samedi 5 janvier 2013

"Les gens n'auront qu'à chercher un autre mode de transport !" [Actu]


"La gente tendrá que buscar otras formas de viajar". C'est par cette phrase brutale pour les usagers des transports en commun et pleine de morgue que Mauricio Macri a voulu clore la discussion sur la fermeture, contestée et semble-t-il contestable, de la ligne A du métro portègne (subte), qui aura bien lieu du 12 janvier au 8 mars 2013. Soit toute la saison estivale, toute la période des vacances où les secteurs économiques non touristiques travaillent avec un personnel réduit du fait des congés et où le secteur touristique a besoin d'une ville aussi peu congestionnée que possible du point de vue du trafic automobile et de la pollution qui en dérive...

Aucune des propositions alternatives n'a bien entendu été retenue par le Gouvernement portègne. Il faut dire qu'elles étaient proposées par les syndicats de cheminots et que Macri n'envisage plus jamais d'avoir le moindre geste de conciliation envers eux. D'ailleurs, ce n'est même pas lui qui s'est chargé d'annoncer la mauvaise nouvelle au public, il est en vacances et se dore à la plage. Il a laissé cette tâche ingrate à Juan Pablo Piccardo, Directeur du service d'Etat encore en charge du métro de Buenos Aires.

Sur le portail officiel de la Ville, il est très difficile de trouver une quelconque information sur cette fermeture, malgré l'impact qu'elle ne peut manquer d'avoir sur la vie quotidienne des Portègnes et la plupart des touristes (qui ne sont pas tous, loin de là, des gens fortunés se déplaçant en voiture de maître avec chauffeur incorporé !). On n'en trouve pas non plus sur la page d'accueil de la société concessionnaire du métro, Metrovías, ce qui est encore plus étonnant. De là à croire que les opposants à la mesure ont bel et bien raison et que cette fermeture ne se justifie pas, il n'y a qu'un pas. Quand un élu prend une mesure légitime, il n'a aucun mal à présenter ses arguments et à défendre sa décision. En l'occurrence, rien, le silence, et débrouillez-vous comme vous pouvez.

On s'en tient donc à la presse. Página/12 maintient son cap en faisant un large écho aux positions des représentants du personnel roulant. Clarín fait semblant de ne rien voir et soutient vaille que vaille la décision du PRO. Quant à La Nación, elle reprend à son compte les interprétations tirées par les cheveux que Macri a faites des conclusions des rapports d'audit qu'il a demandé et dont Página/12 révèle le prix qu'elles ont coûté (c'est bonbon !).
Cacophonie assurée dans la communication politique et chaos des transports à la surface pour près de deux mois...

Le plus émouvant des articles est sans doute celui de La Nación, qui reprend une poignée de réactions très nostagiques de certains lecteurs...

"Me encantaban esos coches, estaban llenos de recuerdos; deberían jubilarlos en algún lugar de privilegio."
Patricia Centurión

Je les trouvais pleines de charme, ces voitures. Elles étaient pleines de souvenirs. Il faudrait les mettre au rancard dans un endroit qui ait de la classe.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

"Los utilicé en el año 76, haciendo la colimba. Todos los días lo tomaba a las 5.50 desde Castro Barros hasta Av. de Mayo. Toda una experiencia para un chico pueblerino que no tenía idea de lo que era una ciudad enorme como Buenos Aires. Recuerdo que los vagones se bamboleaban tanto que a mí me parecía muy peligroso, más cuando se cruzaba con el tren que venía de frente."
Marcelo Abdala

Je les ai pris en 1976, quand je faisais mon service. Tous les jours, je prenais [le métro] à 5h50, de la station Castro Barros (1) jusqu'à Avenida de Mayo (2). C'était toute une expérience pour un jeune de la campagne qui n'avait aucune idée de ce qu'était une ville énorme comme Buenos Aires. Je me souviens que les wagons brinquebalaient tellement que ça me paraissait très dangereux à moi, surtout quand on croisait le train qui venait de l'autre côté.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

"Mi recuerdo es de la infancia; cuando viajábamos en familia, pedíamos ir al último asiento del último vagón y entonces con mis hermanos, mirábamos por la ventana la oscuridad de los túneles y fabulábamos con monstruos y fantasmas, era muy gracioso. Con respecto a los vagones son los 'MÁS LINDOS', ojalá los mantengan como atracción turística."
Georgina Lambruschini

Pour moi, c'est un souvenir d'enfance. Quand nous nous déplacions en famille, nous demandions à nous asseoir sur le dernier siège du wagon de queue et alors avec mes frères et sœurs, on regardait par la fenêtre le noir des tunnels et on s'inventait des monstres et des fantômes. C'était très drôle. Pour les wagons, ce sont les PLUS CHOUETTES. Pourvu qu'on les préserve comme attraction touristique.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

D'après Clarín, Piccardo a déclaré que quinze de ces voitures historiques que l'on s'apprête à mettre au rancard seront sauvegardées, restaurées (beaucoup d'entre elles ont été taguées et abîmées par les mêmes vandales urbains qui dévastent toutes les grandes villes du monde occidental), et réservées à des parcours touristiques. Página/12 ajoute que Piccardo a tenu à démentir les rumeurs lancées, dans une blague sinistre et cynique, par le Premier ministre portègne (voir mon article du 30 décembre 2012) : aucune voiture ne sera détruite, celles qui ne font pas partie du lot destiné aux futurs parcours touristiques, seront toutes cédées à des associations culturelles ou touristiques pour des projets en lien avec le patrimoine. On se demande bien cependant sur quels parcours touristiques nos quinze rescapées pourraient bien être utilisées puisque elles ne supporteront plus le nouveau voltage de la ligne A, monté pour les besoins des voitures made in China qui vont leur succéder, ni aucun autre voltage d'aucune autre ligne.

Ces voitures de fabrication chinoise dont le délégué syndical du métro ironise quant aux prétendues avancées technologiques dans Página/12 :
La gente va a viajar más hacinada pero con aire acondicionado. Los trenes de madera no tienen problemas de seguridad. Lo que dice la auditoría es que es tecnología obsoleta: el sistema de señales y de frenado es mecánico y no electrónico. Pero los que van a poner tampoco lo van a tener”

Les gens vont voyager encore plus serrés comme des sardines mais avec l'air conditionné. Les trains de bois n'ont pas de problème de sécurité. Ce que dit la société d'audit, c'est que la technologie est obsolète. Le système d'alerte et de freinage est mécanique et non pas électronique. Mais ceux qu'on va mettre à la place, ils ne l'auront pas non plus [le système électronique].
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour aller plus loin :


(1) A mon tour d'exprimer ma propre nostalgie... La station Castro Barros, du nom d'un député au Congrès de Tucumán, l'assemblée qui déclara l'indépendance le 9 juillet 1816, a longtemps été la mienne lorsque j'habitais à Almagro, pendant mes séjours à Buenos Aires. Cela m'a fait trois séjours comme on dit familièrement et je garde des souvenirs précis de cette station et de ces wagons, que depuis trois autres années, je prenais à Perú, nettement plus à l'est.
(2) J'ignore à quelle station il se réfère parce que la ligne dessert plusieurs arrêts sur Avenida de Mayo. Peut-être veut-il parler de Plaza de Mayo.