, mais bien au-delà, c'est aussi un aveu d'échec car ce président avait mis un point d'honneur à réhabiliter le rôle des forces armées au sein de la vie nationale, après la mise au ban qui avait suivi la fin de la dictature putschiste de 1976-1983. Les observateurs ne se sont pas laissé tromper. Même La Prensa, très à droite, a expliqué que l'annulation du défilé était due au mécontentement des militaires. Comme l'a affiche La Nación vendredi, le gouvernement a réussi à s'aliéner les syndicats (y compris ceux qui avaient pactisé avec l'actuelle majorité, il y a deux ans et demi), l'église, qui critique l'absence de politique sociale et le projet de loi sur l'avortement, l'armée et enfin le péronisme, une obédience politique qui déborde largement les limites de tel ou tel parti et dont tel ou tel tenant avait rejoint la ligne majoritaire.

A tel point qu'aujourd'hui, Mauricio Macri se rend bien à Tucumán, pour une petite cérémonie à l'intérieur du musée de la Casa Histórica (lieu de la proclamation de l'indépendance), au cours de laquelle il prononcera un discours que la télévision retransmettra pour toute la nation (mais sans public) puis il rentrera à Buenos Aires, sans même assister au Te Deum, ce qui est un peu fort de café !
Pendant ce temps-là, une coordination liant les organisations militantes des droits de l'homme, divers syndicats, des organismes professionnels d'artistes et d'intellectuels, appelle à une marche souverainiste (contre le recours au FMI), à Buenos Aires, sous le mot d'ordre "La Patrie ne se rend pas".

Affiche d'une section de la CGT

Les sondages confirment la chute de popularité du gouvernement et singulièrement du président, qui rassemble maintenant plus de 59% de mécontents contre lui. La chute est brutale, elle s'est produite dans le mois de juin, autour de cet accord avec le FMI, de l'adoption de quelques mesures qui avaient déjà été mises en œuvre [et vertement critiquées par les néolibéraux aujourd'hui au pouvoir] par le gouvernement précédent ainsi que de toutes les déclarations scandaleuses, cyniques ou incohérentes de membres de la majorité, entre autres celles de la très brillante gouverneure de la Province de Buenos Aires (1) qui dénonçait le trop grand nombre d'universités sur son territoire puisque « quand on naît dans la pauvreté, on ne va jamais à l'université », jusqu'à l'imbécile invitation de la députée de la majorité, Elisa Carrió, à donner plus de pourboires, alors qu'il est avéré qu'elle-même fait preuve sur ce plan d'une pingrerie fort peu glorieuse.

Pour aller plus loin :
sur le mécontentement des forces armées :
lire l'article de La Prensa sur la maigre augmentation de la solde
lire l'article de La Prensa sur l'annulation du défilé
lire l'article de La Nación sur le niveau de la solde et le défilé
voir l'article vidéo de La Nación sur le rassemblement des mécontentements (syndicats, église, armée et péronisme)
lire l'article de Clarín sur le défilé militaire
sur la nouvelle politique gouvernementale
lire l'éditorial de dimanche dans La Prensa sur la nouvelle politique du gouvernement ("Le gouvernement a un plan B mais pas le discours pour l'expliquer")
lire l'article de La Nación sur les mesures sociales que le gouvernement envisage
sur les enquêtes de popularité
lire l'article de Página/12 qui voit la chute de l'image du gouvernement s'aggraver
lire l'article de La Nación qui voit l'image du gouvernement se stabiliser



(1) Depuis peu, elle est engluée dans un scandale de financement illégal, à base de faux donneurs particuliers, de campagne électorale pour la campagne de Cambiemos l'année dernière, à l'occasion des élections législatives de mi-mandat.