Dans un pays neuf comme l'Argentine, où
le peuple dispose de fort peu de traces matérielles pour le
relier aujourd'hui à la continuité de son histoire, la
disparition imminente des voitures historiques de la ligne A, la
première ligne de métro (subte) de Buenos Aires, recèle
des implications symboliques très lourdes qu'elle n'aurait
guère dans un vieux pays comme la France ou la
Grande-Bretagne. L'émotion qu'elle provoque ne relève
nullement d'une nostalgie passéiste ou conservatrice : c'est au contraire une réaction ulcérée contre une mesure autoritaire, prise et annoncée dans la violence verbale, la vulgarité et le mépris
et sans l'ombre d'une concertation avec les usagers, donc d'une façon
antidémocratique, par un Mauricio Macri qui s'est une
nouvelle fois piqué de son dédain pour les enjeux
culturels et patrimoniaux nationaux et populaires.
Enième rupture symbolique dans
l'histoire, déjà chaotique, d'un peuple qui aspire vivement à
la sérénité et au rassemblement de tous autour
de quelques valeurs sûres de l'identité nationale,
maintenant que le pays a renoué avec la démocratie
(cela fera trente ans en décembre prochain) et retrouvé
le chemin de la croissance économique (depuis cinq ou six
ans).
José de San Martín, dont
on fêtera dans quelques semaines le bicentenaire de la première
victoire en Amérique, à San Lorenzo, Manuel Belgrano,
dont c'était l'année en 2012 (pour le bicentenaire du
drapeau national qu'il a dessiné), le Cabildo de Buenos Aires
où fut votée l'abolition de la vice-royauté le
25 mai 1810, ce qu'on appela ensuite la Révolution de Mai, la
maison de Tucumán, où fut déclarée
l'indépendance le 9 juillet 1916, l'actuel Régiment des Grenadiers à Cheval font partie de ces quelques éléments rassembleurs, les uns immatériels, les autres matériels.
Les wagons de 1913 aussi.
Tandis que María José
Lubertino, députée du Frente para la Victoria
(kirchneriste) à la Legislatura de Buenos Aires, vient de
s'opposer par référé (amparo) à la
fermeture complète de la ligne pendant les travaux de
remplacement des voitures et pour s'assurer que le patrimoine
qu'elles représentent pour la ville et le pays sera bien
préservé, le directeur de la Bibliothèque
Nationale, le sociologue Horacio González, a publié sur
Página/12, hier, une lettre ouverte, très sobre, très
digne, en forme d'hommage que j'ai trouvé particulièrement
juste et même poignant, à ce matériel roulant, le
plus vieux encore opérationnel au monde jusqu'à
vendredi soir.
En voici une version bilingue
espagnol-français.
Espectros del Subte A
No es fácil viajar en Buenos
Aires. Pero no conozco viaje más grato en el trasporte
colectivo de la ciudad que el del Subte A. En ciertas horas de la
tarde, pareciera que hasta está por subir el propio presidente
Yrigoyen. Perón lo tomó varias veces, pero para esa
época ya existían la línea B, la C y la D. En el
examen conspirativo al que Cortázar somete a la línea A
–en su momento a cargo de la Anglo-Argentina– podemos leer: “Es
cierto que entre Loria y Plaza Once se atisba vagamente un Hades
lleno de fraguas, desvíos, depósitos de materiales y
raras casillas con vidrios ennegrecidos”. No cambiaron mucho las
cosas desde entonces, pues Cortázar quiso dar una imagen
tragicómica de la vida en la ciudad a partir de los viajes
metafísicos en la línea A.
Horacio González, Página/12
Fantômes de la ligne A
par Horacio González
Il n'est pas
facile de se déplacer dans Buenos Aires. Mais je ne connais
pas de voyage plus agréable dans les transports en commun de
la ville que celui de la ligne A du métro. A certaines heures
de l'après-midi, on dirait même que le président
Yrigoyen (1) en personne va monter. Perón l'a pris plusieurs
fois, mais à cette époque, les lignes B, C et D
existaient déjà. Dans l'examen complotiste auquel
Cortázar soumet la ligne A – quand il chargeait contre la
Anglo-Argentina (2) – nous pouvons lire : "Il est sûr
qu'entre Loria et Plaza Once (3) on aperçoit vaguement un
Hades plein de traverses, d'aiguillages, de dépôts de
matériels et d'étranges guérites aux vitres
obscurcies." Les choses n'ont pas beaucoup changé depuis
lors puisque que Cortázar a voulu donner une image
tragi-comique de la vie dans la ville à partir des voyages
métaphysiques sur la ligne A.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Lo que sugería ese cuento
cortazariano era una crítica a la modernidad, a los
aglomeramientos en las metrópolis. Hoy no podemos imaginar en
el proyecto de cambiar esos antiguos vagones de La Brugeoise,
fabricados en la ciudad de Brujas, Bélgica, ninguna reflexión
satisfactoria sobre la historia urbana que ha enhebrado este
subterráneo. Estos coches tuvieron muchas reparaciones a lo
largo de una centuria, pero ninguna de esas transformaciones dejaron
de respetar el armazón original. Son la historia misma del
transporte subterráneo durante el siglo XX, un tesoro de la
memoria urbana, corporal, temporal e incluso olfativa de la ciudad.
Cuando frenan en las estaciones, hace casi un siglo que esos coches
dejan el mismo ligero aroma a lapacho friccionado, material del que
están hechas las zapatas de freno. Hay más continuidad
urbana en ese perfume a madera rechinada que en casi ningún
otro juego con la historia de Buenos Aires que se nos ocurra hacer.
Horacio González
Ce que suggérait
ce conte cortazarien, c'était une critique de la modernité
et des juxtapositions dans les grandes villes. Aujourd'hui nous ne
pouvons voir, dans le projet de changement de ces vieux wagons de La
Brugeoise, fabriqués dans la ville de Bruges (4), en Belgique,
aucune réflexion satisfaisante sur l'histoire urbaine qu'a
enfilée ce métropolitain (5). Ces voitures ont subi
beaucoup de réparations au long d'un siècle, mais
aucune de ces transformations n'ont manqué de respecter
l'armature originale. Elles sont l'histoire même du transport
souterrain pendant le xxe siècle, un trésor
de la mémoire urbaine, corporelle, temporelle et même
olfactive de la ville (6). Quand elles freinent dans les stations, il
y a presque un siècle que ces voitures lâchent le même
léger arôme de bignonia qu'on frotte (7), matériau
dont sont faites les semelles de frein (8). Il y a presque plus de
continuité urbaine dans ce parfum de bois grinçant que
dans aucun autre jeu avec l'histoire de Buenos Aires auquel il nous
soit donné de jouer.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Cuando escucho el traqueteo del tren
que se acerca ensayo una plegaria subterránea. ¿Cómo
llamarla? ¿Rezo por el antiguo vagón? ¿Súplica
para que aparezcan los vagones belgas, la esperanza de que surjan de
la boca oscura del túnel esas desgonzadas berlinas que se
bambolean de lo lindo, y no los sustitutos anodinos que fueron
apareciendo con el tiempo? A veces se presentan unos intrusos vagones
–igual los respetamos– que provienen de la fábrica
Materfer, de la ciudad de Ferreyra, Córdoba. Fue primero la
Fiat la que los hizo; ahora, en otras manos, y en otros aires de
época, esa fábrica se inclina a producir máquinas
cosechadoras y viales. ¡Pero si aparece el tren de La
Brugeoise, cartón lleno! ¿Es que está repleto?
¡Sí, pero entramos igual!
Horacio González
Quand j'entends le tintamarre du train
qui s'approche, je teste une prière souterraine. Comme
l'appeler ? Office pour l'ancien wagon ? Supplique pour que
les wagons belges fassent leur apparition, l'espérance que
surgissent de la bouche obscure du tunnel ces berlines vétustes
qui tanguent joliment et non les substituts anonymes qui ont fait
leur apparition avec le temps ? Parfois ce sont des wagons intrus
qui se présentent - mais on les respecte autant - qui
proviennent de la manufacture Materfer, de la ville de Ferreyra, à
Córdoba (9). Ce fut Fiat d'abord qui les fit. Maintenant,
passée dans d'autres mains et dans l'air d'un autre temps,
cette manufacture a tendance à produire des
moissonneuses-batteuses et des engins de travaux publics. Mais si
jamais c'est le train de la Brugeoise qui fait son apparition, carton
plein ! Est-ce qu'il est bondé ? Tant pis, on monte quand
même !
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Los habitués del Subte A –nombre
que ha resistido a la desabrida adopción universal de la
palabra Metro– toleramos la abolición de la esterilla en los
asientos y las respetuosas reformas que en una centuria se hicieron
en los talleres Polvorín (barrio de Caballito); eso prueba que
no somos fanáticos, agradecíamos si apenas lográbamos
introducirnos en un viaje entre maderas que chirrían, tan solo
mascullantes, haciéndonos recordar a los viajeros de antaño,
a esas miles y miles de sombras con sombrero Panamá y el
desvanecido fieltro, como contemporáneos de una civilización
extinguida. El sombrero comenzó a desaparecer por efecto del
transporte urbano (aunque ahora las mochilas estudiantiles hacen que
a ciertas horas todos los pasajeros tengan doble espalda). Viajar no
es fácil. Pero el Subte A, para quien sepa entenderlo, ofrece
el consuelo de sus farolas interiores de vidrio ondulante, una
orfebrería de estaño de diseño artístico,
un vago art-nouveau a la belga.
Horacio González
Les piliers [clients] de la ligne A –
[subte] nom qui a résisté à l'adoption débridée
et universelle du terme Metro – nous supportons l'abolition du
liseré sur les sièges et les réformes
respectueuses qui, pendant un siècle, ont été
faites dans les ateliers Polvorín du quartier de Caballito
(10). Ceci prouve que nous ne sommes pas des fanatiques, nous avions
de la gratitude quand nous arrivions à grand peine à
nous faire une petite place pour un voyage au milieu du bois qui
geignait, comme entre ses dents, nous faisant nous souvenir
des voyageurs de jadis, de ces milliers et milliers d'ombres coiffées
de chapeaux Panama et de feutres évanouis, comme de
contemporains d'une civilisation éteinte. Le chapeau commença
à disparaître par l'effet du transport urbain (encore
qu'aujourd'hui, les sacs à dos des étudiants font qu'à
certaines heures tous les passagers ont le dos multiplié par
deux). Se déplacer n'est pas facile. Mais la ligne A, pour qui
sait le comprendre, offre la consolation de ses lanternes intérieures
en verre ondulé, une orfèvrerie d'étain de forme
artistique, vagabond art-nouveau à la belge. (11)
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Siempre el subte A fue semipenumbroso.
Pero al estar apenas unos metros bajo tierra, he allí una
compensación. Si uno se asoma por las ventanillas para ver
oblicuamente las aperturas de salida, puede percibir la gente que
pasa por la calle desde el propio vagón. Es como en un
propiedad horizontal, proyectada en un amplio territorio para que no
perdamos de vista que la vida es eso mismo, la simultaneidad visible
entre los que marchan por arriba y los que marchan por debajo; todos
viandantes, todos complementándose, pues los unos serán
los otros.
Horacio González
La ligne A a toujours été
plongée dans une demi-pénombre. Mais comme elle est
juste quelques mètres sous terre, cela me fait une
compensation. Si on se met à la fenêtre pour voir à
l'oblique les ouvertures des sorties, on peut entrapercevoir les gens
depuis le wagon qui marchent dans la rue (12). C'est comme dans une
propriété horizontale, projetée sur un large
territoire pour que nous ne perdions pas de vue que la vie c'est cela
même, la simultanéité visible entre ceux qui
marchent au-dessus et ceux qui marchent en-dessous, tous piétons,
tous complémentaires, car les uns peuvent aussi être les
autres.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Hoy viajamos en el Subte A junto al
piélago de nuestros pasajeros antepasados. Millones de
espectros mudos viajaron allí. ¿Cómo calificar
el desprecio con que se habla de esos vagones? Se lee que hay
expertos barceloneses, expertos chinos, examinando esas supuestas
ruinas ciudadanas. ¿Sabrán que desde la escalinata de
la Estación Congreso Roberto Arlt hizo su aguafuerte sobre el
Golpe de Uriburu? Dentro de algunos siglos, otros espectros podrán
hablar con algún técnico chino sobre estos episodios.
Si hasta algunos gerentes de la Anglo-Argentina algo llegaron a
comprender. Pero por el momento, la operación de demolición
histórica sobre esta línea donde ciertas estaciones
conservan en el molinete gastados bastones de madera, donde millones
empujaron y dejaron las invisibles marcas de sus manos apuradas, es
de las más desdichadas acciones en las que puede empeñarse
un gobierno municipal.
Horacio González
Aujourd'hui, nous nous déplaçons
sur la ligne A aux côtés de l'océan de nos
ancêtres passagers. Des millions de fantômes muets ont
emprunté cette ligne pour se déplacer. Comment
qualifier le mépris avec lequel on parle de ces wagons ?
(13) On lit qu'il y a des experts barcelonais, des experts chinois,
qui se sont penchés sur ces prétendues épaves
citadines. Est-ce qu'ils savent que sur l'escalier de la station
Congreso, Roberto Arlt a réalisé son Eau-forte sur le
Coup d'Etat de Uriburu ? (14) Dans quelques siècles,
d'autres fantômes pourront parler avec quelque technicien
chinois des épisodes que nous vivons. Or même plusieurs directeurs de la Anglo-Argentina ont réussi à
comprendre un peu. Mais pour le
moment, l'opération de démolition historique sur cette
ligne, où certaines stations conservent sur les tourniquets
[d'entrée] leurs vielles barres de bois usées, que des
millions de gens ont poussées et sur lesquelles ils ont laissé
les empreintes invisibles de leurs mains pressées, appartient
aux plus funestes actions dans lesquelles puisse s'embarquer un
gouvernement municipal.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
El futuro viajero perderá su
historia a cambio de un mendrugo de felicidad ilusoria, un poco de
aire acondicionado para sentirse un ciudadano beatificado, sin
sospechar que ya era un pasajero derrotado. Le habían dado los
asientos de plástico premoldeados, unos minutos menos de
retraso en el viaje, y los domingos, el bálsamo de pasear con
algunos de los viejos trenes belgas por Caballito. Pero era ya un
pasajero fosilizado. El fáustico modernizador, no se crea, es
también un museólogo. El amor a la ciudad existe, pero
es más verdadero cuando no se lo proclama con sospechoso
fervor. Incluso a “Mi Buenos Aires querido” se le va un poco la
mano. Creo que los que así lo deseemos, como síntoma
cauto y efectivo de resistencia, debemos prepararnos para hacer
nuestros últimos viajes por los saltarines vagones de La
Brugeosie (15).
Horacio González
Le voyageur futur oubliera son histoire
pour un croûton de pain l'illusoire félicité, un
peu d'air conditionné pour se sentir un citoyen béat
tel un ravi de la crèche, sans soupçonner qu'il était
déjà un passager vaincu. On lui avait donné des
sièges en plastique moulé, deux ou trois minutes de
moins de retard dans son déplacement et les dimanches, le
baume d'une promenade à Caballito dans quelques uns des vieux
trains belges. Mais il sera alors un passager fossilisé. Le
modernisateur faustien, quand bien même on ne le croirait pas,
est aussi un conservateur de musée. L'amour de la ville
existe, mais il est d'autant plus authentique qu'il n'est pas proclamé
avec une ferveur suspecte (16). Même Mi Buenos Aires querido
(17) a la main qui le démange un peu. Je crois que nous qui en
avons envie, comme d'un signal sagace et effectif de résistance,
il nous faut nous préparer à faire nos derniers
déplacements dans les wagons sautillants de La
Brugeoise.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Pour accéder à cet
éditorial dans sa publication originale, sans interruption de
traduction :
Pour aller plus loin :
lire l'article de ce matin sur le
référé déposé par la députée
María José Lubertino contre la décision de
fermeture de la ligne A du 12 janvier au 8 mars prochain.
Ajout
du 10 janvier 2013 :
lire
la dépêche de l'agence nationale Télam sur la
proposition des associations de défense du patrimoine, qui
suggèrent que les wagons La Brugeoise soient maintenus en
service hors des heures de pointe (ce qui doit présenter une
difficulté technique puisque ces wagons ne supporteraient pas
le plus haut voltage qu'exigent leurs remplaçants de
fabrication chinoise).
(1) Hipólito Yrigoyen
(1852-1933), premier président de la Nation élu au
suffrage universel (masculin et uniquement des citoyens argentins de
naissance) en 1916, co-fondateur de la UCR (Unión Cívica
Radical) en 1891, premier parti constitué en tant que tel en
Argentine. Ses mœurs austères et ses manières simples
l'ont rendu très populaire. Il est l'un des premiers à
avoir voulu assurer l'indépendance du pays, économique
et stratégique, à l'égard des grandes puissances
qu'étaient alors la Grande-Bretagne et la France. Il fut parmi
les premiers usagers de ce métro, qui était le premier
métro en Amérique du Sud, d'où la légitime
fierté des Argentins à son égard.
(2) Importante société
industrielle qui a néo-colonisé la République
Argentine au profit des intérêts de capitaux
britanniques, avec la complicité d'une partie importante de
l'oligarchie nationale. Julio Cortázar, écrivain et
romancier pro-castriste, ne pouvait qu'avoir ce type de société
dans le collimateur.
(3) Deux stations de la ligne, qui
délimitaientt le tout premier parcours desservi par le métro.
Depuis, la ligne s'est prolongée tant à l'est, jusqu'à
Leandro Alem (presque sur le port), que vers l'ouest, où les
prolongations sont encore en cours de réalisation (aujourd'hui
le terminus est à Carabobo).
(4) Il faut expliquer aux Argentins le
sens de l'expression La Brugeoise car le nom de la ville en espagnol
ne permet pas de faire le lien avec cette ville mythique pour un
Latino-Américain qu'est Bruges (nom en français),
Brugge (en flamand). Noter qu'à cette époque-là,
à Bruges on parlait encore le français quand on était
un capitaine d'industrie... Brujas está en la parte
neerlando-hablante de Bélgica.
(5) La métaphore utilisée
ici est celle du fil que l'on fait passer dans le chas d'une
aiguille.
(6) Je souscris à 100%, moi qui
n'ai aucun souvenir d'enfance lié à ce métro des
antipodes. Mais en effet, ces voitures présentaient toutes les
singularités évoquées dans cette liste.
(7) Le lapacho est un bois d'Amérique
du Sud.
(8) Comme vous le voyez, la
nationalisation symbolique et l'acculturation de ces wagons, dont on
souligne volontiers l'origine étrangère à Buenos
Aires, a été complète, jusque dans ces matériaux
si typiquement argentins et si peu belges, utilisés pour
l'entretien successif du système roulant...
(9) Il s'agit
d'un certain nombre de wagons supplémentaires qui ont été
produits en Argentine après la déclaration de la
première guerre mondiale, parce que, la Belgique très
vite passée sous occupation allemande à part un
confetti du littoral d'où le roi Albert 1er
continuait d'animer la lutte à la tête de l'armée
régulière enfoncée partout ailleurs,
l'entreprise de Bruges ne pouvait plus honorer le reste de la
commande. L'Argentine est toujours restée très
respectueuse de la résistance acharnée dont la petite
Belgique a offert l'exemple au monde entier pendant la première
guerre mondiale face au gros Empire allemand (et avec une reine
d'origine bavaroise !). A cette Belgique combattante, les Argentins
ont même dédié un tango (Bélgica), pour
lui rendre hommage, en même temps qu'ils saluaient les
combattants français de la bataille de la Marne avec le tango
El Marne. Pendant la première guerre mondiale, il n'y eut pas
beaucoup de courants pro-germaniques en Argentine. Il faut dire aussi
que l'Italie entra en guerre du côté des Alliés
dès 1915, ce qui explique que le cœur des Argentins battent
plus facilement pour les puissances alliées.
(10) Où les anciens wagons sont
censés être entreposés après leur retrait
du service par convoi routier, semble-t-il. Donc en surface. Ce qui
promet un beau bazar supplémentaire.
(11) Victor Horta (1861-1947) était
né en Flandres, à Gand, donc pas très loin de
Bruges.
(12) C'est remarquablement bien
observé. Je n'ai jamais vérifié la chose depuis
une fenêtre (j'aurais eu trop peur de la casser en m'appuyant
un peu trop dessus), mais sur le marchepied du wagon, c'est tout
aussi vrai...
(13) Ce "on"
désigne bien entendu le Gouvernement de la Ville Autonome de
Buenos Aires. Voir mes articles antérieurs en cliquant sur le
mot-clé subte, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to
search, ci-dessus.
(14) Roberto Arlt (1900-1942), un des
grands intellectuels de gauche des années 1930, romancier,
dramaturge et journaliste, autodidacte avec un passé d'enfant
maltraité, qui en a fait un artiste de la colère et de
la rebellion, au caractère impossible et à l'immense
talent d'écorché vif. Les eaux-fortes dont il est
question ici sont des textes de critique sociale et politique qui
parurent dans le quotidien El Mundo. Il fut emporté très
jeune par une crise cardiaque. José Uriburu fut l'auteur du
premier coup d'Etat militaire de l'histoire argentine, en septembre
1930, ouvrant ce qu'on appelle la Década Infame (la décennie
odieuse), qui fut à la fois anglophile et proche de l'Italie
musolinienne. Voir mon Vade mecum historique, dans la rubrique
Petites Chronologies, dans la partie médiane de la Colonne de
droite.
(15) La Brugeosie : coquille originale
de Página/12. C'est difficile pour les Argentins de respecter
l'orthographe française (et je ne vous parle pas de la
prononciation de ce nom...)
(16) Allusion à différents
slogans politiques mis en place par Macri, du type En todo estás
vos (c'est toi qui es au centre de tout) que vous lisez en dessous
des invitations du Museo Casa Carlos Gardel par exemple, ou Mi Buenos
Aires Querible (Mon Buenos Aires aimable) qui est un des slogans du
ministère du Tourisme confondu avec le ministère de la
Culture, dont le portefeuille commun est confié à
Hernán Lombardi, qui a été bien silencieux dans
toute cette affaire.
(17) Mon Buenos Aires bien-aimé,
titre d'un célèbre tango paraphrasé par le
slogan de Macri, Mi Buenos Aires Querible (voir ci-dessus).