vendredi 28 mars 2025

Serrat en version tango [à l’affiche]


Joan Manuel Serrat est un grand de la chanson populaire espagnole. Il a très souvent fait des tournées en Argentine jusqu’à ses adieux à la scène il y a quelques années. Serrat a entretenu un véritable partenariat artistique avec de nombreux musiciens de tango à Buenos Aires et ailleurs.

Ce soir, vendredi 28 mars 2025, à 20h30, au Teatro Roma, la Orquesta de Tango municipal de Avellaneda, une ville de la banlieue sud (populaire) limitrophe de Buenos Aires, reprendra une sélection de son répertoire en compagnie de deux artistes invités, le guitariste Hernán Reinaudo et la chanteuse Gabriela Novarro.

Prix des places : 8 000 pesos argentins.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12

Crise dans le secteur agricole de la yerba mate [Actu]

Un maté très amer, dit le gros titre
Mate amargo, cela se traduit en français "mate nature"
le mate pouvant se consommer aussi avec du sucre


Le gouvernement Mileí a supprimé l’institut national de la Yerba Mate qui régulait depuis des années la production et la distribution de la yerba mate, l’ingrédient du mate, l’infusion nationale. Cette disparition de la régulation est en train de déséquilibrer l’ensemble du secteur, en privilégiant les gros acteurs au détriment des petits producteurs artisanaux sur une part desquels reposait la recherche de qualité de ce produit de grande consommation dans le domaine gastronomique.

Les petits acteurs ont souvent le goût de travailler leur produit de manière originale, souvent en agriculture bio ou raisonnée, parce que c’est leur atout majeur pour sortir de l’ombre.

Et puis l’Institut organisait la Ruta de la Yerba Mate, un parcours gastronomico-culturel original qui était un apport réel pour les deux provinces productrices, dans le nord-est de l’Argentine, ce qu’on appelle là-bas le Litoral, à savoir Corrientes et Misiones.

Du côté du consommateur, le paysage change aussi à très grande vitesse : les prix montent et la concentration du secteur ne va pas jouer en faveur d’une baisse. Or une famille consomme un paquet de 500 grammes (le conditionnement le plus courant) en un ou deux jours. Un acteur, Establecimiento Las Marías, avec ses quatre marques qui vont du bas au très haut de gamme, représentent 37 % du marché intérieur argentin. Heureusement, depuis peu, une coopérative de Corrientes, Playadito, semble grignoter du terrain. Elle aussi couvre une gamme étendue avec quatre produits différents, le paquet jaune qui est la yerba mate la plus habituelle (mais bien meilleure que le bas de gamme de Las Marías, la marque Taragüi, qui fait aussi du thé et d’autres infusions), le paquet vert qui est un mélange de yerba mate et d’autres plantes, le paquet doré, qui contient une yerba plus élaborée que le jaune, et le paquet rouge métallisé, qui contient une yerba très douce (débarrassée de la tige de la feuille, qui apporte une bonne dose d’amertume au breuvage).

Aujourd’hui, Página/12 en fait l’article principal de son supplément économique hebdomadaire, Cash.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12

Une émission de télé demain au bénéfice des musiciens âgés et démunis [à l’affiche]

Quelque chose de plus qu'une chanson, tel est le titre de cette émission


Demain, le 28 mars 2025, la chaîne Canal 9, qui penche à gauche, diffusera demain après-midi à 14h, heure de Buenos Aires, une longue émission avec de très nombreuses vedettes de la musique populaire nationale : tous les genres seront représentés, tango (ça c’est pour la ville), folklore (ça, c’est pour les champs), jazz, rock nacional, etc.

Cette émission spéciale a pour but de recueillir de l’argent pour un foyer qui accueille à Avellaneda, dans la banlieue de Buenos Aires, des musiciens âgés et démunis à l’initiative d’un collectif professionnel, la Casa de la Música.


Les artistes fondateurs du foyer sur le toit de l'immeuble qui l'abrite


Clarín et Diario Popular donnent même les coordonnées bancaires pour que leurs lecteurs puissent faire un don sur un compte du Banco de la Nación, qui est en cours de privatisation.

Clip promotionnel de l'émission spéciale

Canal 9 dispose d’un site internet où la diffusion est géographiquement limitée (ce n’est donc pas accessible en Europe) et plusieurs chaînes Youtube qui se feront peut-être l’écho de l’événement.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de Clarín
lire l’article de Diario Popular
visiter le site de El Nueve

mercredi 26 mars 2025

S’en prendre à la mémoire encore et toujours, cette fois, contre Osvaldo Bayer [Actu]

Le titre se passe de traduction !
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Il y a deux ans, la gouverneure de la province de Santa Cruz, Alicia Kirchner, sœur du défunt président Néstor Kirchner et par conséquent belle-sœur de la vice-présidente alors en fonction, Cristina Kirchner, avait inauguré à une trentaine de kilomètres de l’entrée de la capitale provinciale, Río Gallegos, un monument en l’honneur de Osvaldo Bayer, un historien militant qui s’était fait connaître pour son travail sur le mouvement ouvrier en Patagonie et la répression acharnée dont il avait fait l’objet. Son œuvre majeure, Patagonia Rebelde, est devenue une référence sur le sujet.

L'inauguration du monument
On reconnaît clairement Alicia Kirchner sous l'œil gauche du visage


Osvaldo Bayer est décédé en 2018. Tout au long de sa vie, il a affiché ses convictions anarchistes qui ont sans aucun doute marqué son approche historique et il le revendiquait comme tous les historiens qui veulent secouer le discours convenu que tiennent leurs homologues de droite qui dominent encore largement la discipline et l’offre en librairie. En Argentine comme dans le reste de l’Amérique du Sud, l’histoire politique se complaît encore dans une historiographie dépassée, installée dans le paysage par les premiers historiens du pays, en particulier à Bartolomé Mitre (1821-1906) dont l’œuvre est considérée comme un récit incontestable du premier siècle de l’Argentine, un récit qui a été institutionnalisé par la mise en place de l’école obligatoire en 1883 et qui ne parle que des leaders politiques, reléguant le peuple au rang de décor conventionnel. Osvaldo Bayer faisait donc partie de ces trouble-fête qui ont passé leur temps à contester, en revendiquant leurs biais idéologiques, ce discours répétitif et faux, qui fait piètre figure dans le paysage international d’une histoire devenue pluridisciplinaire et fondée sur la critique des sources premières. En tant qu’anarchiste, en tant que citoyen engagé à gauche, en tant qu’historien qui donnait la parole aux prolétaires du pays, Osvaldo Bayer fait partie de ces intellectuels honnies que l’actuel gouvernement voue aux gémonies.

C’est ainsi qu’hier, au lendemain des commémorations liées à la dernière dictature militaire, les services de travaux publics en charge de la voirie nationale ont détruit le monument qui bordait une route. Ils ne l’ont pas démonté. Ils l’ont détruit. A la pelleteuse. Sans avertir ni les autorités locales, qui s’y seraient opposées puisque c’était leur initiative, ni l’artiste qui a réagi publiquement en dénonçant ce manque total de respect pour sa propriété intellectuelle et pour la signification de l’œuvre.


Sous le visage on lit une inscription en espagnol inclusif :
Bienvenue ! Vous entrez sur la terre de la Patagonie rebelle
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La mairie de Río Gallegos a annoncé qu’elle allait reconstituer le monument et le placer ailleurs sur le territoire communal.

Cette destruction agressive est si choquante que pour une fois, Página/12 n’est pas seul à dénoncer les faits. Clarín et La Nación les rapportent également, avec force photos à l’appui !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12, qui en fait sa une
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
Bien entendu, de très nombreux quotidiens locaux se font l’écho de l’affaire.

mardi 25 mars 2025

Les Argentins se mobilisent contre le négationnisme du gouvernement [Actu]

"Aujourd'hui plus que jamais, jamais plus",
dit le gros titre avec cette mise en page inhabituelle
La photo montre la Plaza de Mayo en perspective
Le grand toit rouge est celui de la cathédrale
Le petit celui du Cabildo, la mairie coloniale,
qui a été le théâtre de la Révolution de Mai 1810
qui a déclenché la marche vers l'indépendance
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Hier, les Argentins fidèles à l’État de droit commémoraient les 49 ans du coup d’État de la dernière dictature militaire (1976-1983) et les milliers de victimes du régime de répression sanglant qui s’en est suivi et qui a toujours des répercutions transgénérationnelles près d’un demi-siècle plus tard. Le 24 mars est un jour férié et de grands défilés sont organisés, tous les ans, un peu partout dans le pays pour rappeler la mémoire des 30 000 disparus et réclamer justice pour eux.

La Fédération nationale de Football s'est associée
au souvenir (réseaux sociaux de la AFA)


Or l’actuel gouvernement nie ouvertement et par tous les moyens possibles la réalité des 30 000 disparus. Il cherche aussi à effacer la mémoire des crimes commis par la Junte, des faits pourtant historiquement attestés et imprescriptibles puisqu’il s’agit de crimes contre l’humanité. Pour se dédouaner, il a prétendu déclassifier des archives « afin d’établir la vérité » mais ces archives ont en fait été déclassées il y a de nombreuses années, sous le mandat de Cristina Kirchner. C’est comme pour les archives de JFK aux États-Unis : en fait, c’était déjà fait !

Une vue de la marche du souvenir en haut
avec ce gros titre négationniste :
"Plus jamais une version déformée des années 70"
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Le gouvernement de Mileí cherche en effet à imposer l’idée d’une « mémoire complète » qui consiste à mettre sur le même plan les crimes commis par le régime, avec tous les moyens de répression d’un État militarisé à l’extrême, et les attentats individuels perpétrés par la guérilla armée contre des personnalités qui servaient le régime, les premiers étant bien entendu beaucoup plus nombreux et systématiques que les seconds. Comme si une telle comparaison avait une quelconque validité en droit comme en histoire.

Le visuel publié par le San Lorenzo de Almagro
le club du pape François


L’actuelle vice-présidente, fille d’un officier ayant servi le régime, voudrait effacer les condamnations des criminels et dans cette majorité incohérente, en manteau d’Arlequin, c’était hier à qui ferait les propositions les plus serviles pour lui complaire. C’est ainsi qu’un député a proposé que le 24 mars cesse d’être un jour férié et un autre que le campus de l’ex-ESMA, ancienne école de la Marine et centre clandestin de détention et de torture transformé en vaste complexe culturel thématique consacré à la justice et aux droits de l’homme sous les auspices de l’UNESCO, soit rendu à l’armée pour servir de centre d’entraînement (en pleine ville, ne l’oublions pas, et dans un quartier où se trouvent déjà les deux casernes des deux régiments historiques du pays, les Patricios, 1er régiment d’infanterie fondé en 1808, et les Grenadiers à cheval, l’équivalent en France de la Garde républicaine, fondé en 1812), tout cela au bénéfice des forces de la défense et des pompiers, sous prétexte que l’existence du centre culturel de l’ex-ESMA diviserait le pays, ce qui est faux. Son existence défrise seulement les adversaires de l’État de droit, des gens ultra-minoritaires, comme le sont les vrais trumpistes aux États-Unis, mais qui veulent faire croire qu’ils sont la voix de la majorité.

"49 ans après le coup d'Etat militaire,
l'opposition s'unit pour une marche massive contre Mileí"
La photo est prise par un drone en légère plongée
Au fond on reconnaît la tour du Cabildo
et l'immense Avenida de Mayo qui file vers le Congrès
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Pour couronner le tout, le gouvernement a choisi cette nuit pour faire retirer du fronton du Centro Cultural Néstor Kirchner l’inscription qui rappelait le nom de l’ancien président de gauche. Au début de son mandat, Mileí l’a en effet fait rebaptiser Palacio Libertad. On reconnaît ici la rage destructrice qui habite aussi Donald Trump et ses complices, cette rage haineuse et vengeresse qui entend dénier leur droit d’exister aux autres, à tous les autres, l’opposition, les « progressistes », la gauche et même, en général, tout ce qui est antérieur à ces dirigeants égotiques et cruels qui veulent croire que le monde commence avec eux... Particulièrement répugnant.

Le visuel publié par le River Plate,
le club le plus chic de la capitale fédérale
L'image comporte les visages de certains disparus
liés à l'histoire du club


Et pourtant, les manifestations d’hier ont été si impressionnantes que même la presse de droite a dû mettre l’info à la Une.

"La marche du 24 mars a été massive
et le gouvernement va déclassifier des archives"
Sur cette autre vue, on reconnaît très bien
le Cabildo et la Avenida de Mayo noire de monde
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Et pour une fois, de très nombreux clubs sportifs n’ont pas hésité à consacrer du temps et de l’argent à la création de visuels originaux qu’ils ont publiés sur leurs réseaux sociaux afin de s’associer à cette journée du Souvenir, de la Vérité et de la Justice. Ils ont consacré temps et argent à faire mémoire de ceux de leurs sociétaires et de leurs joueurs qui ont eux aussi disparu pendant ces sept sinistres années à la fin de la Guerre froide. Depuis des mois, les clubs sont eux aussi dans le collimateur du gouvernement. Celui-ci voudrait en effet les contraindre à abandonner leur statut associatif, qui permet leur rôle social et solidaire de proximité, pour passer à celui de société commerciale et concurrentielle. Or ils s’y refusent catégoriquement, fédération de foot en tête !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article de Página/12 sur les clubs (c’est le seul journal à s’y intéresser)
lire l’article de La Prensa sur les manifestations d’hier (le quotidien a publié et continue de publier de nombreux éditoriaux négationnistes en épousant les intentions peu ragoûtantes de la vice-présidente)
lire l’article de La Nación
Les articles de Clarín sur ce sujet sont réservés aux abonnés.


Mise à jour du 28 mars 2025 :
lire ce long article de Cristián Vitale, un journaliste de Página/12 qui écrit le plus souvent sur la culture et notamment la musique, sur la « memoria completa ». Cristián Vitale revient sur deux cents ans de pratique répressive extrajudiciaire de la part des pouvoirs publics en Argentine en remontant au tout début du 19e siècle, avec l’exécution de Manuel Dorrego, un officier fédéraliste (celui qui a donné son nom à la célèbre place du vieux quartier de San Telmo), par un autre officier, unitaire celui-là, que la droite honore encore aujourd’hui (il a lui aussi une place à son nom à côté du Teatro Colón, le rendez-vous de l’élite économique et sociale de la capitale argentine.

vendredi 14 mars 2025

Le nez de Mileí s’allonge à l’ONU [Actu]

Page titre du rapport officiel
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L’Argentine a produit auprès d’une commission de l’ONU un rapport entièrement mensonger qui revendique comme propres les résultats des politiques liées aux questions de genre du gouvernement précédent, politiques que Javier Mileí a fait disparaître ou a mis sérieusement à mal en baissant considérablement les budgets qui leur étaient alloués avant lui.

Cette commission est consacrée à la condition juridique et sociale de la femme et commémore cette année le 30e anniversaire du 4e sommet mondial de la Femme qui s’était tenu à Beijing et avait accouché d’un plan d’action que l’Argentine avait adopté.

Les 104 pages de cet épais rapport détaillent entre autres les avancées du plan contre les grossesses adolescentes non désirées (qui a été abandonné par les pouvoirs publics), les résultats de la loi Micaela (qui contraint l’État à lutter contre les violences machistes et qui n’est plus mise en œuvre), les programmes d’enseignement sur la sexualité (qui ont été écartés du paysage scolaire), etc.

Pour faire bon poids, la délégation argentine qui présente ce rapport cynique dans le cadre de l’ONU est présidée par une avocate anti-féministe qui n’en est pas à sa première imposture. Elle a déjà fait semblant de soutenir les positions féministes pour obtenir un poste dans la magistrature en 2023 alors qu’elle est une des artisanes les plus farouches de la politique machiste et climato-sceptique de Mileí.

Les syndicats et de nombreuses associations des droits de l’homme ainsi que plusieurs organisations de santé publique et de sport ont réagi lorsqu’elles ont eu vent du rapport officiel : elles ont rédigé conjointement un document bis pour décrire par le menu la réalité de la vie en Argentine sous Mileí. Ce rapport officieux a été présenté à la presse et à une représentation diplomatique de pays qui s’inquiètent de l’évolution des choses en Argentine. Parmi ces pays, la France, l’Allemagne, le Brésil et l’Inde.

Seul Página/12 s’intéresse à la question ce matin. C’est pourtant assez extravagant de la part d’un gouvernement qui ne fait pas mystère de son sa volonté de revenir en arrière sur tous les droits acquis depuis une trentaine d’années. Qui s’en vante même ! D’un seul coup, voilà ce gouvernement bravache qui n’assume plus rien de ses positions.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12

jeudi 13 mars 2025

Premier salon du livre consacré aux Droits de l’Homme à Palermo [Disques & Livres]

"Livres et mémoire", dit le gros titre
sur cette photo du pavillon emblématique de la ex-ESMA
qui porte encore le nom de cette ancienne école de la Marine
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Les associations des Droits de l’Homme qui ont leurs centres culturels sur le site de la ex-ESMA à Palermo, dans le nord de la ville de Buenos Aires, accueilleront demain et samedi, les 14 et 15 mars 2025, un salon du livre des droits humains.

Le salon se tiendra à l’intérieur du bâtiment principal, celui que l’on appelle des Quatre Colonnes. Une soixantaine d’éditeurs exposants sont attendus.

Entrée libre et gratuite.

Ce salon est un acte de résistance dans ce lieu où le ministère de la Justice tente d’exercer une véritable censure des activités proposées au public, à l’exemple de ce qu’il se passe actuellement dans les États-Unis de cette crapule de Trump. Le mois de mars est en Argentine celui de la rentrée. C’est aussi celui qui est consacré à la mémoire des victimes de la dernière dictature militaire pour laquelle Mileí et les siens ne cachent pas une certaine tendresse.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12 qui en a fait le sujet de couverture de son supplément culturel quotidien, Cultura y Espectáculos

Un parfum de corruption autour de Mileí [Actu]

"Ouvrez la barrière pour que la porte-valise passe",
dit le gros titre de Página/12 hier
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Depuis quelques jours, deux nouveaux scandales de corruption agitent la presse autour du président argentin.

Non content d’avoir créer une catastrophe financière en conseillant une monnaie électronique qui s’est cassé la figure dans les heures qui ont suivi son message, voilà que Javier Mileí promeut une bourse d’étude dans une université privée connue pour son peu de solidité académique (c’est en fait une pépinière pour l’idéologie libertarienne) et fondée par l’un de ses amis et complices politiques. Il y a lui-même étudié (pas très longtemps, il n’a jamais dépassé la licence) et, il y a peu, cette école l’a consacré du titre en l’occurrence creux de docteur honoris causa, ce dont Mileí s’autorise maintenant pour se faire désigner officiellement comme « doctor Javier Mileí ».

La bourse s’appelle Beca Presidencia de la Nación (ses promoteurs osent se servir du titre constitutionnel du chef de l’État) et l’intéressé a prêté une photo où il pose avec les attributs de sa fonction à une campagne de publicité qui est apparue il y a quelques jours sur les panneaux officiels de la Ville de Buenos Aires, elle-même gouvernée par la droite libérale. L’escroquerie dans toute sa splendeur.


"Là où il y a un ami, on peut faire des affaires",
dit le gros titre de Página/12 d'avant-hier
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Pour corser le tout, on assiste à un nouvel épisode des enquêtes judiciaires et journalistiques sur le scandale de la monnaie fictive, $ Libra que le président a osé promouvoir avant qu’elle ne s’effondre, enquêtes qui se déploient en Argentine, en Espagne et aux États-Unis. Voilà qu’elles font apparaître le soupçon d’un nouveau pot-de-vin : on a en effet découvert qu’il y a quelques semaines, une jeune femme a atterri en Argentine à bord d’un vol privé et qu’elle était entrée dans le pays en évitant le contrôle aux frontières grâce à un passe-droit que rien ne saurait justifier. Cette passagère, parfaitement identifiable sur une photographie où elle pose en compagnie de Mileí, aurait été porteuse d’une valise de billets verts et tout porte à croire qu’elle était destinée au président ou à l’un de ses proches.

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Le dossier s’épaissit donc dans des proportions sarkoziennes et l’opposition parlementaire, elle-même rongée par la corruption, puisque plusieurs élus ont été achetés au vu et au su de tous par le président, n’est pas vraiment à la hauteur du scandale.

© Denise Anne Clavilier


Pour en savoir plus :
sur la porteuse de valise :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Nación
sur la bourse d’études :
lire l’article de Página/12
lire l’article de Clarín

Violences policières tous azimuts [Actu]

"Sauvagerie", dit le gros titre
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Hier, il y avait une manifestation désormais traditionnelle devant le Congrès en faveur des retraités qui payent très cher la politique menée par Mileí. Les personnes âgées qui occupent la place du Congrès sont soutenues dans leurs revendications par des clubs de foot qui, en Argentine, constituent un véritable tissu social, un lieu où s’exerce la solidarité entre habitants d’un même quartier, d’une même ville, d’un même coin de campagne.... Il y avait donc aussi beaucoup de gens d’âge actif parmi les manifestants. Et hier, comme souvent mais d’une manière bien plus grave que lors des manifestations précédentes, la police a fait preuve d’une violence difficilement imaginables : coups de matraque, usage de gaz lacrymogènes dans les visages et canons à eau contre la foule.

"Le coup d'Etat version 21e siècle", dit le gros titre
En bas, la situation à Bahía Blanca
alors que les eaux viennent de se retirer
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La presse se sépare aujourd’hui en deux camps : à gauche, Página/12 dénonce la violence policière. A droite, La Prensa, Clarín et La Nación mettent l’accent sur la violence supposée de la foule rassemblée sur la place.

Que des casseurs se soient glissés parmi les manifestants, c’est fort possible mais qui a commencé à pratiquer la violence contre les citoyens ? Le gouvernement et ce Congrès indigne où l’opposition (qui est pourtant largement majoritaire) a renoncé à jouer son rôle de régulateur de la vie politique puisque de nombreux parlementaires, de gauche comme de droite, se sont laissés acheter pour un plat de lentilles par Mileí et consorts et votent désormais sans aucun scrupule selon les consignes données par le président ou ses affidés. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que certains citoyens autrefois pacifiques montrent des signes d’exaspération…

"Des dégâts, des blessés et 124 détenus
au cours d'une bataille de hooligans et de militants
contre les policiers", dit le titre sous la photo
Le gros titre est consacré à l'enquête parlementaire
sur le scandale de la crypto-monnaie
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Là où la violence de la police apparaît difficilement contestable, c’est partout où l’on a pu voir, photographier ou filmer des personnes âgées jetées à terre et parfois blessées. Vu leur gabarit, on imagine mal que ce soit elles qui aient lancé les hostilités contre une police solidement équipée.

"Des bandes de supporters et des militants
ont affronté la police sur la place du Congrès :
un blessé grave et 130 détenus", dit le gros titre
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Toujours est-il qu’hier, la place du Congrès s’est transformée à nouveau en scène d’émeute urbaine et que la démocratie argentine est décidément en grand danger. Sans doute parce que Mileí veut provoquer un ras-le-bol peut-être dans l’espoir d’un recours populaire à une dictature qui remettrait de l’ordre dans tout cela et qui ne fera qu’ajouter au chaos comme l’histoire argentine l’a déjà montré tant de fois.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación

samedi 8 mars 2025

Catastrophe climatique à Bahía Blanca [Actu]

"L'enfer tant redouté", dit le gros titre
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Une pluie diluvienne s’est abattue hier sur la côte atlantique dans la province de Buenos Aires. Mar del Plata a été touchée mais le gros de la catastrophe a sinistrée la jolie ville balnéaire de Bahía Blanca, plus au sud encore.

"Bahía, une ville sous les eaux :
des images douloureuses et l'impuissance"
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Les images rappellent Valencia en Espagne il y a quelques mois. Des rues transformées en rivières furieuses, des voitures emportées ou renversées, des routes fracassées.

"Un orage historique a dévasté Bahía Blanca
et fait au moins 10 morts"
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Des habitants ont tout perdu. On compte déjà 11 morts et on en découvrira d’autres au fur et à mesure que les secours pourront atteindre les bâtiments sinistrés. Mille personnes ont été évacuées.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article principal de La Prensa
lire l’article principal de Clarín
lire l’article principal de La Nación

jeudi 6 mars 2025

Le scandale du Bureau Oval fait un miracle : La Prensa devient pro-ukrainienne [Actu]

Une de La Prensa le 2 mars (dimanche dernier)
Le titre principal est consacré au discours de Mileí au Congrès
(particulièrement ridicule)
En bas : l'entrevue dans le Bureau Ovale
La rédaction n'en est toujours pas revenue !
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La Prensa est le journal quotidien de la droite catholique bien-pensante et assez rance. Comme en Europe, ce secteur politique s'en montré, jusqu’au retour de Donald Trump au pouvoir, passablement hostile à l’Ukraine, tendant à lui préférer la mensongère Russie de Poutine et sa soi-disant fidélité aux « traditions ». Tartuferie !

Les articles sur la guerre russo-ukrainienne paraissaient sous la plume d’un officier à la retraite qui prétendait analyser le conflit en fonction des intérêts de l’Argentine qui n’en a en fait qu’un, la sauvegarde de l’État de droit, ce dont cet auteur se passerait volontiers. Une sorte de nostalgique de la bonne vieille dictature militaire de Videla et consorts.

Une du lendemain : "L'Europe tourne la page"
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Et puis est arrivé le 28 février et cette scène insupportable dans le Bureau Ovale où un président des États-Unis, soutenu par son vice-président, tente d’extorquer à un autre chef d’État, d’un pays plus petit et attaqué, des concessions incompatibles avec l’honneur. S’en est suivie une pluie d’inepties dans la bouche des représentants du gouvernement américain pour justifier l’injustifiable et tenter d’abîmer l’image héroïque de l’hôte ainsi malmené, puis sont venues les menaces sur l’Ukraine pour pousser le pays et ses dirigeants dans le gouffre de la défaite. Cela a dû en faire réfléchir quelques uns et depuis ce week-end, on trouve dans La Prensa, mais sous d’autres plumes, des articles qui prennent enfin la défense du pays agressé et critiquent vertement le tournant politique pris à Washington.

Ce n’est pas trop tôt !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’éditorial de La Prensa du 2 mars, après que le président Zelensky a été reçu par le roi Charles (grâce au décalage horaire d’hiver, l’article est daté du jour même de l’entrevue)
lire l’éditorial de lundi signé par un historien de Salta qui reprend une citation célèbre de Reagan à Berlin, « Monsieur Gorbachev, détruisez ce mur ! » pour rappeler que les États-Unis ont été un jour été de grands défenseurs de la démocratie, ce dont l’immonde trahison de Trump pourrait nous faire douter
lire l’article de La Prensa du 3 mars : il ne porte pas de signature et il est favorable à Zelensky et à l’Ukraine.



PS : eu égard à la gravité des événements politiques qui se succèdent à une vitesse folle, je compte publier dans les jours qui viennent une page indépendante, qui sera accessible, comme les deux précédentes, en haut de la Colonne de Droite, pour donner à mes lecteurs qui seraient en manque d’informations fiables sur ce sujet quelques adresses sérieuses et solides de sites, blogs et podcasts francophones (il n’y en a pas autant qu’il le faudrait) et anglophones (dans cette catégorie, il y a abondance mais il faut parler anglais pour en faire son miel). Sur l’actualité, je n’ai encore rien trouvé d’original en espagnol (en revanche, sur un autre sujet, l’apprentissage de l’ukrainien, j’ai trouvé un très bon podcast édité à Santiago du Chili).

Une Une qui cite Cambalache de Discépolo [Actu]

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Página/12 analyse ainsi une nouvelle interview factice que Mileí a accordée lundi pour tenter de se disculper dans le scandale de l’escroquerie à la monnaie cryptée : « Tu verras, tout ça c’est mensonges et compagnie » Verás que todo es mentira.

Vignette de Miguel Rep, parue hier dans Página/12
Les frontières de l'Argentine sont une chaîne humaine de sans-abri
Une image que n'aurait pas renié Discépolo
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Une citation du refrain de Cambalache (1), le chef d’œuvre de Enrique Santos Discépolo, auteur et compositeur anarchiste et presque nihiliste avant de plonger dans la militance péroniste, qui a créé une bonne partie du répertoire du tango-canción de la première moitié du 20e siècle. Dans Cambalache, Discépolo décrit le chaos moral et social dans lequel la société argentine a sombré pendant la Grande Dépression.

Comment-en-est-on-arrivé-làland
Dessin de Miguel Rep pour Página/12 lundi dernier
Une question qui vaut aussi pour la majorité des citoyens des Etats-Unis
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Le scandale suit son chemin : des instructions pénales sont ouvertes en Argentine et aux États-Unis qui pourraient l’impliquer comme instigateur ou complice de l’escroquerie qui a ruiné de très nombreux épargnants.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12



(1) Cambalache fait partie des chansons que j’ai traduites dans mon ouvrage intitulé Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, paru aux Editions du Jasmin et disponible en commande dans toutes les bonnes librairies et sur le site de l’éditeur.

Une Casa Rosada de plus en plus White House (Trump’s one) [Actu]

Le journaliste : Les victimes de l'escroquerie à la crypto-monnaie
préparent une class-action aux Etats-Unis
Mileí : Ouh ! Le pauvre Trump !
Le journaliste : Non, contre vous
Mileí : Ouh ! Pauvre Argentine
Traduction © Denise Anne Clavilier
Dessin de Daniel Paz, texte de Rudy, en Une de Página/12 hier
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La Casa Rosada (la maison rose), palais officiel de la présidence argentine, ressemble de plus en plus à la Maison Blanche (White House) de Trump… J’en veux pour preuve cette nouvelle menace qui plane sur les journalistes dans la salle de presse de la Casa Rosada.

Le porte-parole du gouvernement envisage en effet d’installer sur son pupitre un bouton pour couper le micro aux journalistes au cours des briefings quotidiens. Au cas où les questions gêneraient en haut lieu !

La journaliste : Il paraît qu'aux Etats-Unis, on veut enquêter
sur vous pour la crypto-monnaie
Mileí : Mon ami Trump ne laissera pas faire
La journaliste : Mais aux Etats-Unis, la séparation des pouvoirs,
ça existe !
Mileí : Je sais mais mon ami Elon ne laissera pas faire
Traduction © Denise Anne Clavilier
Dessin de Paz et Rudy paru à la Une de Página/12 avant-hier
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En voilà une conception de la liberté ! Remarquez qu’à la Maison Blanche, ils ont à peu près la même comme l’a prouvé la mise en scène du guet-apens qu’ils ont tendu à Zelensky la semaine dernière.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación

vendredi 28 février 2025

Les auteurs dans le viseur [Actu]

Une du supplément culturel quotidien de Página/12
Cultura & Espectáculos, qui titre :
"Encore un décret de derrière les fagots contre la culture :
La loi de la jungle"
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Un nouveau décret vient de détruire le monopole des sociétés d’auteurs (littérature, musique, cinéma, théâtre et spectacle vivant) pour réguler la collecte et le paiement des droits d’auteur. Les artistes argentins s’organisent collectivement depuis un siècle pour pouvoir recevoir le prix de leur travail. Les organismes nés de cet effort et de cette conscientisation économique, la SADAIC pour la musique, ARGENTORES (pour les écrivains et les illustrateurs de l’écrit), AADI (pour les interprètes), CAPIF (pour les producteurs), SAGAI (pour les acteurs), SAC (pour le cinéma), vont être fragilisés par la perte de leur monopole sur cette collecte et cette distribution.

Le gouvernement autorise les intéressés à ne pas s’affilier à l’une ou l’autre de ces organisations. Ce qui va avoir pour effet d’isoler les non-affiliés et surtout de rendre plus vulnérable les droits de tous, si les artistes fortunés refusent de s’affilier pour ne pas payer leur écot aux sociétés collectives. Leurs droits, qui font tourner la machine, leur échapperont. Elles auront donc moins de moyens pour défendre les droits du collectif face à un gouvernement déterminé à empêcher le développement d’une vie intellectuelle et artistique libre. Cette modification statutaire va donner encore plus de pouvoir aux grands capitaux qui agissent dans ce domaine : grands producteurs de spectacle, de télévision, de cinéma, géants de l’édition dans le domaine du livre comme du disque, grands galeristes, etc.

Les syndicats d’artistes sont aussitôt montés au créneau pour accompagner les sociétés de gestion collective ainsi menacées. Cette fois-ci, on n’a pas vu le gouvernement reculer. Tout au contraire, comme pour la nomination des deux juges à la Cour suprême, un ministre s’est répandu dans les médias pour justifier cette décision. Il parle de libération des créateurs et refait l’histoire façon Poutine ou Trump (de toute façon, ils fonctionnent de la même façon). Il a en effet prétendu que le rôle des sociétés de gestion collective datait de la dictature de Onganía, à la fin des années 1960, juste avant le retour de Perón, et qu’il avait été renforcé par les Kirchner, ce qui n’est pas faux mais les Kirchner n’ont jamais été à la tête d’un gouvernement anticonstitutionnel (ce qui n’est pas le cas de Onganía, porté au pouvoir par un putsch militaire).

C’est totalement faux. Les sociétés de gestion collective ont été fondée de 1934 (Agentores) à 1958 (DAC), donc avant Onganía. Ce sont elles qui ont fait voter les lois qui protègent aujourd’hui les droits des auteurs et des interprètes comme il y en a dans tous les pays civilisés. Ce gouvernement serait bien inspiré d’aller regarder comment cela se passe aux États-Unis, avec le poids des syndicats dans le monde du cinéma pour ne parler que de ce secteur !

Seuls Página/12 et La Nación en parlent ce matin, le premier pour donner le son de cloches des auteurs collectivement organisés, le second pour laisser la parole au ministre et à un important producteur qui se réjouit à la perspective de pouvoir désormais faire ce qu’il veut (on peut parier sur le résultat : les artistes vont se faire escroquer encore plus qu’avant !).

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Nación sur les propos du ministre
lire l’article de La Nación sur la réaction du producteur