En Argentine, il existe un système très complexe de répartition entre les provinces de fonds fédéraux qui contribue à aider les provinces à se développer et à fédéraliser les moyens : le système dit de la coparticipation.
Or dans un arrêt très
technique, la Cour suprême argentine vient d’ordonner au
gouvernement national de verser à la Ville Autonome de Buenos Aires
un supplément de cette coparticipation. Or Buenos Aires est déjà
la plus riche des 24 entités fédérées qui composent le pays.
C’est celle qui a donc le moins besoin de ces fonds.
Hier, le président a donc convoqué en urgence une réunion avec les gouverneurs péronistes, qui se sont joints les uns en présentiel les autres à travers une visio-conférence. Tous chefs d’exécutif des provinces qui ont le plus besoin de ces fonds (les provinces les plus riches sont actuellement gouvernées par la droite libérale).
Il en est ressorti une
déclaration solennelle dans laquelle le gouvernement annonce qu’il
n’obéira pas à l’arrêt de la Cour suprême parce que celle-ci
aurait, selon lui, agi de manière partisane (ce qu’elle fait très
souvent, il est vrai), que son arrêt est impossible à exécuter
(l’argent n’étant plus disponible puisqu’il a déjà été
distribué) et qu’il est rédigé d’une manière incompréhensible
(le mode de calcul utilisé est contesté par le gouvernement
national). Qui plus est, le gouvernement estime (non sans quelque
motif) que cet argent ira alimenter la campagne électorale de
Horacio Rodríguez Larreta, le chef de gouvernement de la Ville
Autonome de Buenos Aires (CABA) qui donne tous les signes de vouloir
se présenter à l’élection présidentielle de 2023 contre
l’actuel chef d’État dont la popularité est au plus bas mais
qui pourrait briguer un second mandat puisque Cristina Kirchner a
annoncé urbi et orbi son retrait.
"La concorde a fait long feu : le Gouvernement désobéit à la Cour" En-dessous, la fête à Marl del Plata Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Comme il n’existe aucune instance judiciaire au-dessus de la Cour suprême de la Nation et qu’aucun recours n’est plus disponible pour les parties, ce refus du gouvernement est un acte anticonstitutionnel, ce qui n’est pas sans poser de graves questions, quels que soient par ailleurs les arguments juridiques qu’il développe pour justifier sa position.
C’est la première fois qu’un gouvernement démocratique s’oppose ainsi à un arrêt de la Cour suprême. L’année s’achève donc sur une préoccupante lutte à mort entre deux pouvoirs constitutionnels séparés, qui développent, chacun de son côté, deux projets politiques opposés, trahissant ainsi l’un comme l’autre l’esprit et la lettre de la Constitution de 1853.
Le gouvernement demande la révocation des juges de la Cour, une mesure dont il avait plusieurs fois agité la menace devant l’attitude répétée et très peu impartiale de ces quatre magistrats (dont trois ont été nommés par Mauricio Macri), et il réclame l’annulation de l’arrêt. Il va maintenant falloir que le Congrès se prononce, or le gouvernement y a perdu la majorité dont il disposait avant les élections de mi-mandat.
L’affaire fait la une de tous les journaux ce matin.
Pour aller plus loin :
Ajout du 26 décembre 2022 :
Le
réveillon portant conseil, le président, qui est aussi professeur
de droit de métier, accepte de couper la poire en deux. Il payera à
la Ville de Buenos Aires la somme définie par la Cour en obligations
d’État tout en maintenant ses démarches pour faire invalider cet
arrêt et destituer les magistrats. Les magistrats ont en effet pris
une mesure de paiement à titre conservatoire qui a été signifiée
au gouvernement.
Pour aller plus loin :
lire l’article
de Página/12
lire l’article
de La Prensa
lire l’article
de Clarín
lire l’article
de La Nación
Ajout du 27 décembre
2022 :
Comme on pouvait s’y attendre, la Ville Autonome
de Buenos Aires refuse les modalités de paiement proposés par le
Gouvernement fédéral.
Pour aller plus loin :
lire l’article
de Página/12
lire l’article
de La
Prensa
lire l’article
de Clarín
lire l’article
de La
Nación