vendredi 23 décembre 2022

Crise constitutionnelle : le gouvernement rejette une décision de la Cour surpême [Actu]

"Grave conflit institutionnel :
le Gouvernement ne suivra pas l'arrêt de la Cour"
En-dessous, la photo de la réunion du président
et des gouverneurs.
Le président est au centre de la table, côté droit.
En haut, l'accueil fait par sa ville de Mar del Plata
au gardien de but de la Sélection nationale
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En Argentine, il existe un système très complexe de répartition entre les provinces de fonds fédéraux qui contribue à aider les provinces à se développer et à fédéraliser les moyens : le système dit de la coparticipation.

Or dans un arrêt très technique, la Cour suprême argentine vient d’ordonner au gouvernement national de verser à la Ville Autonome de Buenos Aires un supplément de cette coparticipation. Or Buenos Aires est déjà la plus riche des 24 entités fédérées qui composent le pays. C’est celle qui a donc le moins besoin de ces fonds.

"Le Gouvernement se dresse contre la Cour
et ouvre une crise institutionnelle inédite"
En-dessous, la photo d'une partie de football
sauvage qui a bloqué le trafic automobile en plein Buenos Aires
il s'agissait d'une manifestation d'un petit groupe
de militants de la cause sociale
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Hier, le président a donc convoqué en urgence une réunion avec les gouverneurs péronistes, qui se sont joints les uns en présentiel les autres à travers une visio-conférence. Tous chefs d’exécutif des provinces qui ont le plus besoin de ces fonds (les provinces les plus riches sont actuellement gouvernées par la droite libérale).

Il en est ressorti une déclaration solennelle dans laquelle le gouvernement annonce qu’il n’obéira pas à l’arrêt de la Cour suprême parce que celle-ci aurait, selon lui, agi de manière partisane (ce qu’elle fait très souvent, il est vrai), que son arrêt est impossible à exécuter (l’argent n’étant plus disponible puisqu’il a déjà été distribué) et qu’il est rédigé d’une manière incompréhensible (le mode de calcul utilisé est contesté par le gouvernement national). Qui plus est, le gouvernement estime (non sans quelque motif) que cet argent ira alimenter la campagne électorale de Horacio Rodríguez Larreta, le chef de gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires (CABA) qui donne tous les signes de vouloir se présenter à l’élection présidentielle de 2023 contre l’actuel chef d’État dont la popularité est au plus bas mais qui pourrait briguer un second mandat puisque Cristina Kirchner a annoncé urbi et orbi son retrait.

"La concorde a fait long feu :
le Gouvernement désobéit à la Cour"
En-dessous, la fête à Marl del Plata
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Comme il n’existe aucune instance judiciaire au-dessus de la Cour suprême de la Nation et qu’aucun recours n’est plus disponible pour les parties, ce refus du gouvernement est un acte anticonstitutionnel, ce qui n’est pas sans poser de graves questions, quels que soient par ailleurs les arguments juridiques qu’il développe pour justifier sa position.

C’est la première fois qu’un gouvernement démocratique s’oppose ainsi à un arrêt de la Cour suprême. L’année s’achève donc sur une préoccupante lutte à mort entre deux pouvoirs constitutionnels séparés, qui développent, chacun de son côté, deux projets politiques opposés, trahissant ainsi l’un comme l’autre l’esprit et la lettre de la Constitution de 1853.

Le gouvernement demande la révocation des juges de la Cour, une mesure dont il avait plusieurs fois agité la menace devant l’attitude répétée et très peu impartiale de ces quatre magistrats (dont trois ont été nommés par Mauricio Macri), et il réclame l’annulation de l’arrêt. Il va maintenant falloir que le Congrès se prononce, or le gouvernement y a perdu la majorité dont il disposait avant les élections de mi-mandat.

L’affaire fait la une de tous les journaux ce matin.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 qui soutient le gouvernement et combat le caractère partisan de la plupart des prises de position du tribunal suprême du pays
lire l’article de La Prensa, favorable à la Ville de Buenos Aires comme les deux titres qui suivent

Ajout du 26 décembre 2022 :
Le réveillon portant conseil, le président, qui est aussi professeur de droit de métier, accepte de couper la poire en deux. Il payera à la Ville de Buenos Aires la somme définie par la Cour en obligations d’État tout en maintenant ses démarches pour faire invalider cet arrêt et destituer les magistrats. Les magistrats ont en effet pris une mesure de paiement à titre conservatoire qui a été signifiée au gouvernement.
Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación


Ajout du 27 décembre 2022 :
Comme on pouvait s’y attendre, la Ville Autonome de Buenos Aires refuse les modalités de paiement proposés par le Gouvernement fédéral.
Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación