Le grand guitariste argentin Ubaldo De Lío est parti hier et pour toujours en "tournée" comme les Argentins disent par euphémisme. Il avait 83 ans.
En Europe, on le connaît surtout comme le partenaire pendant un demi-siècle de Horacio Salgán, dans ce duo du piano et de la guitare comme au sein du Quinteto Real. On sait moins qu'il a joué aussi du folclore, du jazz, de la musique brésilienne et ce que les Argentins appellent de la musique tropicale, pour désigner ces genres qui viennent du nord de leur continent.
En matière de tango, il avait aussi accompagné de très grandes voix, comme celle de Edmundo Rivero, Hugo del Carril et même Ignacio Corsini, le chanteur a la criolla par excellence (avec Gardel mort trop tôt). Côté voix féminine, il a accompagné Nelly Omar et Rosita Quiroga, entre autres. On l'a vu aussi jouer aux côtés de Aníbal Troilo et de Mariano Mores.
Ubaldo De Lío était né le 11 mars 1929 dans le quartier de Boedo, celui qu'avaient chanté Homero Manzi et Cátulo Castillo, qui y vivaient, celui qui est devenu le quartier emblème de la movida du tango indépendant, avec son Festival de mars. Il avait touché les cordes de sa première guitarre à l'âge de quatre ans, grâce à un ami de la famille, et cette découverte fut à peu près contemporaine de la mort de Gardel. C'est avec le répertoire du grand disparu, que lui chantait sa mère, qu'il s'initia au tango avant de faire des études de musique classique. Ce musicien de conservatoire réussissait l'exploit rare de conjuguer sa formation et la capacité de jouer a la parilla, sans partition, sans arrangement préconçu, dans une forme d'improvisation propre au tango (et que le jazz connaît aussi sous d'autres formes génériques).
Le maître s'était retiré de la scène il y a plusieurs années mais était revenu jouer quelques notes en 2010 pour les fêtes du Bicentenaire et celles du cinquantenaire du Sexteto Real, notamment au Centro Cultural Torcuato Tasso, à San Telmo (j'en avais parlé en leur temps).
Les quotidiens argentins, qui ne manquent pas de matière politique, diplomatique, sociale, économique et même météorologique (1) aujourd'hui, lui rendent hommage ce matin dans leurs pages culturelles, en ne lui laissant parfois qu'une place exigüe qui ne rend pas justice à son talent ni à sa longévité artistique.
Pour aller plus loin :
lire l'article de Clarín
(1) L'hiver vient d'arriver sur l'Argentine beaucoup plus tôt que d'ordinaire. L'hiver commence à frigorifier les Portègnes en mai (à Ushuaia, c'est plus tôt dans la saison et à Corrientes, l'hiver est une saison théorique pour ce qui est des températures).