mardi 29 juillet 2008

Néstor Tomassini et Hernán Reinaudo au CCC [à l’affiche]

Avec l'aimable autorisation du Maestro Néstor Tomassini

Dans le cadre des Mercredis de la Ciudad del Tango, un des départements du Centro Cultural de la Cooperación Floreal Gorini, le compositeur clarinettiste et saxophoniste Néstor Tomassini et son compère, le guitariste Hernán Reinaudo, se produiront le 30 juillet à 21h30, au CCC Floreal Gorini, pour présenter leur nouveau disque, Tuñón, enregistré au Bar Tuñón comme une partie du DVD du même nom.

Néstor Tomassini est un musicien connu et reconnu dans la profession tant sur le continent américain qu’en Europe puisque sa carrière d’instrumentiste, de compositeur et d’enseignant, vécue majoritairement en Argentine, lui a faire escale en Californie, en France (Paris) et en Suisse (Genève) et l’a conduit en tournée au Chili, en Italie, en Espagne.... Né à Bahia Blanca, la grande cité balnéaire du sud de la Province de Buenos Aires, comme Carlos Di Sarli (1903-1960), c’est un musicien qui mêle les influences du jazz, de la musique classique et du tango et qui a su développer, quasi-simultanément, ces trois dimensions à travers sa participation à des orchestres symphoniques à Bahia Blanca, à Genève et à Buenos Aires, des jazz bands, Groovie Jazz Five et Mandragore avec laquelle il s’est produit au Festival de Jazz de Montreux en 1978, et aujourd’hui un groupe surtout consacré au tango, à la milonga et au candombe, Siglotreinta (le 30ème siècle). Les trois genres ont d’ailleurs bien des points en commun puisqu’en jazz comme en tango, le piano et la contrebasse jouent exactement le même rôle et que la gestuelle même des instrumentistes est étonnamment apparentée...


Un parcours atypique, enrichi par un travail approfondi de formateur dans l’école d’instruments à vent qu’il a fondée, qu’il anime et dirige, installée dans un ancien conventillo d’un des coins les plus caractéristiques du vieux quartier de San Telmo et son travail de compositeur qui interroge sans fin les origines métissées, européennes et afro-rioplatense, de la culture populaire de cette région du monde à l’histoire si originale.


Et c’est bien en homme du 21e siècle, sans nostalgie ni illusion passéiste, qu’il cherche ce qu'a pu être le tango originel, le tango dont on a que peu de trace sonore, le tango d’avant le bandonéon, qui a déboulé et s’est imposé dans l’histoire quand Eduardo Arolas (1892-1924) a commencé à se faire connaître chez Hansen puis au restaurant Armenonville, à Palermo. Ce titi de Barracas, avec pantalon à carreaux, bottes militaires et chapeau de paille sur l’oeil, semblait si bien dominer son instrument, un instrument difficile, dont personne n’arrivait à sortir grand-chose de présentable, qu’on le surnomma très vite El Tigre del Bandoneón (la Bête du Bandonéon). Avant Arolas et ses successeurs, Pedro Maffia et Pedro Laurenz, le tango, c’était, au petit bonheur la chance, un mélange variable et sauvage de flûte, apportée par les Jésuites au 18e siècle ou autochtone parmi les peuplades indiennes alors presque complètement disparues, de guitare, instrument de l’immigrant espagnol, de tambour, celui du negro liberto, du descendant d’esclave à Buenos Aires ou à Montevideo (de l’autre côté du Río), de violon, celui du réfugié ashkénaze, ou d’orgue de Barbarie, importé de Paris ou d’Amsterdam. Rappelons que le père d’Osvaldo Pugliese, Don Adolfo Pugliese, né vers 1880 à Montevideo, fils d’immigrants italiens, était flûtiste et qu’il fit de ses fils des violonistes (pour les deux aînés) et un pianiste (pour le benjamin) car alors la Orquesta Típica (piano, violon, bando et contrebasse) était en train de se former et envahissait peu à peu tout l’espace instrumental du tango.


Dans la discographie de Néstor Tomassini, dont quelques maquettes sont illustrées par le grand peintre et caricaturiste Hermenegildo Sábat, on retrouve beaucoup de morceaux de la Guardia Vieja (Aieta, Villoldo, Saborido, Canaro...) dans des versions qui nous paraissent très orthodoxes malgré le peu d’habitude de tels timbres qu’ont nos oreilles modernes dans ce répertoire. Néstor Tomassini a aussi publié chez Ricordi un livre de partitions avec les arrangements qu’il a réalisé de quelques uns de ces classiques pour clarinette (la plupart des partitions de tango en vente à Buenos Aires sont des arrangements pour piano seul ou pour piano et violon).


A visiter : son site, http://www.nestortomassini.com.ar/index.php, avec sa discographie complète, son sourire jovial et blagueur à la Piazzolla qu’on retrouve un peu partout au fil des pages (et aussi en illustration de cet article, avec cette photo tirée du site) et avec des morceaux intégraux, audio et vidéo, qui nous consoleront de ne pas pouvoir assister à son show, mercredi, attablés devant una copa de vino tinto ou una gazeosa cualquiera dans la Sala Osvaldo Pugliese (Corrientes, 1543, rez-de-chaussée, tout au fond, près de l’espace-librairie).