Au
creux des grandes vacances, la nouvelle a intéressé une
partie (une partie seulement) de l'Argentine : le 30 avril prochain,
immédiatement après l'abdication de la reine Beatrix,
qui deviendra dès lors la princesse Beatrix, l'actuel Prince
d'Orange deviendra roi des Pays-Bas et par conséquent son
épouse, la princesse Máxima (les Néerlandais ont
conservé l'accent espagnol sur le a de son prénom, eux !)
deviendra reine consort. C'est ainsi que pour la première
fois, une Argentine va accéder au prédicat de Majesté
royale et ce, dans un pays fondateur de l'Union Européenne.
C'est peu dire que la perspective flatte l'Argentin béat
d'admiration devant notre vieille Europe.
Tandis
que la presse des Pays-Bas s'intéresse surtout aujourd'hui à
la Reine elle-même -c'est la moindre des choses après 33
ans de bons et loyaux services-, la presse argentine, y compris
Página/12, se penche sur celle dont on attendait l'avènement
depuis février 2002, date de son mariage.
Tandis
qu'en une, Clarín (1) nous la joue convenue et terriblement nunuche, avec un ton et un contenu digne d'une midinette de 16 ans,
La Nación consacre à la princesse héritière
des Pays-Bas un véritable dossier d'une tenue convenable (en une aussi) pendant que
Página/12 relègue l'info au fin fond de ses pages intérieures, en rappelant d'une manière assez
insistante les liens familiaux de la dame avec la Junte militaire des
années 1976-1983 (on s'en souvient, Jorge Zorreguieta, son
père, fut un ministre de l'Agriculture de la Dictature, à
l'heure où ce portefeuille était tenu de fait par la
Sociedad Rural, dont il avait été l'un des principaux
dignitaires, ce qui le rend passablement antipathique aux yeux des
militants des droits de l'homme et de la gauche dans son ensemble).
La
dépêche de l'agence nationale Télam est encore ce
qu'on fait de plus objectif sur cette nouvelle...
Quelque
soit le ton de la presse argentine ce matin sur la question, il est
bon de rappeler que la princesse a su se faire aimer de ses
concitoyens néerlandais, qu'elle a accepté de réserver
à la plus stricte intimité ses relations avec ses
parents et qu'elle a fait oublier à la majorité de ses
compatriotes cette sulfureuse ascendance dans un pays qui, de son
côté, voit lui-même fondre comme un glacier au
soleil une bonne part de son ancienne et légendaire tolérance
politico-culturelle que le reste de l'Europe admirait tant...
Ayant
reçu l'éducation typique d'une fille de la Rural,
c'est-à-dire de la plus haute société argentine,
la princesse Máxima a fréquenté à Buenos
Aires des écoles huppées (privées, cela va sans
dire) où elle a été notamment éduquée
en anglais dès son âge tendre. Elle semble d'ailleurs en
conserver un soupçon de brits accent lorsqu'elle s'exprime en
néerlandais, ce qu'elle fait avec beaucoup d'aisance. J'ai
tenu à aller ce matin vérifier ce qu'il en était
sur Internet et, pour dire la vérité, elle est tout à
fait bluffante ! Elle est issue d'un cursus de l'Université
Catholique de Buenos Aires (une citadelle de la société
patricienne, à Puerto Madero) et s'est mariée dans
l'église protestante lors d'une cérémonie tintée
d'œcuménisme. Or, si je me souviens bien de ce qu'avait dit
le pasteur pendant la cérémonie, l'église des
Pays-Bas avait tenu à ce qu'elle garde son obédience
catholique, puisque par ailleurs elle acceptait que ses enfants
soient éduqués dans la religion réformée.
L'investiture
(c'est le terme officiel) du roi Willem-Alexander aura lieu le mardi
30 avril, actuelle Fête de la Reine (Koninginnedaag). On peut
être à peu près sûr que bon nombre
d'Argentins ce jour-là jetteront un coup d'œil appuyé
à leur téléviseur. Pour l'heure, la princesse
rend visite à la Marine royale dans le cadre de ses activités
officielles avec un agenda bien rempli toute cette semaine, tandis
que son mari gère sa succession sur ses différentes
missions de prince héritier, qu'il ne pourra plus exercer
d'ici quelques semaines et que sa fille aînée ne pourra
pas exercer non plus (elle est toute petite).
Et
pour comprendre le sens des termes espagnols qui font le titre de cet
article, je vous suggère d'aller écouter sur Todotango
cet enregistrement -vous allez reconnaître tout de suite le
morceau- de Lo que vendrá (ce qu'on peut traduire soit en "Ce
qui nous attend", soit en "Ce qui pourrait bien nous tomber dessus")
d'un certain Astor Piazzolla (compositeur qui accompagna la cérémonie
nuptiale de Nieuwe Kerk en février 2002, avec Karel
Kraaienhoff au bandonéon) et Después ("Plus tard"), de
Hugo Gutiérrez et Homero Manzi (ici chanté, l'année
dernière, par Raúl Lavié accompagné par
le Sexteto Mayor, ¡versión
de lujo!)
Quant
au début du titre, vous aviez deviné le sens avant que
je traduise quoi que ce soit. Vive la reine bien sûr (j'ai
quelques fidèles lecteurs aux Pays-Bas et en Flandre belge. Un
grand merci à eux pour leurs visites fréquentes sur
Barrio de Tango).
Pour
plus d'infos :
connectez-vous
au site Internet officiel trilingue (néerlandais, anglais,
allemand) de la Maison Royale des Pays-Bas, où vous trouverez
plein de trucs, dont des documents d'archive sur les thèmes
historiques, patrimoniaux et culturels les plus variés et des
vidéos téléchargeables gratuitement et
systématiquement sous-titrées (2) en néerlandais
pour malentendants (ce qui en fait un outil superbe pour ceux qui
veulent améliorer leur maîtrise de la langue.
Qu'attend-on en France pour faire de même avec nos documents
audio officiels pour promouvoir la francophonie ?)
(1)
Vous aurez remarqué sur la une un gros titre sur les
augmentations des planchers pour les pensions de retraite et le
revenu imposable. Surprenante sobriété venant de ce titre
à un moment où toute l'opposition voit dans l'annonce faite hier par la Présidente le coup d'envoi de la
campagne électorale pour les législatives du printemps
prochain. Mais ceci dit, c'est l'époque de ce genre d'annonce,
la seule différence avec les années précédentes
résidant dans l'annonce d'un relèvement du revenu
minimum imposable, une concession non négligeable à une
revendication syndicale de longue date dans le cadre des négociations
paritaires annuelles en cours sur le montant du salaire minimum.
(2)
Sauf pour la vidéo du discours d'hier. Le webmaster n'a pas dû
avoir encore le temps d'intégrer les sous-titres ou alors il
était trop pressé de mettre le document en ligne.