Photo Página/12 - Sandra Cartasso |
Une
juge du tribunal du Contentieux administratif de la Ville Autonome de
Buenos Aires vient de donner raison à une députée
de la Legislatura (voir Trousse lexicale d'urgence en Colonne de droite) qui voulait obtenir la garantie de sauvegarde de ce
patrimoine que représentent les 95 wagons dits La Brugeoise
(qu'ils soient vraiment sortis des ateliers belges La Brugeoise avant
la Grande Guerre ou qu'ils aient été fabriqués
en Argentine après que le conflit avait interrompu les
livraisons en provenance de Bruges). Ces wagons circulaient sur la
ligne A du métro (subte). Depuis samedi, ils sont en cours de
retrait et ce retrait, le Gouvernement portègne l'a annoncé
comme définitif, avec force cynisme et mauvaise foi (voir les
épisodes précédents en cliquant sur le mot-clé
subte dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus).
A
Buenos Aires, il se murmure déjà que, ne pouvant pas
tous être stockés dans l'espace couvert des ateliers de
maintenance Polvorín, un certain nombre de ces wagons seraient
destinés au futur atelier Mariano Acosta qui, pour l'heure,
n'est qu'un simple terrain vague à l'air libre, ce qui
soumettrait ces véhicules presque centenaires aux intempéries
les plus variées ("tempêtes de soleil" comme les Portègnes surnomment les canicules, pluies diluviennes, chutes de grêle
les jours d'orage...).
La
juge, siégeant en session d'urgence, car nous sommes en pleine
vacance judiciaire (on est en plein été dans
l'hémisphère sud), a donc ordonné au
Gouvernement portègne de mettre en œuvre "toutes
les mesures" propres
à "protéger
et préserver intégralement"
l'ensemble de cette flotte historique et à la "maintenir
en état de marche".
Elle ordonne que le Gouvernement portègne rende compte "de
manière publique et régulière" de toutes les
mesures "matérielles et juridiques" prises au sujet de ces
voitures et de "donner à toutes les organisations d'usagers,
aux associations culturelles et aux parlementaires l'accès à
toute l'information relative à chaque élément de
la flotte et aux lieux physiques où elle est entreposée".
Elle impose enfin au Gouvernement de lui fournir d'ici deux jours les
éléments qui justifient selon lui la fermeture totale
de la ligne pendant 56 jours d'affilée et les alternatives
qu'il a envisagées avant de décider cette fermeture (on
suppose en effet qu'aucune alternative n'a jamais été
examinée, vu le manque total de mesure mise en place pour
assurer un service de remplacement).
Bref,
elle vient de prendre un ensemble de décisions de nature
démocratique. Il y a fort à parier que le Gouvernement
n'en appliquera aucune, puisque Mauricio Macri n'a jamais respecté
les injonctions de la justice locale dont il relève.
Dans
sa décision, la juge a rappelé une autre de ses
interventions en référé suite à une
plainte de certains danseurs du Teatro Colón pendant les
travaux de restauration, achevés en avril 2010. Elle avait dû
protéger les planches de la scène de cette grande
institution lyrique que la société privée en
charge des travaux découpait en petits morceaux pour les
offrir comme cadeaux d'affaire à ses clients dans le monde
entier. Le plancher original posé en 1908, lors de la
construction de l'Opéra !
A
l'énoncé de la décision, la députée
María Rachid, auteur du dépôt de plainte (1), l'a
commentée en ces termes, cités par Página/12 :
“La
ciudad de Buenos Aires debe conservar su patrimonio cultural, como lo
hacen muchas ciudades en el mundo, constituido no sólo por
estos coches históricos sino también por su
funcionamiento, que constituye en sí mismo la vivencia
histórica de nuestra identidad cultural. Los mismos pueden
refaccionarse, adaptarse y funcionar, si no todos los días, al
menos los fines de semana y feriados”
María
Rachid (in Página/12)
La
Ville de Buenos Aires doit conserver son patrimoine culturel, comme
le font de nombreuses villes dans le monde, constitué non
seulement par ces voitures historiques mais aussi par leur
fonctionnement qui constitue en soi la continuité historique
de notre identité culturelle (2). Ces voitures peuvent être
restaurées, adaptées et marcher sinon tous les jours au
moins le week-ends et les jours fériés.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
Pour
aller plus loin :
La
députée tient un blog mais la dernière mise à
jour datant du 25 septembre dernier, je ne vous y renvoie pas puisque
ça ne présente aucun intérêt dans cette
affaire.
(1)
Il y a eu plusieurs référés au sujet de cette
rénovation de la ligne A, dont au moins deux à
l'initiative de députées de la Legislatura, toutes deux
du Frente para la Victoria (parti kirchneriste).
(2)
Lire le plaidoyer très clair et très argumenté
du Directeur de la Bibliothèque Nationale, Horacio González,
que je vous ai intégralement traduit dans mon article du 8 janvier 2013.