lundi 6 août 2012

Le Festival de Tango de Buenos Aires annonce la couleur mais en demi-teinte [à l'affiche]

Photo de famille autour du ministre Hernán Lombardi (avec l'écharpe beige) sur la scène du Café de los Angelitos

Rien d'étonnant à ce qui nous apparaît comme un retard considérable et qui n'est en fait, comme tous les ans à la même époque, que l'extraordinaire don des Argentins pour l'improvisation dans laquelle nous sommes nous-mêmes si mauvais... Le Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires vient de présenter, au Café de los Angelitos (dans la clinquante salle de spectacle, et non dans le café lui-même, beaucoup plus simple) la prochaine édition du Festival de Tango qui se tiendra du 14 au 31 août prochain.

On y retrouve les mêmes noms que d'habitude : Leopoldo Federico, Atilio Stampone, Horacio Molina, Luis Salinas, Raúl Garello, Pablo Agri, qui fera l'ouverture dans une salle de La Boca, le 14 à 20h, avec la Orquesta típica Sub 25 dont Agustín Guerrero est le pianiste, Daniel Melingo, Daniel Pipi Piazzolla, Juan Carlos Godoy, Walter Ríos, Juan Carlos et Johana Copes et Gabriel Soria qui organise un cycle de propositions autour de l'oeuvre de Piazzolla. Nouveautés ou presque : on trouvera Radio CAFF (!!!!) et El Tango vuelve al Barrio (ETvaB)de Cucuza et Moscato qui étaient déjà là l'année dernière pour la première fois. Dans les deux cas, ainsi que dans celui de ConCiertos Atorrantes (un autre programme de concerts réguliers), c'est amplement mérité. Et nouveauté des nouveautés, une soirée entière est prévue au Teatro Colón (je n'en crois pas mes yeux) avec l'initiative de tango en autogestion Tango ConTempo... En revanche, et là ce n'est vraiment pas une bonne nouvelle, le Festival se maintient au Centre des Expositions, un lieu très mal adapté à une manifestation artistique, avec une acoustique épouvantable (et c'est peu de le dire) et je ne parle même pas de la laideur insigne de ce hangar sans âme, éloigné des transports en commun et doté d'un parking exigu au tarif prohibitif (et on s'étonne que les Portègnes boudent le festival).

Et comme d'habitude depuis plusieurs années, le Mundial de Tango aura lieu en même temps que le festival, ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise chose. Bonne parce que l'expression dansée du tango doit avoir sa place dans un festival de tango mais si possible (et c'est très possible) sans écraser les autres disciplines comme c'est le cas systématiquement en Europe, sauf à Grenade, mauvaise parce qu'avec ce qui n'est qu'une compétition (souvent sans âme) et non pas un lieu d'expression artisitique innovant (loin de là), le Gouvernement de la Ville met en œuvre une politique touristique qui fait passer au second plan l'expression artistique populaire et authentique de cette capitale, avec sa vivacité, son dynamisme, son inventivité, et masque, comme par un tour de passe-passe, son désengagement général de tout ce qui relève de la culture et du secteur non-marchand, ce dont on ne peut se rendre compte qu'en suivant l'actualité et la fréquence des manifestations d'artistes et d'intellectuels contre cette politique tout au long de l'année (1). Chose qui m'intrigue, je n'ai pas vu le nom de Susana Rinaldi au programme cette année (mais je n'ai pas encore eu le temps de tout scruter). Or Susana Rinaldi fait partie depuis décembre de la Legislatura Porteña et elle y siège dans les rangs de l'opposition à Mauricio Macri...

Cette présentation laisse donc une impression ambiguë, où l'on ne sait ce qui l'emportera dans cette édition, de la volonté des membres du conseil artistique qui se débattent avec le peu de budget qui leur est alloué ou de l'attitude habituelle de ce gouvernement par rapport à cette manifestation dont il n'a jamais caché qu'il voulait avant tout en faire un business sonnant et trébuchant pour les commerces locaux, surtout l'hôtellerie.

Pour en savoir plus,

(1) C'est encore le cas depuis la mi-juillet avec la révocation soudaine de la directrice du Patrimoine architectural et environnemental de la Ville, qui vote Kirchner et qui était l'une des toutes dernières personnalités de gauche à avoir encore à la tête d'une direction de l'administration municipale. Il semble bien que la pluralité ne soit pas la bienvenue dans la haute administration territoriale à Buenos Aires sous ce second mandat de Mauricio Macri, qui a l'air de vouloir durcir encore plus le ton avec la Présidente, en profitant sans doute du fait que de toute manière il ne peut pas se présenter à un troisième mandat donc quoi qu'il fasse, il ne diminue pas ses chances électorales. En tout cas sur le plan local et comme il ne se cache pas de viser la Casa Rosada pour les élections dans 3 ans, il faudra surveiller le spectre électoral qui résultera de ces prises de positions radicales et sans nuance.