samedi 5 janvier 2013

Vu des antipodes [Actu]


En Argentine comme dans le reste de l'Amérique du Sud, les cadeaux continuent d'être offerts aux enfants au jour de l'Epiphanie et ce sont les trois Rois Mages qui sont censés les distribuer aux enfants sages (à ce propos, vous pouvez vous reporter à mon article du 5 janvier 2009 sur le tragique tango Noche de Reyes -nuit d'Epiphanie en français- et la milonga Papá Baltazar, beaucoup plus douce, qui traite de ce sujet avec toute la fantaisie et l'engagement social du poète Homero Manzi) (1). En Espagne, peu à peu, la coutume s'installe de donner les cadeaux le jour de Noël comme dans la majorité des autres pays d'Europe car le lendemain, l'école reprend et l'attente est trop longue pour les enfants et le temps laissé pour profiter des nouveaux jouets trop réduit...

En Argentine au contraire, on peut faire patienter les bambins jusqu'au 6 janvier (2), les grandes vacances commencent à peine. Ils auront tout le temps de profiter de leurs cadeaux jusqu'à la rentrée des classes, fixée traditionnellement au 1er mars. Or donc les enfants ont écrit des lettres à l'un ou l'autre des Rois Mages, parfois aux trois (on n'est jamais assez prudent) et le 6 janvier tombant cette année un dimanche, c'est tout le week-end qui se transforme en fête avec défilés, déguisements, distribution de friandises et tout ce qu'il faut pour amuser les petits en attendant le réveil demain matin, avec la découverte au pied du sapin des souliers mystérieusement chargés pendant la nuit.

Daniel Paz et Rudy profitent de l'occasion pour croquer leur vision de la crise européenne. Le dessin est drôle mais il est aussi très cruel (pour nous en tout cas) et comme vous le voyez, les deux complices ont vite fait d'identifier de loin le coupable de la crise, comme le font par ailleurs tous leurs collègues de la rédaction de Página/12. Ils n'y vont pas par quatre chemins : c'est bien à l'Allemagne d'Angela Merkel que profiterait la politique de restriction budgétaire, sans plus de nuances... Mettez l'Argentine de 2001 à la place de la Grèce et les Etats-Unis à la place de l'Allemagne, et vous comprenez pourquoi ce matin leur humour est si caustique et si peu bon enfant contrairement à ce que l'on aurait attendu d'eux en cette veille de fête.


Le journaliste : La rigueur continue pendant la fête des Rois ?
Le représentant de l'Union Européenne : Oui. Tout ce que les enfants grecs ont pu demander sera offert aux enfants allemands.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Ce n'est pas tout à fait exact et cela renvoie les Européens aux horreurs de l'occupation pendant la seconde guerre mondiale plus qu'à la réalité actuelle, mais ça fait réfléchir, non ?


(1) Papá Baltazar fait partie de Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, Editions du Jasmin, où il figure, en texte original et en traduction, à la page 114. Noche de Reyes est aussi présenté à la page 36.
(2) En France et en Belgique, l'Epiphanie a été reportée du 6 janvier au premier dimanche suivant le Jour de l'An. Dans les pays hispanophones et en Italie, c'est l'Ascension qui a été déplacée du traditionnel jeudi situé quarante jours après Pâques (conformément à la symbolique numérique des Ecritures) au dimanche suivant, qui reste en pays francophones et ailleurs le septième dimanche de Pâques, tout juste une semaine avant la Pentecôte. Comme quoi, l'Eglise catholique est beaucoup moins monolithique qu'on veut bien le dire...