mardi 29 juillet 2008

La Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires au teatro Alvear [à l’affiche]

Comme l’année passée, la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires se produit tous les jeudis d’hiver à l’heure du déjeuner (13h), au Teatro Presidente Alvear. L’entrée est gratuite.
Deux chefs se partagent chaque concert d’environ une heure. Cette semaine : Raúl Garello et Juan Carlos Cuacci.

Au grand complet, ce qui n’est pas toujours le cas, la formation compte 34 instrumentistes titulaires, hors chefs et chanteurs. Plusieurs de ces interprètes appartiennent à d’autres formations, comme les deux vieux de la vieille que sont Aníbal Arias (guitare) et Osvaldo Montes (bandonéon) qui se produisent ensemble en un duo fameux (ils étaient à Paris au début juin, dans le cadre du festival Buenos Aires Tango 4 au Théâtre National de Chaillot puis salle Pleyel pour une soirée Café de los Maestros), Julio Pane, bandonéoniste et compositeur, qui a sa propre formation et est aussi le premier bandonéon de l’Orquesta Escuela de Tango Emilio Balcarce, ou Cristián Zarate, un pianiste qui se produit avec son propre sextuor.

Ces concerts gratuits du midi ont lieu dans un théâtre municipal de Buenos Aires idéalement situé dans la partie la plus dynamique de l'avenida Corrientes, le Teatro Alvear : le Complexe culturel San Martin est presque en face, le CCC Floreal Gorini juste à côté, le disquaire Zivals est au coin de la rue face à l'une des plus prestigieuses librairies, Gandhi Galerna, j'en passe et des meilleurs. Ce théâtre a reçu le nom d'un président de la République des années 20 qui avait été auparavant l’Ambassadeur d’Argentine en France et y avait soutenu la diffusion du tango (Marcelo Torcuato de Alvear).

Ces concerts en matinée sont des événements bien porteños, imperdibles comme on dit là-bas (à ne pas manquer) si vous êtes à Buenos Aires en cette saison. Un public de connaisseurs gourmands et de passionnés avertis, qui arrive à la bonne franquette, pas toujours à l’heure (la faute au bureau, aux embouteillages ou au retard du colectivo, le sacro-saint bus de cette ville immense), les retardataires s’assoient discrètement -et sans rouspéter !- sur les marches, si l’obscurité ne leur permet pas de repérer une place assise disponible à portée de jambes. Les applaudissements sont généreux et bruyants. Comme le veut la coutume locale, ils commencent sur les deux ou trois dernières mesures, assez fort pour couvrir une bonne partie de la musique mais encore assez retenus pour qu’on puisse entendre le "chan chan" (les deux accords finaux du morceau) après quoi, c’est un déchaînement d’enthousiasme manuel et vocal des plus contagieux. Pas un touriste en vue (ce n'est pas leur heure). Les chefs, les musiciens, les chanteurs peuvent s'amuser avec le public qui comprend tout au quart de mot. Pas toujours facile de capter toutes les allusions qui passent à travers les paroles de présentation, la chaleur des applaudissements qui saluent une arrivée sur scène ou éclatent sur les deux premières notes d’un morceau et la façon dont y répondent orchestre et chanteur (de face) ou chef (de dos)...

Cet ensemble énorme, comme on n’en fait plus mais comme il y en a eu beaucoup dans les années 30 et 40, a été fondé en 1980 par Raúl Garello, avec alors comme co-Directeur Carlos García, sous l’égide de la Direction de la Musique de la Ville de Buenos Aires. Il est donc placé sous l’autorité du Ministère de la Culture du Gouvernement portègne. Lequel, ayant changé de couleur politique en décembre dernier et appartenant à l’opposition au niveau national, intervient dans tous les domaines pour affirmer son autorité. La Direction de la Musique vient donc de se manifester en annonçant une fausse nouvelle feuille de route (en fait, grosso modo, ce que l’orchestre fait déjà depuis 28 ans mais présenté comme une nouveauté). La Direction maintient à la tête de l’orchestre le Maestro Raúl Garello (encore heureux !) et a nommé en juin à ses côtés les Maestros Néstor Marconi (qui assure depuis le début de l’année 2008 la direction de la Orquesta-Escuela de Tango Emilio Balcarce) et Juan Carlos Cuacci (qui est pianiste, les deux autres étant bandonéonistes). L’orchestre de la ville va développer ses liens avec la OET Emilio Balcarce, en prenant notamment des élèves en stage dans ses pupitres et en envoyant certains de ses musiciens titulaires animer des ateliers auprès des jeunes. La seule vraie nouveauté de cette feuille de route relève en fait de la compétence du trio de chefs (la politique programmatique et culturelle de l'orchestre), c'est l’invention d’un concept bizarroïde, celui du concert thématique mensuel (sic) qui aurait pour but et pour effet d’enrichir le répertoire de la Orquesta de Tango de BsAs et de sauvegarder certaines oeuvres et grands compositeurs du passé en les organisant sous une forme thématique, ce qui est la fonction d’un musée (il existe déjà un musée du tango à Buenos Aires) plus que celle d’un orchestre de 34 musiciens contemporains...

Quelques disques (disponibles) de l'un ou l'autre des musiciens de l’orchestre :

Cristian Zarate, Evolución tango, ed. Unión de artistas independientes, 2005
Guillermo Fernández, Conexión Piazzolla-Ferrer, chez Epsa, 2003 (direction et arrangements de Cristian Zarate, co-producteur du disque avec G. Fernández)
Aníbal Arias y Osvaldo Montes, Bien tanguero, chez Epsa
Julio Pane Trio, A las orquestas, chez Epsa
Raúl Garello y Horacio Ferrer, Homenaje a Woody Allen, chez Melopea, 1992
Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires, En vivo en el Colón (en public au théâtre Colón), chez Epsa.
(Une autre version existe pour le marché européen sous le titre Libertango, ed. Milan Music à Paris, sous le nom commercial La Casa del Tango - le contenu est légèrement différent mais la qualité est au rendez-vous).
Pour les oreilles : Margarita de Agosto, de et par Raúl Garello : http://www.todotango.com/spanish/download/player.asp?id=1751

A écouter sur le site Tango City Tour (voir à droite lien écouter), une interview de Raúl Garello l'année dernière (podcast n° 71, téléchargeable).