mercredi 23 juillet 2008

Restauration du monument à Osvaldo Pugliese [Troesma]


Pour les cent ans de la naissance d’Osvaldo Pugliese, pianiste, compositeur et chef d’orchestre de légende (1905-1995), la Ville de Buenos Aires avait inauguré, à quelques pas du lieu où il était né, un ensemble sculptural commandé à Paula Franzi, une oeuvre plutôt originale où, au-dessus d’un buste entouré de quatre plaques lui rendant hommage, un orchestre miniature rappelle la mythique Gran Orquesta Típica Osvaldo Pugliese qui créa, entre autres chefs d’oeuvre du Maestro, La Yumba, dont la partition est affichée sur un grand panneau qui complète l’ensemble.

Ce monument se trouve au croisement (esquina) des avenues Corrientes et Scalabrini Ortiz avec la rue Luis María Drago, dans le quartier de Villa Crespo (dans le centre-ouest de la ville).

Au début 2007, un (ou plusieurs vandales) a (ont) volé la figurine représentant le pianiste de l’orchestre... A ce jour, il ou ils n’ont toujours pas été identifiés par la Police. L’acte était, semble-t-il, purement crapuleux, puisqu’il ne s’agissait même pas de suggérer ce qui est devenu un symbole de résistance pour les droits de l’homme. En Argentine, il est de notorité publique que, sous plusieurs régimes anti-constitutionnels et/ou autoritaro-policiers, comme le 20e siècle argentin en a connu beaucoup, Pugliese a subi de nombreuses arrestations arbitraires et connu plusieurs fois, sans procès, l’hospitalité carcérale de divers établissements spécialisés de la Capitale (sans parler des interdictions d’antenne et de scène qui lui furent imposées à de nombreuses reprises)... Son seul crime : avoir pris sa carte du Parti Communiste en 1936 et l’avoir soigneusement conservée par-devers lui, à jour de cotisation jusqu’à sa mort... Or, quand le Troesma, Don Osvaldo, Osvaldito était en prison, la Gran Orquesta Típica jouait tout de même. Sans pianiste. Et, afin que nul n’ait de doute sur le pourquoi du comment d’une absence aussi remarquable, on déposait devant le piano, bien en évidence sur le tabouret, un oeillet rouge. Oeillet rouge qui est devenu un emblème et de Pugliese et de son orchestre (aujourd’hui dissout et dont les musiciens sont partis dans des directions diverses et variées).

Ainsi donc, à Villa Crespo, esquina Corrientes y Scalabrini Ortiz, pendant plus d’un an, il n’y a plus eu de pianiste sur la plateforme de l’orchestre... et pas d’oeillet rouge non plus sur le tabouret, barboté (1) avec celui qui était assis dessus.
En décembre dernier, la Maestra Beba Pugliese, avec ses musiciens, a fait un concert de desagravio (2) à la mémoire de son père sur cette même placette.
Entretemps, Paula Franzi a reçu du Ministère de la Culture de Buenos Aires commande de réaliser une autre figurine du Maestro. Et cette fois-ci, au lieu de résine de polyester comme il y a 3 ans, elle a employé du ciment (à bon entendeur, salut !).

A 17h30 donc peu avant la tombée de la nuit, ce vendredi 25 juillet, jour anniversaire de la mort d’Osvaldo Pugliese il y a 13 ans, le Ministre de la Culture du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires, Hernán Lombardi (à ne pas confondre avec un ministre fédéral) présidera une nouvelle cérémonie d’inauguration du monument désormais restauré, en présence de Doña Lydia Elman de Pugliese (3), la veuve du musicien, qui gère aujourd’hui l’abondant patrimoine musical laissé par son mari, en particulier une belle quantité de partitions inédites et jamais jouées, encore moins enregistrées, parce que, dans le répertoire de son orchestre comme dans les sessions d’enregistrement, il laissa toujours plus de place à ses camarades compositeurs qu’à ses propres morceaux.

Sur une scène de 14 m. sur 10 installée rue Luis María Drago (la plus étroite des trois, dont elle coupera la circulation), la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires interprétera sous la direction du Maestro Raúl Garello, son directeur et fondateur, plusieurs tangos de la main de Pugliese.
Le Centro Cultural Osvaldo Pugliese enverra aussi des danseurs qui se produiront sur scène et inviteront le public à les rejoindre pour danser...

Une forme d’hommage qui ressemblera au grand compositeur, au grand bonhomme que fut Chicharrita, comme d’aucuns l’avait surnommé...

"En su adolescencia de Villa Crespo, a Osvaldo le decían Chichara;
de grande, se consideraba Chicharrita".

Pendant son adolescence à Villa Crespo, Osvaldo, on l'appelait La Cigale.
Devenu grand, il se considérait comme Petite Cigale.
(traduction Denise Anne Clavilier)


Horacio Ferrer, El humilde patriarca, introduction à Osvaldo Pugliese, ouvrage collectif dirigé par Julio Keselman, Centro Cultural Osvaldo Pugliese, 2005 (le livre le plus complet à cette heure sur le pianiste-compositeur).



(1) barboter (verbo), argot parisino. Significa robar, afanar en lunfardo...
(2) desagravio : réparation d’une offense
(3) en espagnol, le y n’est pas commun dans les prénoms. Je reprends ici l’orthographe utilisée par Doña Lydia elle-même. Souvent, vous trouverez son prénom orthographié avec un i.