Iconographie partiellement apocryphe de Miranda, dans sa jeunesse et l'époque de la Révolution du 19 avril 1810 à Caracas |
Le général Francisco de
Miranda, précurseur de l'indépendance de l'Amérique du Sud, sans
qui aucun des actuels Etats du sous-continent n'existerait dans sa
forme actuelle, a servi sous les drapeaux français dans l'Armée du
Nord, sous la première République française. Il figurait, comme
général de brigade (maréchal de camp) parmi les vainqueurs de
Valmy et de Jemmapes en septembre et novembre 1792, puis d'Anvers
avant d'être arrêté, par la trahison de Dumouriez, devant
Neerwinden, en mars 1793, alors qu'il était devenu général de
division.
Né à Caracas, le 28 mars
1750, Francisco de Miranda est mort, en prison, à Cadix, comme
rebelle au roi d'Espagne, le 14 juillet 1816, il y aura deux cents
ans dans quelques jours.
Miranda à l'époque où il servait la France |
En partenariat avec le
Souvenir Napoléonien, l'Ambassade du Venezuela viendra lui rendre
hommage une heure avant la cérémonie quotidienne de ravivage de la
Flamme du souvenir, demain mercredi 22 juin 2016, à 17h30, au pied
de l'Arc de Triomphe où son nom est gravé parmi ceux des généraux
de la Révolution et de l'Empire.
J'y serai en qualité
d'historienne spécialisée sur l'Amérique du Sud. En effet, sans
Miranda, il n'y aurait eu ni Simón Bolívar, ni Bernardo O'Higgins,
qu'il forma tous les deux, ni José de San Martín, tous trois ses
disciples, directement ou indirectement.
Le film du bicentenaire au Venezuela : Miranda revient [à Caracas en 1810] Remarquez l'anachronisme de la robe de la femme à l'arrière-plan |
Et pourtant ils sont très
peu nombreux, les chercheurs européens, à s'intéresser, dans les
institutions scientifiques, à ce personnage hors normes et à le
faire connaître, lui qui fut le seul acteur politique à avoir
participé à trois révolutions, d'abord aux Etats-Unis (on parlait
alors des Treize Colonies), ensuite en France et enfin en Amérique
du Sud, où il ne vit pas son rêve se réaliser. Un rêve pour
lequel il avait sillonné le vieux monde en tout sens pour collecter
tous les savoirs disponibles : modes de gouvernement, pratiques
militaires, botanique, agriculture, élevage, artisanat et
manufacture, arts, philosophie... Il nous a légué un important
fonds d'archives qu'il a constitué tout au long de sa vie et que le
Venezuela a fait inscrire il y a quelques années au Patrimoine
documentaire de l'Humanité : le Colombeia, que la Bibliothèque
nationale d'Espagne a récemment mis en ligne pour les besoins des
historiens (dans l'édition effectuée de 1929 à 1950 grâce à des
imprimeries situées à Caracas, à La Havane, à Buenos Aires et à
Santiago du Chili). Physiquement, ces dossiers sont entreposés à
Caracas, sous la garde de l'Académie nationale d'histoire.
Miranda est le seul
Sud-Américain qui ait participé au mouvement des Lumières.
"Miranda
n'est plus l'homme d'un seul pays, écrivait son avocat,
Claude-François Chauveau-Lagarde (1) au lendemain du 9 Thermidor. Il est devenu une sorte de propriété commune, inviolable."
C'est à cet homme
exceptionnel que l'hommage sera rendu à l'heure où la flamme est
rallumée tous les jours sous l'Arc de Triomphe, dans ce Paris qu'il
a tant aimé.
Pour mes lecteurs
sud-américains, voici les accès au site Internet de l'Arc deTriomphe et à celui de la Flamme du souvenir.
(1) Claude-François
Chauveau-Lagarde (1756-1841) fut l'avocat ultra-courageux de
Marie-Antoinette et de Charlotte Corday et tenta d'être celui de
Madame Elisabeth, la sœur de Louis XVI, mais elle fut condamné sans
l'assistance d'un défenseur ni même avoir pu rencontrer le moindre avocat.
Il fut également le défenseur de Miranda, dont il participa à
l'acquittement en 1794, ce qui faillit lui coûter la liberté
(peut-être la vie, puisque le principe même de la défense fut
supprimé pendant la Terreur et les avocats dans son genre devinrent
des suspects). C'est à peine tiré lui-même du danger qu'en tant
qu'avocat il s'exprimait ainsi, anonymement toutefois, quelques jours
après la chute de Robespierre. Ce juriste hors pair repose au
cimetière de Montparnasse où sa tombe est toujours soignée,
surtout par les royalistes à la cause desquels il se lia en 1795, ce
qui ne l'empêcha pas de reprendre sa profession sous le Consulat et
de ne plus avoir à y renoncer jusqu'à sa mort.