dimanche 29 juillet 2012

Une citation de rock cette fois-ci [Actu]


D'ordinaire, dans les gros titres de Página/12, je vous commente des citations de tango. Cette fois-ci, à l'occasion de la clôture du salon de l'agriculture de Buenos Aires, où Hugo Biolcati le très droitier président de la Sociedad Rural (on n'en attend pas moins de lui) a annoncé son retrait de ses fonctions de représentation du secteur patronal (1) pour entamer une carrière politique, où l'on se doute qu'il va souvent croiser le fer avec la présidente, le quotidien de gauche, qui soutient cette dernière, a choisi la plus célèbre chanson de Litto Nebbia pour tailler un costard au plus emblématique de ses adversaires politiques.

L'article est très drôle, mais c'est, si vous me passez l'expression, de l'humour vache, façon Guy Bedos dans sa revue de presse, cet exercice de décapage politique qui va tant nous manquer maintenant que Bedos a décidé de quitter la scène....

La phrase adultérée, con mi vaca yo me iré a naufragar (avec ma vache (2), moi, j'irai faire naufrage) (3), vient de La Balsa (le radeau), le premier rock à texte jamais écrit en langue espagnole. C'était en 1967 quand l'auteur-compositeur-interprète Litto Nebbia (4) voulait croire, et l'avenir lui a donné raison, que l'Argentine et les Argentins avaient tout à gagner à ne pas se laisser aller au fatalisme et à la résignation, en baissant la tête sous l'impérialisme de l'Oncle Sam qui détruisait les instruments de leur développement économique et culturel, guerre froide oblige.

La Balsa, qu'aujourd'hui encore, plus de quarante ans après sa création, Litto Nebbia ne peut jamais ne pas la chanter lorsqu'il est sur scène, sinon c'est l'émeute. C'est pourquoi je l'ai traduite dans Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, une anthologie bilingue que j'ai publiée en janvier 2011 chez Tarabuste Editions. Je vous laisse aller y découvrir tout le sel du formidable fromage qu'en fait Página/12. Et d'ici là, régalez-vous en dégustant la une que je vous mets en illustration. C'est drôle mais c'est vraiment méchant.

Pour aller plus loin :

(1) La Sociedad Rural est la principale, la plus puissante et la plus ancienne organisation patronale de propriétaires agricoles.
(2) En Argentine, pour parler en général des bovins, on ne parle pas de boeufs mais de vaches.
(3) Phrase originale : con mi balsa me iré a naufragar. Tout le monde sait chanter ça à tue-tête en Argentine et dans plusieurs pays d'Amérique Latine ! La phrase est associée à une série d'échecs politiques énumérés par Biolcati pendant son discours, tandis que dans la salle, il n'y avait qu'un seul leader de la droite qui lui avait fait la courtoisie de venir l'écouter (ce qui présage en effet assez mal de son intégration dans le personnel politique argentin), Mauricio Macri, le Chef du Gouvernement Portègne, en pleine bagarre avec le Gouvernement national qu'il veut obliger à prendre en charge des frais de fonctionnement qui reviennent légalement à la Ville (l'éclairage des monuments la nuit et la gestion du métro).
(4) Vous le connaissez bien parce que je vous en parle assez souvent et les lecteurs de l'anthologie homonyme à ce blog l'apprécient beaucoup puisqu'il est le producteur (et l'un des artistes) du disque qui accompagne mon livre (Barrio de Tango, Editions du Jasmin).