|
"Révoquée", dit le gros titre cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Il y a quelques jours déjà, par
une circulaire diffusée par mail, le président Mileí, mettant en
copie sa ministre des Affaires étrangères, Diana Mondino,
interdisait formellement à une très longue liste de diplomates de
défendre l’Agenda 2030, une
déclaration générale,
non contraignante,
votée
à l’unanimité des membres par l’ONU en vue de coordonner les
efforts de tous pour limiter le réchauffement climatique. Selon ce
président qu’anime la
haine du genre humain, il
s’agit en effet d’un complot communiste contre la « Liberté ».
Les diplomates argentins qui seraient attachés à cette déclaration
(il y en a sans doute
beaucoup) auront
désormais le choix entre accepter
de trahir leurs convictions et le vote de leur pays, ce
qui revient à dynamiter
la crédibilité de ses engagements internationaux (quelque chose
qu’aucun diplomate digne de ce nom ne peut faire d’un cœur
léger) et démissionner.
Il était si important pour Mileí d’instituer ce tabou qu’il
avait inclus dans la liste des destinataires des personnes décédées
(au cas où, sans doute),
d’autres en retraite, certaines depuis longtemps, et même des
non-diplomates, entre
autres des employés de
bureau du ministère.
Depuis cet envoi dont
Mondino aurait dû être
cosignataire et non
destinataire en copie, il
était clair que les jours de celle-ci au ministère étaient
comptés.
|
En haut, Mondino En bas : la grande grève générale de tous les moyens de transport hier, privés et publics Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
Hier, Mileí l’a en effet virée
pour la remplacer par l’actuel et éphémère ambassadeur aux
États-Unis, un homme
d’affaires qui exerce
dans tous les domaines possibles et imaginables, qui a siégé au
Comité olympique argentin au plus haut niveau et semble partager les
lubies pseudo-religieuses et réactionnaires du président. C’est
en effet lui qui l’avait accompagné à New-York, juste après son
élection, pour lui permettre de se recueillir sur la tombe d’un
rabbin pro-Reagan et anti-communiste primaire issu d’un mouvement
ultra-rétrograde
du judaïsme nord-américain.
Diana Mondino, qui, pendant la
campagne électorale de Mileí, s’était faite l’avocate de la
vente d’organes, qui plus est sous une forme dérégulée, se
voit donc révoquée sans
ménagement après que le
représentant de l’Argentine aux Nations-Unies a voté en faveur de
la levée du blocus de Cuba, un vote constant du pays depuis 32 ans
(y compris, par
conséquent, sous la
présidence pro-business
et ultra-libérale de Mauricio Macri). 187 pays ont voté dans le même sens, comme tous les ans à
la même période. Seuls deux pays se sont opposés : les
États-Unis (c’est
logique) et Israël, comme par hasard les deux « alliés »
que Mileí a décidé d’avoir dans le monde (1).
Les représentants de l’Afghanistan et
de l’Ukraine (sans
doute pour des raisons diamétralement opposées)
et, plus étrange,
celui du
Venezuela, qu’on croyait
pourtant allié de Cuba,
n’ont pas pris part au vote. La Moldavie s’est abstenue (ce que
pourrait expliquer son
difficile contexte électoral, où le soutien des États-Unis
est vital).
Mondino partie sous ce prétexte
grossier, on ne va pas
pleurer sur son sort. Non
seulement, divers traits de sa personnalité la rendaient très
antipathique à beaucoup de gens mais elle
n’était pas non plus
d’une compétence à toute épreuve. Depuis décembre 2023, on
ne compte plus ses gaffes.
La
dernière qui ait fait scandale est d’avoir laissé ses services
publier un communiqué officiel où les Malouines sont désignées
sous un
double nom : Malvinas/Falklands. Un sacrilège contre la
Constitution argentine. Par
conséquent, bon
débarras !
Son
départ s’accompagne
toutefois d’une première inquiétude. Le
successeur, qui rapplique de Washington toutes
affaires cessantes (les élections dans le pays, on s’en fiche),
est en effet tout aussi
incompétent et
inexpérimenté, qui plus est à une époque où tous les équilibres
anciens disparaissent sans que les nouveaux ne se dessinent encore.
En revanche, pour le moment au moins (mais
ça peut changer du jour au lendemain), il est dans les petits
papiers du couple présidentiel, Mileí et sa frangine.
|
"Mondino mise à la porte pour avoir voté en faveur de Cuba. Werthein la remplace" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
La
seconde inquiétude naît
d’une nouvelle annonce
du président qui veut
lancer de façon imminente
un audit de
tout le corps diplomatique en vue de virer tous ceux qui feraient des
déclarations en faveur de l’égalité femmes-hommes, des droits
des minorités sexuelles
et des droits de l’Homme en général et/ou
qui défendraient des
positions sur le changement climatique en ligne avec les analyses
reconnues par la communauté scientifique internationale. Pour Mileí,
ce sont là des théories communistes et à ce titre, cela doit être
banni du discours diplomatique argentin puisque le gouvernement du
pays veut maintenant établir « la liberté ». Or cela
fait quarante ans que les diplomates argentins défendent un peu
partout sur la Terre ces positions consensuelles au niveau mondial
(au moins en apparence), et
ce même quand le
gouvernement qu’ils représentent n’agit pas ou agit en sens
contraire (décennie Menem dans les années 1990 et mandat de Macri
dans les années 2010). Le vernis, parfois
à peine craquelé, était
toujours
resté en place. Maintenant, il ne
craque pas, il saute !
Ce changement radical de
positionnement va sans doute contribuer à isoler l’Argentine des
pays dont pourtant Mileí se
prétend proche et avec
lesquels il dit vouloir établir
des échanges commerciaux fructueux, voire
dont il espère obtenir
des investissements (qui
ne viennent pas plus que sous Macri) :
les États-Unis
-cela va être coton
si Kamala Harris gagne, ce qui est loin d’être impossible (2),
l’Union européenne (l’accord UE-Mercosur
est toujours
en négociation et bloque
en particulier sur les questions climatiques et sur les normes de
production agricole qu’il combat en Argentine !),
la Grande-Bretagne (la patrie de la liberté du commerce, la seule
liberté qui
vaille aux yeux de Mileí), le Canada, etc.
Seule l’Ukraine, que Mileí dit
soutenir sans toutefois joindre le geste à la parole, manquera de
marge de manœuvre pour lui dire son fait tant qu’elle aura besoin
du soutien, même du bout des lèvres, de tout pays latino-américain
bien disposé envers sa
cause, tant qu’elle n’aura pas
chassé
l’occupant qui martyrise sa population et détruit son territoire.
|
Mileí a mis Mondino à la porte pour le vote du Ministère en faveur de Cuba Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
La
déclaration très
agressive de
Mileí arrive au moment où
sa sœur et lui,
accompagnés de plusieurs ministres, s’apprêtent à se rendre en
Chine, contre les intérêts
du secteur industriel national,
pour négocier avec Xi, un leader que le président a abondamment
insulté pendant sa campagne mais
qui est le plus gros importateur de produits agricoles argentins et
qui soutient les finances de son fournisseur (avec de grosses
arrière-pensées). Mais
bon ! Les droits de l’Homme, l’égalité Femmes-Hommes ou la
liberté des gens de vivre leur sexualité comme ils l’entendent,
ce n’est guère la tasse de thé du PC chinois. Quant au changement
climatique, il ne semble pas être au premier plan des préoccupations
du
leader. Ces deux-là vont donc trouver un terrain d’entente… pour
lutter en faveur de la « Liberté » individuelle et
conserver à l’Argentine les si précieuses faveurs des
États-Unis ?
Pour couronner le tout, Mileí ne
trouve rien de mieux que de distiller une nouvelle fois son poison
dans la vie politique du pays. Il vient d’insulter la mémoire du
président du retour à la démocratie, élu en 1983, l’avocat des
droits de l’Homme, Raúl Alfonsín, qu’il accuse sans preuve
d’avoir voulu organiser un coup d’État en Argentine. Ce qui
provoque un nouveau tollé et contribue encore une fois à dégrader
l’image du pays à l’étranger. Et avec leur main attachée dans
le dos et leur marche à cloche-pied, les diplomates vont avoir bien
du mal à réparer les dégâts.
© Denise Anne Clavilier
Pour aller plus loin :
(1) C’est la déclaration qu’il
a faite à une journaliste états-unienne, Bari Weiss, juste avant de
venir en France pour l’anniversaire du Débarquement : « J’ai
décidé que mes alliés étaient les États-Unis
et Israël ». Outre ce choix d’alliés
très restreint et sans
cohérence avec la réalité
géographique,
remarquez cette première personne du singulier ! L’État,
c’est lui. Ce type se prend pour Louis XIV.
Bari Weiss, The Free Press,
podcast Honestly
(« en toute franchise »), disponible sur différentes
plateformes, dont You Tube (mise en ligne le 6 juin 2024).
(2) Voyez à ce sujet les
analyses de l’historien états-unien Allan Lichtmann qui fait avec
son fils des webinars
interactifs
hebdomadaires en direct sur You Tube. Il y a quarante ans, le
professeur Lichtmann a mis au point une méthode à la portée de
tout le monde,
fondée sur treize critères (keys)
permanents aux États-Unis
depuis la fin de la Guerre civile.
Cette méthode des 13
keys permet
d’anticiper les résultats d’un scrutin présidentiel. Selon ces
critères, Harris devrait être élue. La méthode n’a failli
qu’une seule fois sur les dix dernières élections : quand
Georges W. Bush a été élu contre Al Gore par décision de la Cour
Suprême qui a interrompu le recomptage des voix en Floride,
attribuant ainsi artificiellement au candidat républicain le collège
des grands électeurs de cet État.
Par ailleurs, une analyse du corps électoral qui s’est déjà
exprimé, sans attendre le 5 novembre, est disponible et
mis à jour quotidiennement
sur le site de NBC News. Les votants y sont répartis État
par État
selon leur tranche d’âge, leur sexe, leur inscription politique et
d’autres critères pertinents et identifiables aux États-Unis.
Dans les États-pivots,
ces données tendent à soutenir les chances de la vice-présidente
en exercice.