Cela faisait quinze jours environ que le sujet était dans toutes les conversations politiques en Argentine : le pays renationalise sa compagnie pétrolière, YPF, privatisée sous le gouvernement de Carlos Menem qui en céda le capital et la pleine propriétaire à la pétrolière espagnole Repsol.
Cristina Fernández de Kirchner continue la politique de reprise en main des activités économiques clés qui assurent au pays son indépendance économique. Après la renationalisation de la compagnie aérienne transcontinentale Aerolineas Argentinas et de sa filiale intérieure Austral (voir mes articles sur ce sujet), après la suppression des régimes de base de retraite par capitalisation au profit d'un régime général par répartition qui a le vent en poupe depuis maintenant plusieurs années et porte une partie de la consommation intérieure (voir mes articles sur ce sujet), voilà que l'Etat reprend le contrôle de l'exploitation des réserves de pétrole patagoniennes, une région dont la Présidente et son défunt mari ont longtemps été des élus locaux (lui comme maire puis gouverneur de la capitale puis de la Province de Santa Cruz et elle comme sénatrice de cette même province pétrolifère).
YPF avait été créé, comme régie nationale des gisements et raffineries d'hydrocarbures, en 1922 par le premier président de gauche élu en Argentine (en 1916), Hipólito Yrigoyen, l'un des co-fondateurs de l'UCR, le plus vieux parti argentin, aujourd'hui en pleine déconfiture politique, idéologique et électorale mais qui fut néanmoins un des axes de la vie politique nationale tout au long du 20ème siècle. La vente de ce bijou de famille pendant l'ère ultra-libérale de Menem (qui imitait Thatcher et Reagan) avait été l'un des plus violents coups portés contre la souveraineté et le développement économiques nationaux, Repsol n'ayant pas hésité dès la prise de contrôle à se comporter en prédateur sans scrupule, comme l'ont fait successivement dans le ciel Iberia puis le groupe Marsans contre Aerolineas.

Le Gouvernement a d'ores et déjà nommé une nouvelle direction composée, comme d'ordinaire dans ce cas, d'hommes politiques issus des futurs ministères de tutelle. C'est ce qu'on appelle en droit argentin une "intervención" (mise sous tutelle).
En commission parlementaire, le projet a déjà été discuté et il a reçu l'approbation très large, en réunissant pour une fois la majorité kirchneriste et une bonne part de l'opposition. L'unité nationale s'est formée dans les deux hémicycles comme pour la renationalisation d'Aerolineas. Il n'en va pas de même dans la presse où les journaux d'opposition font leur mauvaise tête accoutumée et tiennent un discours et des analyses à la limite de la déloyauté envers le pays, jouant à nouveau à fond toutes les cartes à leur disposition contre le gouvernement porté aux affaires par les élections d'octobre dernier (voir mon article du 24 octobre 2011 sur ce résultat en cliquant sur le lien).

Pour les passionnés de linguistique, le même une mais en catalan !
Repsol, qui fait semblant d'être surpris, a déjà valorisé sa filiale à un prix exorbitant (tant qu'à faire !) et annoncé qu'elle se porterait devant la justice internationale. Ce qui pourrait indiquer que le gouvernement espagnol n'est en effet plus en aussi bonne posture qu'au temps de la récupération d'Aerolineas pour mettre des bâtons dans les roues argentines et épargner à la firme espagnole des frais de procédure grâce à ses interventions. Ce matin, le cours de Repsol a fait une chute spectaculaire à la Bourse de Madrid.
Daniel Paz et Rudy trouvent bien entendu à s'en amuser avec un cocktail relevé qui mélange à part égale l'accident de chasse à l'éléphant du roi Juan Carlos en Afrique et la charge furieuse du PDG de Repsol à Madrid. Jugez-en vous-même !
Le grand dadais : Qu'est-ce qui s'est passé entre le roi d'Espagne et l'éléphant ?
Le gros moustachu : On dirait que l'eléphant a voulu exproprier Repsol.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Pour aller plus loin :
Lire l'éditorial par l'historien et économiste Mario Rapoport
En Espagne :
Lire l'article de El País (Madrid)
Lire l'article de ABC (Madrid)
Lire l'article de La Vanguardia (Barcelone - édition hispanophone)
Aux Etats-Unis (l'Oncle Sam goûte très modérément la mesure argentine)
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