Ce
matin (ou plutôt hier soir), La Prensa était le seul quotidien
argentin à se faire l'écho de la fermeture définitive d'un des
plus célèbres cena-show de la capitale argentine, très fréquenté
par les cars de touristes internationaux : la Esquina Carlos
Gardel, installée dans les murs d'un ancien restaurant populaire, le
Chanta Cuatro, où, après son travail de porte-faix aux halles
toutes proches (el Abasto), le futur grand chanteur avait, dans les
années 1910, l'habitude de manger un morceau gratuitement contre un
petit récital à sa façon pour le public de forts des halles et de
marchandes de poireaux qui fréquentaient l'endroit.
L'intérieur de la Esquina Carlos Gardel, tel que je l'ai vu en 2007 Luxe tapageur et bling-bling. |
La
Esquina Carlos Gardel se situe à quelques centaines de mètres de la
dernière maison de l'artiste, aujourd'hui transformée en musée
municipal (Museo Casa Carlos Gardel) et non loin de son domicile de
l'époque.
Malgré
la descente de police venue saisir tout le mobilier et le matériel
de valeur qu'il y avait à saisir dans l'établissement après son
dépôt de bilan, le site Internet continue à fonctionner comme si
de rien n'était.
La
Esquina Carlos Gardel avait été fondée il y a dix-sept ans par la
danseuse Dolores de Amo (excellente) et son mari, Juan Fabbri, l'un
des mandarins du tango à touristes dans la capitale argentine (il
possède ou du moins possédait plusieurs établissements du même
standing, qui servent aux touristes une nourriture chichiteuse et
insipide et de prétentieux spectacles à paillettes sans rapport
avec la réalité du tango de l'homme de la rue à des prix
astronomiques). Le couple avait, dit La Prensa, spéculé sur la
chute du peso et espérait que le change avantageux pour les
détenteurs de devises fortes (dollar, euro, yen) allait attirer un
flot de touristes pleins de sous (1). Ils tomberaient donc victimes
de leur stratégie cynique autant que de l'effondrement économique
général du pays. La Esquina Carlos Gardel était aussi un lieu où
des artistes talentueux trouvaient du travail et des cachets
confortables, qui leur permettaient ensuite et ailleurs de se
consacrer à leur art véritable, beaucoup moins rémunérateur mais
tellement plus authentique. L'établissement faisait aussi travailler du personnel de salle et de cuisine, des costumiers et des décorateurs, des machinistes, des techniciens du son et de la lumière et des fournisseurs.
L'homme
d'affaires avait aussi lancé la chaîne de télévision Solo Tango,
où des gens de qualité comme Nolo Correa et Gabriel Soria
produisaient et animaient de remarquables émissions. Elle est passée
maintenant en d'autres mains. Il y a environ cinq ans, il s'était
associé à un businessman à la réputation sulfureuse pour divers
projets à l'étranger, à Londres, à New York et à Chicago, mais
là encore, il a bu la tasse. Un empire des plus ambigus est sans
doute en train de s'effondrer. Il n'est pas dit que Juan Fabbri ne s'en relèvera pas !
Pour
aller plus loin :
lire
l'article de La Prensa.
(1)
En fait, la crise économique de l'Argentine n'a pas boosté le
tourisme. Les touristes ne se sont pas précipité sur la
destination. Il faut dire que le gouvernement s'y prend comme un
manche pour la développer, quand il tâche de développer quoi que
ce soit dans le secteur, et cette contre-productivité n'est pas le
propre de cette majorité. La politique touristique était tout aussi
inefficace sous les Kirchner.