dimanche 3 janvier 2010

Le Teatro de la Ribera devient la salle de tango officielle de la Ville de Buenos Aires [Actu]

Le 28 décembre 2009, le Teatro de la Ribera, dans le quartier de La Boca, est devenu le théâtre public consacré au tango à Buenos Aires. Ce théâtre, qui appartient au complexe théâtral de Buenos Aires, composé de toutes les salles de théâtre appartenant à la ville, est situé dans le quartier de la Boca. Il fait face au vieux port sur le Riachuelo et voisine avec Caminito, un coin hyper-touristique, complètement artificiel et archi-surfait de ce quartier qui brille par ailleurs par sa pauvreté insigne, et avec le Musée des Beaux-Arts de la Boca, qui fut fondé par le peintre Benito Quinquela Martín et reste pour sa part conforme à l'esprit d'origine.

Terrible décision qui va priver cette zone passablement déshéritée de Buenos Aires de l'accès à la culture autre que tanguera, comme le théâtre et la musique classique. Mais cette décision a été prise pour d'évidentes raisons commerciales et touristiques comme la plupart des actions de promotion du tango par l'actuel gouverment de la ville de Buenos Aires: il s'agit d'exploiter et de renforcer le flux touristique qui passe à Caminito, qui y laisse beaucoup d'argent sans que le quartier n'en bénéficie d'aucune manière, hormis le café La Perla de la Boca, situé tout près de là. Terrible décision puisqu'il y a au Centre Culturel San Martín, qui jouxte le Teatro San Martín et appartient au Complejo teatral de Buenos Aires, plusieurs salles de taille respectable et très bien équipées qui auraient fait l'affaire sans que la Avenida Corrientes, qui regorge de théâtres, d'auditoriums et de cinémas, ne soit privée de rien en matière culturelle.
Toujours est-il qu'à partir de mi-février (tiens donc ! Peu ou prou au moment où le Carnaval de Buenos Aires battra son plein), le très spartiate Teatro de la Ribera accueillera des milongas gratuites dans son hall d'entrée, baptisé pompeusement "foyer" (en français dans le texte officiel, comme si on était au Palais Garnier !) et dans la salle des concerts, notamment de la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires, qui se produit déjà tous les jeudis midi (dans l'année) au Teatro Alvear (avenida Corrientes), des conférences et des expositions.

Les manifestations culturelles de tango auront lieu toutes les semaines, du mercredi au dimanche, à l'heure du déjeuner, dans l'après-midi et en soirée.

L'annonce a été faite dans le cadre d'une manifestation très courue comme Hernán Lombardi a l'habitude d'en organiser autour des communiqués qu'il veut solenniser. Le ministre de la culture portègne, flanqué de son Directeur de la Musique, Diego Rivarola, a répété, comme il le fait désormais à chaque fois qu'il parle de tango, qu'il s'agissait d'une décision prise en cohérence avec l'inscription récente du genre au patrimoine de l'humanité par l'Unesco, donnant ainsi du grain à moudre à tous les gens de culture de gauche qui ont toujours craint qu'avec le présent gouvernement (ultra-libéral), ce vote à l'UNESCO serve d'abord (pour ne pas dire uniquement) des intérêts commerciaux décérébrants avant de servir l'art et la culture populaires.

Participaient à cet événement festifs entre Noël et Jour de l'An, le poète Horacio Ferrer, en sa qualité de président de la Academia Nacional del Tango, les compositeurs et bandonéonistes Raúl Garello et Néstor Marconi en leur qualité de co-directeurs de la Orquesta de Tango de Buenos Aires, le chanteur et compositeur Guillermo Fernández, les danseurs Juan Carlos Copes (tango de scène) et Eduardo Arquimbau (tango salón) ainsi que le cuarteto Viejo Rincón qui s'est produit au cours de la cérémonie, avec différents couples de danseurs qui ont fait là des démonstrations comme on sait en faire à Buenos Aires dans ces occasions-là.
La manifestation n'a cependant eu que très peu d'écho dans la presse, sitôt après l'énorme scandale dela nomination et de la démission d'Abel Posse, éphèmère et fort peu démocrate ministre de l'Education du gouvernement de Mauricio Macri, sans parler des vacances d'été qui ont commencé et des fêtes de fin d'année qui, là-bas comme ici, occupent beaucoup les esprits...

La décision d'attribuer une salle au tango avait été annoncée par Mauricio Macri, le Chef du Gouvernement de Buenos Aires, en août 2008, au cours d'une conférence de presse pendant laquelle il avait aussi annoncé que la station de métro Malabia porterait bientôt le nom d'Osvaldo Pugliese (promesse qu'il vient de tenir, voir mon article du 13 décembre à ce sujet) et avait présenté le programme du 10ème Festival de Tango de Buenos Aires, la première édition de son mandat à la tête de la Capitale argentine (voir mon article du 31 juillet 2008 à ce sujet). Le souhait qu'une salle publique soit consacrée au tango était une revendication très ancienne des artistes professionnels, elle remonte à la fin des cabarets, au début des années 60. Ce souhait du monde artistique avait poussé Osvaldo Pugliese à fonder la Casa del Tango, qui se trouve aujourd'hui à Almagro, rue Guardia Vieja. On peut raisonnablement douter que la décision, telle qu'elle a été prise par le Ministère de la Culture portègne, satisfasse vraiment les professionnels soucieux de promouvoir le genre en le préservant des compromissions empoisonnées avec les nombreuses entreprises commerciales du tourisme et du show bussiness qui cherchent à l'accaparer et le réduisent à une bouillie insipide une fois qu'elles lui ont mis la main au collet...
Pour aller plus loin :
lire l'article de l'AMBCTA sur cette décision (l'AMBCTA est l'association des professeurs, danseurs et chorégraphes de tango argentin, dont vous trouverez un lien vers le site dans la rubrique Eh bien dansez maintenant ! dans la Colonne de droite).
Lire le communiqué officiel paru sur le Portail de la Ville de Buenos (le lien vers ce portail est disponible dans la rubrique Les villes - Las Ciudades de la Colonne de droite).