Hier en fin de journée, ce sont trois chanteurs qui se sont succédé sur la scène du Festival de Tango de Buenos Aires, tout là-haut, au Centre des Expositions de la Recoleta, un lieu peu propice à ce genre d'événements mais où la présentation a fait tout de même de nets progrès depuis l'année dernière.
Jacqueline Sigaut a ouvert le bal, si l'on ose ainsi s'exprimer, avec un récital composé des principaux morceaux de son nouveau disque, intitulé Desde el recuerdo te vuelvo a ver (un vers de Homero Manzi, tiré du tango Barrio de Tango, de Aníbal Troilo). Ce fut ensuite Luis Filipelli qui fit de même avec son nouvel album intitulé Utopia et enfin El Mono Izarualde, dont je crois c'était la première participation à ce festival. L'artiste est plutôt classé underground alors les festivals ! Une voix magnifique qui arrivait à passer malgré l'acoustique épouvantable du lieu jusqu'à la buvette où je me trouvais alors avec une partie de la fine équipe qui tient le stand du label Pichuco Records, aujourd'hui de plus en plus occupé à préparer le centenaire de la naissance du "plus grand bandonéoniste de Buenos Aires, comme l'appelait le poète Julián Centeya...
Cette année, le festival se présente sous les meilleurs auspices artistiques. Excellente programmation qui me laisse sans voix (j'avais beaucoup craint ces derniers temps une dérive vers une espèce de tango officiel mais Gustavo Mozzi semble avoir pris son poste désormais bien en main et avoir gagné une audace qui lui manquait sans doute au début). Je tâcherai de rendre compte autant que possible, entre deux rendez-vous et trois négociations, de cet événement dont on espère que la pluie incessante qui tombe sur Buenos Aires depuis une semaine ne viendra pas trop le gâcher.
En revanche, côté vie quotidienne, cet hiver semble bien sombre. Dans les supérettes (supermercados chinos), les tickets de caisse frôlent cette année les niveaux parisiens, ce qui ne concorde guère avec les montants des rémunérations des gens sur place. Les grèves affectent à tour de rôle tous les services publics dépendant du Gouvernement de la Ville Autonome. Les éboueurs officiels ne ramassent plus les ordures depuis plusieurs jours et les cartoneros (chiffoniers), qui s'en chargent d'ordinaire avant eux, ne passent pas à cause des orages incessants. Heureusement qu'il ne fait pas trop chaud, sinon le chaos serait encore plus indescriptible...