"La
gente tendrá que buscar otras formas de viajar". C'est
par cette phrase brutale pour les usagers des transports en commun et
pleine de morgue que Mauricio Macri a voulu clore la discussion sur
la fermeture, contestée et semble-t-il contestable, de la
ligne A du métro portègne (subte), qui aura bien lieu du 12
janvier au 8 mars 2013. Soit toute la saison estivale, toute la
période des vacances où les secteurs économiques
non touristiques travaillent avec un personnel réduit du fait
des congés et où le secteur touristique a besoin d'une
ville aussi peu congestionnée que possible du point de vue du
trafic automobile et de la pollution qui en dérive...
Aucune
des propositions alternatives n'a bien entendu été
retenue par le Gouvernement portègne. Il faut dire qu'elles
étaient proposées par les syndicats de cheminots et que
Macri n'envisage plus jamais d'avoir le moindre geste de conciliation
envers eux. D'ailleurs, ce n'est même pas lui qui s'est chargé
d'annoncer la mauvaise nouvelle au public, il est en vacances et se
dore à la plage. Il a laissé cette tâche ingrate
à Juan Pablo Piccardo, Directeur du service d'Etat encore
en charge du métro de Buenos Aires.
Sur
le portail officiel de la Ville, il est très difficile de
trouver une quelconque information sur cette fermeture, malgré
l'impact qu'elle ne peut manquer d'avoir sur la vie quotidienne des
Portègnes et la plupart des touristes (qui ne sont pas tous,
loin de là, des gens fortunés se déplaçant
en voiture de maître avec chauffeur incorporé !). On
n'en trouve pas non plus sur la page d'accueil de la société
concessionnaire du métro, Metrovías, ce qui est encore
plus étonnant. De là à croire que les opposants
à la mesure ont bel et bien raison et que cette fermeture ne
se justifie pas, il n'y a qu'un pas. Quand un élu prend une
mesure légitime, il n'a aucun mal à présenter
ses arguments et à défendre sa décision. En
l'occurrence, rien, le silence, et débrouillez-vous comme vous
pouvez.
On
s'en tient donc à la presse. Página/12 maintient son
cap en faisant un large écho aux positions des représentants
du personnel roulant. Clarín fait semblant de ne rien voir et
soutient vaille que vaille la décision du PRO. Quant à
La Nación, elle reprend à son compte les interprétations tirées
par les cheveux que Macri a faites des conclusions des rapports
d'audit qu'il a demandé et dont Página/12 révèle
le prix qu'elles ont coûté (c'est bonbon !).
Cacophonie
assurée dans la communication politique et chaos des
transports à la surface pour près de deux mois...
Le
plus émouvant des articles est sans doute celui de La Nación,
qui reprend une poignée de réactions très
nostagiques de certains lecteurs...
"Me
encantaban esos coches, estaban llenos de recuerdos; deberían
jubilarlos en algún lugar de privilegio."
Patricia
Centurión
Je
les trouvais pleines de charme, ces voitures. Elles étaient
pleines de souvenirs. Il faudrait les mettre au rancard dans un
endroit qui ait de la classe.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
"Los
utilicé en el año 76, haciendo la colimba. Todos los
días lo tomaba a las 5.50 desde Castro Barros hasta Av. de
Mayo. Toda una experiencia para un chico pueblerino que no tenía
idea de lo que era una ciudad enorme como Buenos Aires. Recuerdo que
los vagones se bamboleaban tanto que a mí me parecía
muy peligroso, más cuando se cruzaba con el tren que venía
de frente."
Marcelo
Abdala
Je
les ai pris en 1976, quand je faisais mon service. Tous les jours, je
prenais [le métro] à 5h50, de la station Castro Barros
(1) jusqu'à Avenida de Mayo (2). C'était toute une
expérience pour un jeune de la campagne qui n'avait aucune
idée de ce qu'était une ville énorme comme
Buenos Aires. Je me souviens que les wagons brinquebalaient tellement
que ça me paraissait très dangereux à moi,
surtout quand on croisait le train qui venait de l'autre côté.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
"Mi
recuerdo es de la infancia; cuando viajábamos en familia,
pedíamos ir al último asiento del último vagón
y entonces con mis hermanos, mirábamos por la ventana la
oscuridad de los túneles y fabulábamos con monstruos y
fantasmas, era muy gracioso. Con respecto a los vagones son los 'MÁS
LINDOS', ojalá los mantengan como atracción turística."
Georgina
Lambruschini
Pour
moi, c'est un souvenir d'enfance. Quand nous nous déplacions
en famille, nous demandions à nous asseoir sur le dernier
siège du wagon de queue et alors avec mes frères et
sœurs, on regardait par la fenêtre le noir des tunnels et on
s'inventait des monstres et des fantômes. C'était très
drôle. Pour les wagons, ce sont les PLUS CHOUETTES. Pourvu
qu'on les préserve comme attraction touristique.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
D'après
Clarín, Piccardo a déclaré que quinze de ces
voitures historiques que l'on s'apprête à mettre au
rancard seront sauvegardées, restaurées (beaucoup
d'entre elles ont été taguées et abîmées
par les mêmes vandales urbains qui dévastent toutes les
grandes villes du monde occidental), et réservées à
des parcours touristiques. Página/12 ajoute que Piccardo a
tenu à démentir les rumeurs lancées, dans une
blague sinistre et cynique, par le Premier ministre portègne
(voir mon article du 30 décembre 2012) : aucune voiture
ne sera détruite, celles qui ne font pas partie du lot
destiné aux futurs parcours touristiques, seront toutes cédées à
des associations culturelles ou touristiques pour des projets en lien
avec le patrimoine. On se demande bien cependant sur quels
parcours touristiques nos quinze rescapées pourraient bien
être utilisées puisque elles ne supporteront plus le
nouveau voltage de la ligne A, monté pour les besoins des
voitures made in China qui vont leur succéder, ni aucun autre
voltage d'aucune autre ligne.
Ces
voitures de fabrication chinoise dont le délégué
syndical du métro ironise quant aux prétendues avancées
technologiques dans Página/12 :
“La
gente va a viajar más hacinada pero con aire acondicionado.
Los trenes de madera no tienen problemas de seguridad. Lo que dice la
auditoría es que es tecnología obsoleta: el sistema de
señales y de frenado es mecánico y no electrónico.
Pero los que van a poner tampoco lo van a tener”
Les
gens vont voyager encore plus serrés comme des sardines mais
avec l'air conditionné. Les trains de bois n'ont pas de
problème de sécurité. Ce que dit la société
d'audit, c'est que la technologie est obsolète. Le système
d'alerte et de freinage est mécanique et non pas électronique.
Mais ceux qu'on va mettre à la place, ils ne l'auront pas non
plus [le système électronique].
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
Pour
aller plus loin :
lire
l'article de Clarín
(1)
A mon tour d'exprimer ma propre nostalgie... La station Castro
Barros, du nom d'un député au Congrès de
Tucumán, l'assemblée qui déclara l'indépendance
le 9 juillet 1816, a longtemps été la mienne lorsque
j'habitais à Almagro, pendant mes séjours à
Buenos Aires. Cela m'a fait trois séjours comme on dit familièrement et je garde des souvenirs
précis de cette station et de ces wagons, que depuis trois autres
années, je prenais à Perú, nettement plus à
l'est.
(2)
J'ignore à quelle station il se réfère parce que la ligne dessert
plusieurs arrêts sur Avenida de Mayo. Peut-être veut-il
parler de Plaza de Mayo.