lundi 18 novembre 2024

Macron à Buenos Aires : droits de l’homme, économie, écologie- accords et désaccords [Actu]

"Le signe de la sainte croix", dit le gros titre
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A Buenos Aires, ce week-end, Macron a fait de la diplomatie. Il a manifesté sa bonne entente avec Mileí sur le plan économique et il a relevé des différences politiques significatives sur les droits de l’homme, l’écologie et la coopération internationale, trois domaines que Mileí méprise ouvertement.

"Une relation plus forte avec la France", dit le gros titre
sur cette photo des deux présidents sur le balcon
de la Casa Rosada, une coutume inventée par Mileí,
pour à peu près n'importe qui !
Ce n'est donc pas un honneur particulier fait
à la France ou à son président
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Il est intéressant de regarder les Unes des journaux argentins de ce matin : elles révèlent clairement les différences idéologiques entre les différents titres.

Macron et Mileí montent l'escalier d'honneur de la Casa Rosada
En arrière-plan, la tapisserie des Gobelins offerte par la France
à l'occasion du Centenaire de l'Argentine.
Elle représente le général José de San Martín.
Photo : compte X du président de la République

Hommage de Macron aux victimes françaises de la dictature de 1976 à l’église de la Santa Cruz, où reposent, entre autres, les deux religieuses livrées aux bourreaux par l’infiltré Alfredo Astiz (aujourd’hui en prison) à la une de Página/12 tandis que les autres journaux, qui représentent toutes les nuances du spectre des droites, mettent plutôt en avant les désaccords politiques, quand ils ne font pas mine de voir dans cette visite de travail du président français un renforcement des liens entre les deux pays (il n’y a pas plus de renforcement des liens aujourd’hui qu’il n’y en avait sous Mauricio Macri ou sous Alberto Fernández, il y en aurait même plutôt moins, ne serait-ce que pour les questions relatives à la lutte contre le réchauffement climatique dont Mileí dit qu’il s’agit d’une billevesée communiste).

"Macron et Mileí : appui dans l'économie
et réserves sur la politique", dit le gros titre
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A noter que, parmi les militants des droits de l’homme qui lui ont demandé de rappeler à Mileí les engagements internationaux de l’Argentine en faveur de l’État de droit et de la défense des femmes, des enfants et des minorités, le couple présidentiel français a rencontré le prix Nobel de la Paix Adolfo Pérez Esquivel, qui a tenu à poser debout à ses côtés malgré son grand âge.

Les deux hommes saluant la foule sur le balcon
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© Denise Anne Clavilier


Photo de groupe à l'église
Adolfo Pérez Esquivel se tient à la gauche de Macron
Photo : compte X de Romain Nadal, ambassadeur de France en Argentine

Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 sur la visite présidentielle à l’église de la Santa Cruz, en compagnie du curé de la paroisse et de plusieurs militants des associations de victimes du terrorisme d’État
lire l’article de Página/12 sur l’interview d’une des militantes sur les ondes de La 750 (la radio généraliste du groupe Octubre, propriétaire aussi de Página/12)
lire l’article de La Prensa. Rédigé à l’avance et non révisé avant publication, l’article ne tient pas compte de l’annulation de l’hommage à San Martín sur la place du même nom (peut-être parce que la visite à l’église a pris trop de temps ou plus probablement parce qu’il y a eu un désaccord important entre la France et le tout nouveau et très inexpérimenté ministre des Affaires étrangères argentin : les deux hommes auraient dû se rencontrer à cette occasion, sur la place toute proche du ministère, mais ils ne se sont pas vus)
lire l’article de Clarín sur la visite à l’église en page 4 (alors qu’il n’en est pas question en Une)
lire l’article de La Nación sur l’hommage aux Français victimes de la dictature
lire l’article de La Nación sur les rencontres entre les deux présidents, à la Casa Rosada et à Olivos, dans la résidence privée du président argentin, en grande banlieue de la capitale.

vendredi 15 novembre 2024

Décision arbitraire de Mileí contre Cristina [Actu]

"Le petit dictateur", dit le gros titre
pastichant le titre original du film (The Great Dictator)
Ok, c'est facile... mais c'est efficace
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A la suite de l’arrêt de la cour de Cassation confirmant la condamnation de Cristina Kirchner pour corruption dans la complexe affaire dite des voies publiques de Santa Cruz, Javier Mileí a supprimé les deux pensions dont jouit Cristina. L’une lui est due au titre de son veuvage d’un ancien président. L’autre est liée à ses deux mandats présidentiels qui ont suivi celui de son époux.

Ces pensions sont établies par la loi, elles trouvent leur origine dans l’élection du président et leur existence est justifiée par le fait que tant le président que la Première dame perdent leur activité professionnelle (quand les épouses en ont une) pendant la durée du mandat. Ces pensions sont par ailleurs généreuses comme le sont généralement les indemnités électives en Argentine.

Tout en haut à gauche, avec une photo de Cristina :
"Il était temps !" dit le titre
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Le président n’a pas compétence pour retirer ce type de pension à un bénéficiaire. La seule institution qui peut procéder à cette privation, c’est le Congrès mais uniquement à l’issue d’une procédure de destitution (juicio político), qui ne peut exister que pendant le mandat de l’intéressé. Or les mandats générateurs de ces droits sont achevés et ni elle ni lui n’a été destitué. Il n’est donc pas possible de retirer le bénéfice de ces pensions à Cristina, d’autant qu’aucune confiscation de ses biens ou de ses revenus n’est mentionnée dans le jugement qui la condamne.

Le conseiller : Pourquoi vous aimez Trump ?
Mileí : Parce qu'on lui a inventé un tas d'affaires pénales
pour l'écarter de la vie politique et on a voulu le tuer
Le conseiller : Tout comme Cristina
Mileí : Par pitié, arrêtons de tout regarder sous l'angle idéologique.
Dessin de Une de Página/12 ce matin
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Quoi qu’on pense de Cristina, qui se serait grandie en renonçant par exemple à la pension de réversion plutôt que de tout cumuler (ça fait mauvais genre), sachant que par ailleurs, elle ne manque pas de revenus et que de surcroît, depuis son départ de la Casa Rosada, elle n’a presque jamais cessé d’exercer de nouveaux mandats indemnisés, la décision présidentielle est parfaitement illégale et illégitime même si Mileí s’en vante auprès de qui veut bien l’écouter !

Cela n’empêche pas la presse de droite de se réjouir de cette mesure délibérément humiliante pour sa puissante adversaire politique et la presse de gauche, essentiellement Página/12, de crier au scandale.

"Mileí a annulé la retraite présidentielle de Cristina :
Tout ne se vaut pas", proclame le gros titre
avec en dessous cette photo à Mar-a-Lago
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A noter que la veuve de Carlos Menem touche elle aussi la pension de réversion liée au mandat de son époux. Le fait que ce président néolibéral vénéré par Mileí avait été multi-condamné ne trouble nullement son actuel adorateur à la Casa Rosada. Il n’est pas question de priver la veuve de quoi que ce soit.


"On retire les retraites présidentielles à Cristina
et elle déclare que c'est illégal", dit le gros titre
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Après cette décision pour le moins contestable, le couple présidentiel, Mileí et sa sœur, se sont envolés pour Mar-a-Lago, où ils ont passé une soirée festive avec Trump et Elon Musk, entourés de leurs familles respectives, dans les décors clinquants de la résidence privée du président-élu. Tout ce joli monde d’apprentis-dictateurs est en train de comploter contre les politiques internationales pour limiter le réchauffement de la planète et contre la COP qui se tient actuellement (sans espoir d’accord pertinent) à Bakou.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

A l’ONU, l’Argentine vote seule contre la lutte contre les violences sexistes [Actu]

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Hier, l’Assemblée générale de l’ONU débattait une résolution favorable à l’intensification des efforts pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux enfants.

L’Argentine a été LE SEUL PAYS de la planète à voter contre !

Des pays comme l’Iran, l’Afghanistan, la Russie (qui a rétabli sous Poutine le droit pour les hommes de violenter femme et enfants tant que cela ne les conduit pas à l’hôpital), le Bélarus ou la Syrie ont préféré s’abstenir ou ne pas assister à la session.

Voilà qui en dit long sur l’avenir en Argentine.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

jeudi 14 novembre 2024

Condamnation de Cristina Kirchner confirmée par la cour de Cassation [Actu]

"Confirmation de la condamnation de Cristina
à six ans de prison pour corruption. Elle fera appel
auprès de la Cour [suprême]", dit le gros titre
sur cette photo de Cristina saluant la foule
massée dans la rue au pied de l'Instituto Patria,
 le siège de sa mouvance au sein du parti justicialiste
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Hier, trois juges de la cour de Cassation ont, sans surprise, validé ; dans un arrêt de 1 543 pages, la condamnation de l’ancienne présidente puis vice-présidente péroniste Cristina Kirchner à six ans de prison ferme et une inéligibilité à vie pour des faits de corruption au bénéfice d’un tiers dans des travaux publics réalisés dans la province de Santa Cruz d’où son défunt mari, Néstor Kirchner, était originaire et dont il avait été gouverneur avant d’être élu à la présidence, juste avant elle. Les juges n’ont pas assorti cet arrêt d’un ordre de détention immédiate.

"Plus Cristina de jamais", dit le gros titre
sur une photo plus optimiste
sur le même balcon hier, après la publication de l'arrêt
On voit bien dans ces choix éditoriaux
vers où penchent les quotidiens
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Il est certain que Cristina Kirchner va désormais se porter devant la cour Suprême de la République argentine dont il serait très étonnant qu’elle ne confirme pas l’arrêt d’hier (le tribunal supérieur argentin est massivement à droite et il l’a démontré ces dernières années en se prononçant très souvent de manière partisane sur des affaires très variées, poursuivant ainsi une vieille tradition de la magistrature argentine qui n’a jamais réussi à s’abstraire des idéologies successives portées par les classes dominantes qui se sont succédé à la tête du pays depuis l’adoption de la constitution en 1853).

Les trois juges de la cour de Cassation s’inscrivent eux aussi très clairement dans cette tradition. Aucun d’entre eux ne cachent ses préférences politiques pour l’ancien président ultra-libéral, issu du monde des affaires et du grand capital, Mauricio Macri avec lequel il est prouvé qu’ils ont entretenu des relations mondaines alors qu’il était le locataire de la Casa Rosada. Tous les trois sont pétris de biais culturels antisociaux et machistes, au point que l’un d’entre eux continue d’exercer ses fonctions alors qu’il fait actuellement l’objet d’une plainte, acceptée par le parquet, pour violence conjugale et pour viol. Le type n’a même pas la décence de se mettre en retrait ! L’arrêt qu’ils viennent de rendre ne peut donc pas être considéré comme objectif, quel que soit par ailleurs le contenu de l’affaire.

"Coupable ! a arrêté la cour de Cassation",
dit le gros titre sur une photo d'un tout autre
événement où Cristina a pris la parole
(Elle parcourt le pays en ce moment)
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Pour les partisans de Cristina, les preuves de la corruption, dans cette affaire extrêmement complexe, n’existent pas contre elle, même si l’arrêt les désigne comme accablantes. Et il est vrai que la démonstration n’a jamais été très convaincante de ce côté-là. Dans la gauche argentine, l’arrêt de cassation rappelle donc un précédent continental, la condamnation de Lula, qui a passé plusieurs années en prison au Brésil sous le mandat de Bolsonaro, avant d’être pleinement innocenté il y a peu, la justice ayant reconnu que le dossier contre l’ancien président était une machination ourdies d’un commun accords par une poignée de juges et de parquetiers afin d’écarter Lula d’une élection présidentielle qu’il avait alors de bonnes chances de remporter.

Il y a quelques jours, Cristina Kirchner, qui, notamment du fait de la politique économique antisociale de Mileí, est bel et bien redevenue la leader « naturelle » et fort peu contestée de la gauche de gouvernement, a été portée à la direction du Partido Justicialista (le parti péroniste historique), en remplacement de l’ancien président, Alberto Fernández, qui est complètement discrédité, englué qu’il est dans deux scandales retentissants, l’un qui porte sur une affaire de corruption au profit de tiers et d’enrichissement personnel de plusieurs de ses proches qui auraient empoché les juteuses marges du système d’assurance de l’État, l’autre sur des coups et blessures volontaires qu’il aurait (a) portés à son ex-compagne, laquelle, il y a quelques mois, a dénoncé les faits au procureur chargé du dossier précédent. Dans son cas, il n’y a pas grand-monde pour croire à un complot de la droite. Les preuves contre lui sont constituées, elles sont nombreuses, concordantes et par conséquent difficiles, voire impossibles, à réfuter.

"[La cour de Cassation] a ratifié la condamnation
de Cristina pour corruption et la Cour [suprême]
décidera si elle va en prison", dit le gros titre
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En se portant devant la cour Suprême, Cristina Kirchner cherche à gagner du temps. L’année prochaine, se tiendront les élections de mi-mandat. Si elle était élue à l’une ou l’autre des chambres qui composent le Congrès, elle bénéficierait ipso facto d’une immunité parlementaire, ce qui interromprait immédiatement toutes les procédures judiciaires entamées contre elle. D’ordinaire, il faut plusieurs années à la cour Suprême pour se prononcer sur un dossier. On verra donc si les procédures habituelles sont suivies dans le cas d’espèce ou si le délai de traitement se voie miraculeusement écourté. Hier, la mise sous écrou est devenue une menace très concrète pour l’ancienne chef de l’État, d’autant que le président en fonction plaide publiquement pour que sa seule véritable rivale actuelle dans l’électorat argentin soit mise derrière les barreaux. En attendant, Cristina Kirchner affronte cette situation délicate crânement et non sans un certain panache, que la droite prend pour une provocation indécente, et elle s’efforce de rassembler ses partisans autour d’elle.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article principal de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín qui en propose de nombreux autres, la plupart réservés en ligne à ses abonnés<

vendredi 1 novembre 2024

Demain, nouvelle Noche de los Bares Notables à Buenos Aires [à l’affiche]

Couverture du catalogue officiel des Bares Notables
de la Ville Autonome de Buenos Aires
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Demain, samedi 2 novembre 2024, Buenos Aires célèbre la Nuit des Cafés classés. Au programme, comme chaque année, des concerts et des rencontres avec des artistes.


Intérieur du Café de los Angelitos,
rendu particulièrement célèbre par le tango du même nom
Carlos Gardel a souvent fréquenté cet établissement.
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Les Bares Notables sont une soixantaine d’établissements distingués par le ministère de la Culture de la Ville Autonome de Buenos Aires pour leur valeur patrimoniale et architecturale et le rôle qu’ils ont joué et continue de jouer dans la vie culturelle, artistique et intellectuelle de la ville.

Mon coup de cœur personnel :
El Federal se situe juste à côté de la maison
où je loge lorsque je suis à Buenos Aires
J'y ai de très beaux souvenirs d'amitié
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Tous ont beaucoup souffert de la pandémie, comme on peut l’imaginer. Tous souffrent de la crise actuelle déclenchée par le gouvernement Mileí par-dessus une inflation démentielle qui a commencé après les confinements sanitaires.


Autre souvenir personnel dans le même quartier :
Le Café La Poesía a été le lieu d'enregistrement
de plusieurs émissions de télévision de Nolo Correa
auxquelles j'ai été invitée.
Ce café est cité par Horacio Ferrer dans le tango
qu'il a dédié à la femme de sa vie : "Lulú"
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Le portail de la Ville présente le programme uniquement en ligne cette année que l’on peut fouiller par quartier et par établissement.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

visiter la page de la manifestation sur le portail des festivals de Buenos Aires.

Détruire la mémoire pour équilibrer le budget [Actu]

"La mémoire, ça ne se vend pas", proclame le gros titre
sous cette silhouette de femme dont la tête couverte d'un fichu
rappelle aussitôt les Mères de la Place de Mai
(ce sont les langes de leurs enfants disparus
qu'elles portent ainsi en guise de foulard)
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Pour mettre le budget national à l’équilibre dans l’espoir d’en finir pour toujours avec l’inflation, Javier  Mileí a décidé de vendre de nombreux actifs du pays (la compagnie aérienne Aerolíneas Argentinas, la compagnie de fret ferroviaire, et d’autres) ainsi que des biens patrimoniaux, dont plusieurs sièges de ministères qu’il a fait disparaître de l’organigramme de la République Argentine (comme celui des femmes et des diversités) et dont il interdit ainsi une éventuelle renaissance dans l’avenir, sauf à ce que celui des gouvernements futurs qui voudra les rétablir procède à des expropriations (dont le coût est bien entendu prohibitif).

Cette photo de la Perla Chica a été prise pendant la reconnaissance
des lieux par la Commission d'enquête sur les crimes de la Dictature
en février 1984, sous la présidence de Raúl Alfonsín

Sur cette liste sans fin de biens nationaux promis aux marteaux des commissaires-priseurs, on vient de voir apparaître un site historique de la Province de Córdoba, dans le centre du pays, La Perla Chica (la petite perle) : un modeste bâtiment rural qui, sous la dictature de Videla et consorts, a abrité un centre clandestin de détention et de torture et qui avait été intégré, il y a quelques années, dans un espace public consacré par la Province à la mémoire des victimes de la Dictature.

En 2013, la cour fédérale qui juge les crimes perpétrés à La Perla Chica
se transporte sur les lieux, accompagnée par plusieurs journalistes

Seul Página/12 rend compte de cette invraisemblable inscription d’un bien provincial sur cette liste nationale et de la colère que la manœuvre soulève chez les militants de l’État de droit (un concept que Mileí ne reconnaît pas) et dans les associations de victimes de cette dictature, dont Mileí et encore plus sa vice-présidente s’efforcent de nier la dimension criminelle.

Les associations vont se porter en justice contre ce nouveau témoignage du négationnisme de ce gouvernement, décidément infréquentable.

"La santé mentale, ça ne se vend pas aux enchères"
"Non à la vente du Centre n 1"
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D’autre part, les bâtiments d’un hôpital psychiatrique de Buenos Aires font aussi partie de cette liste. Une telle vente entraînerait une cessation des activités thérapeutiques, or l’institution traite huit mille patients par an. Le personnel de l’hôpital appelle à une manifestation la semaine prochaine.

Nier l’histoire et la mémoire et entraver le futur, voilà le programme de zombification de l’Argentine que propose Javier Mileí depuis le jour où il a prêté serment !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 (sur le sort du site de mémoire de Córdoba)
lire l’article de La Nación (sur le sort de l’hôpital)
visiter le site Web des Espaces de Mémoire de Córdoba au sujet de la Perla Chica.

jeudi 31 octobre 2024

La répression idéologique s’abat sur la diplomatie [Actu]

"Révoquée", dit le gros titre
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Il y a quelques jours déjà, par une circulaire diffusée par mail, le président Mileí, mettant en copie sa ministre des Affaires étrangères, Diana Mondino, interdisait formellement à une très longue liste de diplomates de défendre l’Agenda 2030, une déclaration générale, non contraignante, votée à l’unanimité des membres par l’ONU en vue de coordonner les efforts de tous pour limiter le réchauffement climatique. Selon ce président qu’anime la haine du genre humain, il s’agit en effet d’un complot communiste contre la « Liberté ». Les diplomates argentins qui seraient attachés à cette déclaration (il y en a sans doute beaucoup) auront désormais le choix entre accepter de trahir leurs convictions et le vote de leur pays, ce qui revient à dynamiter la crédibilité de ses engagements internationaux (quelque chose qu’aucun diplomate digne de ce nom ne peut faire d’un cœur léger) et démissionner. Il était si important pour Mileí d’instituer ce tabou qu’il avait inclus dans la liste des destinataires des personnes décédées (au cas où, sans doute), d’autres en retraite, certaines depuis longtemps, et même des non-diplomates, entre autres des employés de bureau du ministère.

Depuis cet envoi dont Mondino aurait dû être cosignataire et non destinataire en copie, il était clair que les jours de celle-ci au ministère étaient comptés.

En haut, Mondino
En bas : la grande grève générale de tous
les moyens de transport hier, privés et publics
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Hier, Mileí l’a en effet virée pour la remplacer par l’actuel et éphémère ambassadeur aux États-Unis, un homme d’affaires qui exerce dans tous les domaines possibles et imaginables, qui a siégé au Comité olympique argentin au plus haut niveau et semble partager les lubies pseudo-religieuses et réactionnaires du président. C’est en effet lui qui l’avait accompagné à New-York, juste après son élection, pour lui permettre de se recueillir sur la tombe d’un rabbin pro-Reagan et anti-communiste primaire issu d’un mouvement ultra-rétrograde du judaïsme nord-américain.

Diana Mondino, qui, pendant la campagne électorale de Mileí, s’était faite l’avocate de la vente d’organes, qui plus est sous une forme dérégulée, se voit donc révoquée sans ménagement après que le représentant de l’Argentine aux Nations-Unies a voté en faveur de la levée du blocus de Cuba, un vote constant du pays depuis 32 ans (y compris, par conséquent, sous la présidence pro-business et ultra-libérale de Mauricio Macri). 187 pays ont voté dans le même sens, comme tous les ans à la même période. Seuls deux pays se sont opposés : les États-Unis (c’est logique) et Israël, comme par hasard les deux « alliés » que Mileí a décidé d’avoir dans le monde (1). Les représentants de l’Afghanistan et de l’Ukraine (sans doute pour des raisons diamétralement opposées) et, plus étrange, celui du Venezuela, qu’on croyait pourtant allié de Cuba, n’ont pas pris part au vote. La Moldavie s’est abstenue (ce que pourrait expliquer son difficile contexte électoral, où le soutien des États-Unis est vital).

Mondino partie sous ce prétexte grossier, on ne va pas pleurer sur son sort. Non seulement, divers traits de sa personnalité la rendaient très antipathique à beaucoup de gens mais elle n’était pas non plus d’une compétence à toute épreuve. Depuis décembre 2023, on ne compte plus ses gaffes. La dernière qui ait fait scandale est d’avoir laissé ses services publier un communiqué officiel où les Malouines sont désignées sous un double nom : Malvinas/Falklands. Un sacrilège contre la Constitution argentine. Par conséquent, bon débarras !

Son départ s’accompagne toutefois d’une première inquiétude. Le successeur, qui rapplique de Washington toutes affaires cessantes (les élections dans le pays, on s’en fiche), est en effet tout aussi incompétent et inexpérimenté, qui plus est à une époque où tous les équilibres anciens disparaissent sans que les nouveaux ne se dessinent encore. En revanche, pour le moment au moins (mais ça peut changer du jour au lendemain), il est dans les petits papiers du couple présidentiel, Mileí et sa frangine.

"Mondino mise à la porte pour avoir voté
en faveur de Cuba. Werthein la remplace"
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La seconde inquiétude naît d’une nouvelle annonce du président qui veut lancer de façon imminente un audit de tout le corps diplomatique en vue de virer tous ceux qui feraient des déclarations en faveur de l’égalité femmes-hommes, des droits des minorités sexuelles et des droits de l’Homme en général et/ou qui défendraient des positions sur le changement climatique en ligne avec les analyses reconnues par la communauté scientifique internationale. Pour Mileí, ce sont là des théories communistes et à ce titre, cela doit être banni du discours diplomatique argentin puisque le gouvernement du pays veut maintenant établir « la liberté ». Or cela fait quarante ans que les diplomates argentins défendent un peu partout sur la Terre ces positions consensuelles au niveau mondial (au moins en apparence), et ce même quand le gouvernement qu’ils représentent n’agit pas ou agit en sens contraire (décennie Menem dans les années 1990 et mandat de Macri dans les années 2010). Le vernis, parfois à peine craquelé, était toujours resté en place. Maintenant, il ne craque pas, il saute !

Ce changement radical de positionnement va sans doute contribuer à isoler l’Argentine des pays dont pourtant Mileí se prétend proche et avec lesquels il dit vouloir établir des échanges commerciaux fructueux, voire dont il espère obtenir des investissements (qui ne viennent pas plus que sous Macri) : les États-Unis -cela va être coton si Kamala Harris gagne, ce qui est loin d’être impossible (2), l’Union européenne (l’accord UE-Mercosur est toujours en négociation et bloque en particulier sur les questions climatiques et sur les normes de production agricole qu’il combat en Argentine !), la Grande-Bretagne (la patrie de la liberté du commerce, la seule liberté qui vaille aux yeux de Mileí), le Canada, etc.

Seule l’Ukraine, que Mileí dit soutenir sans toutefois joindre le geste à la parole, manquera de marge de manœuvre pour lui dire son fait tant qu’elle aura besoin du soutien, même du bout des lèvres, de tout pays latino-américain bien disposé envers sa cause, tant qu’elle n’aura pas chassé l’occupant qui martyrise sa population et détruit son territoire.

Mileí a mis Mondino à la porte pour
le vote du Ministère en faveur de Cuba
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La déclaration très agressive de Mileí arrive au moment où sa sœur et lui, accompagnés de plusieurs ministres, s’apprêtent à se rendre en Chine, contre les intérêts du secteur industriel national, pour négocier avec Xi, un leader que le président a abondamment insulté pendant sa campagne mais qui est le plus gros importateur de produits agricoles argentins et qui soutient les finances de son fournisseur (avec de grosses arrière-pensées). Mais bon ! Les droits de l’Homme, l’égalité Femmes-Hommes ou la liberté des gens de vivre leur sexualité comme ils l’entendent, ce n’est guère la tasse de thé du PC chinois. Quant au changement climatique, il ne semble pas être au premier plan des préoccupations du leader. Ces deux-là vont donc trouver un terrain d’entente… pour lutter en faveur de la « Liberté » individuelle et conserver à l’Argentine les si précieuses faveurs des États-Unis ?

Pour couronner le tout, Mileí ne trouve rien de mieux que de distiller une nouvelle fois son poison dans la vie politique du pays. Il vient d’insulter la mémoire du président du retour à la démocratie, élu en 1983, l’avocat des droits de l’Homme, Raúl Alfonsín, qu’il accuse sans preuve d’avoir voulu organiser un coup d’État en Argentine. Ce qui provoque un nouveau tollé et contribue encore une fois à dégrader l’image du pays à l’étranger. Et avec leur main attachée dans le dos et leur marche à cloche-pied, les diplomates vont avoir bien du mal à réparer les dégâts.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :



(1) C’est la déclaration qu’il a faite à une journaliste états-unienne, Bari Weiss, juste avant de venir en France pour l’anniversaire du Débarquement : « J’ai décidé que mes alliés étaient les États-Unis et Israël ». Outre ce choix d’alliés très restreint et sans cohérence avec la réalité géographique, remarquez cette première personne du singulier ! L’État, c’est lui. Ce type se prend pour Louis XIV.

Bari Weiss, The Free Press, podcast Honestly (« en toute franchise »), disponible sur différentes plateformes, dont You Tube (mise en ligne le 6 juin 2024).
(2) Voyez à ce sujet les analyses de l’historien états-unien Allan Lichtmann qui fait avec son fils des webinars interactifs hebdomadaires en direct sur You Tube. Il y a quarante ans, le professeur Lichtmann a mis au point une méthode à la portée de tout le monde, fondée sur treize critères (keys) permanents aux États-Unis depuis la fin de la Guerre civile. Cette méthode des 13 keys permet d’anticiper les résultats d’un scrutin présidentiel. Selon ces critères, Harris devrait être élue. La méthode n’a failli qu’une seule fois sur les dix dernières élections : quand Georges W. Bush a été élu contre Al Gore par décision de la Cour Suprême qui a interrompu le recomptage des voix en Floride, attribuant ainsi artificiellement au candidat républicain le collège des grands électeurs de cet État. Par ailleurs, une analyse du corps électoral qui s’est déjà exprimé, sans attendre le 5 novembre, est disponible et mis à jour quotidiennement sur le site de NBC News. Les votants y sont répartis État par État selon leur tranche d’âge, leur sexe, leur inscription politique et d’autres critères pertinents et identifiables aux États-Unis. Dans les États-pivots, ces données tendent à soutenir les chances de la vice-présidente en exercice.

lundi 28 octobre 2024

En Uruguay, le peuple penche à gauche [Actu]

"Orsi contre Delgado
La coalition rassemble 47,1% et le FA 43,7%",
dit le titre du grand quotidien uruguayen
sous une forme volontairement trompeuse.
La "coalition" dont il est question ici correspond
aux partis de droite qui sont partis en ordre dispersé
tandis que la gauche (Frente Amplio) a fait
son unité opérationnelle il y a plusieurs décennies
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Les élections générales qui se sont tenues hier en Uruguay présentent ce matin un paysage politique encore incertain.

"Face à face", titre le quotidien de gauche
Diario La R (República) Digital
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Pour la présidence de la République orientale de l’Uruguay, le nom officiel du pays, la gauche est très nettement en tête puisque le duo président et vice-présidente proposé par le Frente Amplio n’a manqué que de quelques points de pourcentage pour remporter l’élection dès le premier tour. Il faudra toutefois retourner dans les bureaux de vote dans quelques semaines. Ce n’en est pas moins une défaite pour l’actuel président de la droite libérale qui voit le candidat de sa formation nettement battu (en Uruguay, le chef de l’État ne peut pas se succéder à lui-même).


"En relevant le front", titre Página/12,
le journal de la gauche argentine, avec son jeu de mot habituel
En photo, de dos, Orsi, le candidat à la présidence,
et à ses côtés, la future probable vice-présidente.
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Pour le Parlement, les résultats sont moins nets : si la gauche devient majoritaire à la chambre basse, il n’en va pas de même au Sénat où la majorité reste incertaine. A droite, les partis pourraient donc concrétiser une coalition de gouvernement pour combattre la gauche, laquelle pourrait bien s’emparer de l’exécutif national.

Sur la Une de La Prensa, l'information
n'a droit qu'à un titre très secondaire
(à gauche, dans l'encadré rouge du haut)
Le titre principal est consacré au budget
argentin actuellement débattu au Congrès
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Une petite revue de presse uruguayo-argentine s’impose.

C'est plus clair à la Une de Clarín :
le duo en tête de face
et un titre qui dit clairement que la gauche a gagné
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© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

en Uruguay :

Pour les autres titres, on se contentera des unes puisque les sites Web limitent l’accès au contenu des articles

En Argentine :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación


La Nación a préféré montré les deux
candidats du second tour
Orsi est à gauche (comme il se doit !)
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