Dans quelques jours, en Argentine, ce sont les vacances d’hiver qui
commencent avec la saison du ski (dont la station la plus importante
du continent se situe à Bariloche, dans les Andes de Patagonie).
Aussi, devant l’avancée de l’épidémie de covid-19, le
gouvernement national (gauche péroniste), celui de la Ville Autonome
de Buenos Aires (droite libérale) et celui de la province du même
nom (gauche péroniste) se sont-ils concertés une nouvelle fois pour
resserrer les boulons.
En bonne place sur la une, l'impressionnant graphique de l'épidémie qui galope |
Du 1er au 17
juillet, la capitale fédérale et sa banlieue reviendront à un
régime très strict de confinement avec seulement 24 activités où
le travail restera possible, les 24 activités qui restaient
autorisées dans le décret de confinement du 20 mars dernier. Tout
le reste est au chômage technique, avec diverses aides de l’État,
ou en télétravail. Les écoles restent fermées, depuis la
maternelle jusqu’à l’université. Il n’y aura plus de
transports publics entre la capitale et les villes limitrophes ou
très peu. Des promenades resteront autorisées pour les enfants mais
les adultes devront se passer du footing de jour comme de nuit. Des
magasins qui avaient pu rouvrir devront à nouveau baisser le rideau.
Le pays atteint les 100 jours de confinement. Un tiers de l’année.
Du point de vue
économique, c’est bien entendu une catastrophe d’autant que le
travail au noir avait notablement progressé pendant les deux
dernières années du mandat précédent, qui furent deux années de
crise noire (surendettement de l’État, dérégulation à tout va
et baisse voire disparition des dispositifs sociaux). Il y aura aussi
des protestations au nom de la liberté mais, comme l’a dit le
président : la liberté est une affaire de vivants. Pour les
morts, il n’y a plus de liberté qui vaille. Il faut donc limiter
autant que possible leur nombre or l’épidémie flambe en ce moment
et le système sanitaire, notamment les services de soins intensifs,
est mis à rude épreuve.
Un groupe de
scientifique a mis au point un protocole permettant des dépistages
de groupe qui ne nécessitent de tests individuels que pour les
personnes composant le groupe dans lequel la présence du virus a été
détectée. Ceci devrait aider le pays à tester davantage à moindre
coût, une des clés du succès dans ce pays étranglé par la dette
contractée au cours du mandat précédent. L’Argentine déplore
déjà 1.175 décès du covid sur une population de 46 millions
d’habitants (en comptant les 8 morts annoncées ce matin).
Autrement dit, même mal respecté par tous les travailleurs en
situation précaire qui le bravent pour aller gagner leur pain, le
confinement reste la solution la plus efficace en l’absence
(durable) de remède et de vaccin.
"Circulation limitée dans le Gran Buenos Aires et fermeture de 300.000 commerces", dit le gros titre En haut, à droite, la photo de Hermés Binner Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Quelques observateurs
de droite osent toutefois élever la voix pour critiquer le
gouvernement au sujet de la mise en place en mars-avril d’un
hôpital de quarantaine dans le parc éducatif à thème Tecnopolis.
Cette structure n’a en effet pas encore servi et elle ne servira
peut-être jamais (en tout cas pas avant l’arrivée du printemps en
octobre) car elle ne peut pas être utilisée pendant l’hiver
(c’est un simple hangar à exposition et à Buenos Aires, il
faudrait mettre du chauffage pour y loger, comme cela avait été
prévu, des malades atteints à un degré léger ainsi que des
asymptomatiques qui doivent tous pouvoir être isolés pendant qu’ils
sont contagieux). Comme si le pic d’une maladie nouvelle et
soudaine était un fait maîtrisable par les pouvoirs publics !
La presse mainstream affûte déjà ses armes pour tailler en pièce
cette majorité haïe. Pourtant le chef de gouvernement de la Ville
de Buenos Aires est de droite et il coopère sans faille (apparente
en tout cas) avec la majorité de gauche : depuis le mois de
mars, les trois exécutifs rament tous dans le même sens sur la
stratégie contre l’épidémie, laquelle occupe 99,99 % de
leur activité.
On peut donc espérer
que, malgré la mauvaise volonté de certains, nettement plus
sectaires que d’autres, que cette longue expérience de
concertation transpartisane, qui a déjà valu un podium à
l’Argentine dans les pages de Time Magazine, ne change durablement
le paysage politique national et ne favorise l’indispensable
cicatrisation d’une division idéologique qui remonte au début de
la guerre civile en 1820 et que les coups d’État militaires
successifs de 1930 à 1976 n’ont fait qu’aggraver tout au long du
20e siècle.
L'édition de Página/12 à Rosario, capitale culturelle et économique de Santa Fe Belle photo de Hermés Binner et gros titre qui rappelle qu'il était médecin |
Les dates choisies pour
prolonger le confinement incluent la fête de l’indépendance, le 9
juillet. Encore une occasion de célébrer qui passe par pertes et
profits dans une année qui devait être riche en manifestations
culturelles autour du souvenir de Manuel Belgrano, l’un des plus
importants artisans de la création du pays. On a vu la semaine
dernière que le bicentenaire de sa mort était passé presque
inaperçu dans les colonnes de journaux.
Pour aller plus loin :
lire l’article de Clarín