mercredi 24 juin 2020

Premier non-lieu pour Cristina Kirchner dans « l’affaire des Carnets » [Actu]

Cela ne manquera pas de susciter le scepticisme des courants de pensée mainstream un peu partout dans le monde et de conforter la droite argentine et sud-américaine dans ses critiques les plus acerbes contre l’actuel gouvernement mais l’ancienne présidente de la Nation et actuelle vice-présidente (donc à la tête du Sénat) Cristina Kirchner vient, avec plusieurs co-inculpés, de bénéficier d’un non-lieu (falta de mérito) dans une partie de ce qu’on a appelé « l’affaire des cahiers ». Une sombre histoire de dessous-de-table dont les opérations auraient été notées une à une dans des cahiers d’écolier par un chauffeur de taxi qui transportait le ministre chargé des valises de billets mais dont on a mis au dossier que des photocopies, parce que les originaux auraient été détruits.

Dans cette affaire comme dans les autres, il n’y a pas de preuve formelle incriminant Cristina, ses ministres et autres collaborateurs. Il n’y a que des faisceaux d’indices dont la solidité dépend beaucoup du montage qui en est fait. Dans un sens, ils semblent accabler la leader politique. Ces indices organisés autrement, l’argumentation part en fumée.

A partir du moment où Cristina Kirchner retrouvait un mandat électif à ce niveau dans l’État, il paraissait presque certain que les dossiers ouverts contre elle sous le mandat de Mauricio Macri allaient se refermer les uns derrière les autres. La contrepartie est que dans ces circonstances, les non-lieu ne la laveront jamais de tout soupçon. Sa réputation restera entachée aux yeux de qui la rejette. La droite va crier à l’impunité, à une justice fédérale soumise à l’Exécutif et à une corruption généralisée de ce nouveau gouvernement. D’autant plus que des fumets mal odorants ont déjà été reniflés dans les archives de la majorité sortante et que quelques seconds couteaux incriminés n’ont pas tardé à passer aux aveux (1), notamment dans la récente affaire de l’espionnage ordonné par les plus hautes autorités de l’État central contre diverses personnalités de l’opposition d’alors. La propre sœur du président Macri aurait été mise sur écoute, sans doute parce que le clan familial se serait servi des moyens de l’État pour veiller sur ses affaires industrielles et financières.

Seule dans son secteur, le quotidien de la droite libérale titre son article dans le sens inverse : "Travaux publics : la procédure contre Cristina reprend son cours". Il faut le faire ! (2)

Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12 (favorable à la majorité actuelle)
lire l’article de La Prensa (droite catholique réactionnaire)
lire l’article de La Nación (droite libérale liée à la classe dominante en Argentine).



(1) Ce n’est pas le cas des Kirchner : personne n’a rien avoué à ce jour, ni la mère, ni le fils (aujourd’hui député et chef de groupe à la Chambre) ni la fille (qui vient de rentrer de son long séjour médical à Cuba). Quant au chauffeur de taxi, la défense et les partisans de Cristina ont assez vite développé des thèses selon lesquelles il aurait été acheté ou manipulé ou retourné par des sbires au service de Mauricio Macri désireux de se débarrasser de sa principale adversaire politique du moment et de l’envoyer au trou pour un bon moment. Le fameux lawfare dénoncé par la gauche occidentale comme système de vengeance de la droite lorsqu’elle revient aux affaires légalement ou non et il est vrai que cela se produit dans toute l’Amérique du Sud sauf jusqu’à présent en Uruguay, où aucune menace ne semble peser ni sur Pepe Mujica ni sur Tabaré Vázquez, les deux présidents de gauche de la précédente majorité (qui a gouverné pendant quinze ans).
(2) Sur les autres points, l’instruction se poursuit. Elle va reprendre avec des auditions en visio-conférence. A noter que la défense de la vice-présidente n’a pas fait d’objection à la continuation de l’enquête.